La publicité sur mobile : un marché obscur ?

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Eric Clemenceau, Directeur Général Rocket Fuel France

Une vieille blague raconte l’histoire d’un homme titubant dans la rue à la recherche de ses clés sous un réverbère. Un passant lui demande où il a perdu ses clés. « Là-bas », dit l’homme, pointant du doigt un endroit sombre de la rue un peu plus éloigné. Le passant réplique : « Si vous avez perdu vos clés là-bas, pourquoi les cherchez-vous ici ? »… « Parce qu’ici il y a de la lumière », répondit-il.

Transposons cette blague au secteur de la publicité que j’ai longuement côtoyé : nous nous sommes concentrés sur l’endroit « où se trouvait la lumière » à plusieurs reprises. Et aujourd’hui, le mobile se trouve clairement sous les feux de la rampe.

En mars dernier, la revue eMarketer a publié son rapport Need to Know Trends in US Digital Advertising soulignant l’importance du mobile dans le futur de la publicité digitale. Un précédent rapport d’eMarketer déclarait déjà que la publicité mobile n’était plus expérimentale, mais devenait l’un des canaux les plus importants du secteur de la publicité.

J’aurais tendance à dire aujourd’hui que la lumière brille sur les mobiles depuis déjà un certain temps. Quand j’ai commencé chez Avenue A en 2000, mon premier poste était Chef de Produit des technologies « sans fil », terme utilisé à l’époque pour parler des mobiles. Depuis, nous avons pensé tous les ans que « cette année, c’est l’année de la téléphonie mobile » ! (Pour mettre cela en perspective, le total des dépenses dans la publicité numérique était de seulement 8 milliards de dollars aux États-Unis à l’époque, et nous nous demandions combien de temps il faudrait pour atteindre les 20 milliards de dollars)

Cependant, si le marché du mobile ne cesse de prendre de l’ampleur, ce n’est qu’une partie de l’histoire. Je ne sous-entends en aucun cas que le mobile ne représente pas une formidable opportunité ou l’un des principaux moyens pour atteindre les consommateurs. Chez Rocket Fuel et comme chez beaucoup d’autres acteurs, nous investissons massivement dans notre capacité à fournir des engagements mobiles. Mais nous avons un point de vue qui varie légèrement concernant la façon de procéder et, par conséquent, une manière légèrement différente de parler du mobile.

Dillon Baker, de Contently.com, déclare que, si la recherche autour de l’efficacité de la publicité mobile n’est pas particulièrement développée, « elle se trouve à l’endroit où l’utilisateur se rend, et qu’importe l’endroit, l’annonceur suivra. » En réalité, l’utilisateur passe d’un device et d’un support à l’autre et son parcours ne se reflète pas dans les données. Les consommateurs continuent d’exister au sein d’un écosystème de postes de travail, de téléviseurs, de signaux radio, de panneaux d’affichage et autres types de signalétique. Ils sont sociables, regardent des vidéos, jouent à des jeux, parfois sur console, sur PC, sur tablette ou encore sur leur smartphone. Il n’y a rien de fondamentalement mauvais avec le fait de mettre en corrélation les rapports d’activité et l’activité des consommateurs, mais cela met en évidence une démarcation dans la façon dont l’industrie pense le mobile, et ne reflète pas la réalité à long terme de ce que signifie le mobile pour le marketing.

À bien des égards, le plus important pour la téléphonie mobile n’est pas d’atteindre un canal, mais la possibilité de créer des expériences significatives entre les marques et les consommateurs grâce à des dispositifs donnés. Bien évidemment, ceci présuppose qu’un annonceur peut rassembler cookies et identité de l’appareil sous un panel de profils unifiés et anonymes.  Dans la mesure où les consommateurs ont constamment leurs mobiles sur eux, à la recherche de la zone wifi la plus proche ou répondant aux requêtes des balises les plus proches, les dispositifs mobiles peuvent aider à dresser le profil du parcours du consommateur, qu’il soit online ou offline.

Grâce à la multitude de données offerte par les appareils mobiles « toujours connectés », nous parvenons à saisir le moment opportun et la manière appropriée pour générer de l’engagement au cours de la journée : pas seulement grâce aux appareils mobiles mais aussi par n’importe quel point de contacts numériques.

À bien des égards, je crois que ce que nous appelons « mobile » est juste un pas vers une solution globale cross-device. Pour y arriver, nous devons faire du marketing tourné vers le consommateur, et non vers leurs appareils.

Notre recherche multi-device affiche une augmentation des conversions de 31 % par rapport aux publicités n’exploitant qu’un seul canal. Nous avons toutefois constaté que cette hausse n’a pas de lien direct avec le fait que les consommateurs voient davantage d’annonces sur un nombre plus important d’appareils., Notre technologie Moment Scoring collecte sans cesse les données des utilisateurs à partir de nombreux points de contact, met à jour les profils de façon anonyme et permet ainsi aux Responsables Marketing de choisir le bon moment pour générer de l’engagement en temps réel. L’astuce est de savoir à quel moment et à quel endroit agir pour chaque individu, plutôt que de diffuser le plus largement possible et de prier pour que cela fonctionne.

Le mobile rend cela possible car c’est un canal clé pour l’engagement des consommateurs. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement qu’il faille considérer les publicités pour mobiles comme un exemple de réussite. Si nous agissons de la sorte, c’est que nous ne voyons pas plus loin que le bout de notre nez et que nous ne cherchons qu’à la lumière du réverbère. Alors que les commerçants se concentrent sur une approche multi-device en entonnoir, nous allons observer une croissance moins explosive et moins stimulante sur ce canal, mais nous constaterons également des résultats plus significatifs. Il s’agit alors de marketing axé sur les résultats, et c’est dans cette direction que l’industrie doit aller, les marques exigeant davantage de retours sur leurs dépenses publicitaires.