L’acculturation digitale : la preuve par l’exemple

La transformation numérique des entreprises passe par une prise de conscience générale des salariés qu’il faut absolument accompagner. Il faut donc ne pas hésiter à lancer des initiatives originales et soutenir les leaders de l’intelligence collective qui sommeillent dans vos organisations. En voici trois exemples, présentés lors d’une rencontre organisée par Wisembly, créateur de solutions collaboratives.

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Petit-Déjeuner Wisembly au Welcome City Lab le 27 Novembre 2015 © Wisembly

Cela se passait au Welcome City lab, dans l’un des incubateurs de la Ville de Paris. Beaucoup de monde ce matin-là, en ce jour de condoléances nationales. Les costumes-cravates côtoient de nombreux jeunes ingénieurs et start-upers. L’ambiance est conviviale et collaborative, comme il est désormais de mise dans ce monde du numérique et de l’open innovation.

Wisembly, la start-up parisienne invitante, éditrice d’une solution collaborative en mode SaaS (lire l’encadré), reçoit quelques grands comptes, sélectionnés parmi ses clients : Edf, FdJ et Sanofi. Beaucoup de prospects sont également présents dans la salle… autour du (vaste) sujet de la transition digitale et la transformation des métiers.

« Je suis maker, pas du tout une théoricienne ! », lance d’entrée Corinne Chauffrut Werner (@cowerner), responsable de l’intelligence collective depuis 15 mois à la Française des Jeux (FDJ), après y avoir occupé plusieurs postes depuis 1991. « L’intelligence collective, on en parle beaucoup, poursuit-elle. Mais elle actionne principalement deux leviers : l’individu et le collectif. »

Depuis cinq ans, cette femme dynamique a monté un dispositif frugal et original à la FdJ, « le Zinc », appelé ainsi en référence à leur univers du bar-tabac. « Le Zinc, c’est un processus transverse pour accompagner tous les métiers, y compris la DRH, explique-t-elle, pour les aider à trouver de nouvelles solutions, à challenger l’existant et à transformer la culture. »

A l’origine de la démarche, trois constats : on est tous créatifs (mais on n’en pas tous conscience !) ; ensemble, on est plus intelligent que tout seul (c’est déjà une valeur ajoutée) et, enfin, on doit casser les silos (une évidence).

Corinne Chauffrut Werner n’a pas attendu les grands moyens pour se lancer. « Tout bouge. Il faut nous aussi se bouger » La transformation digitale est une vraie opportunité selon elle, avec son lot plus important d’avantages que de risques. « C’est surtout une occasion formidable de se réinventer ».

Alors, comment faire différemment et mieux, et pas spécialement avec plus… « Je crois beaucoup à l’innovation frugale sous contraintes. Il faut aller vite. Il faut arriver à changer la culture. Autoriser les sorties de cadre et ne pas hésiter à explorer des mondes adjacents. » On n’y perd rien, insiste-t-elle. Au contrainte, on s’enrichit en prenant en compte la richesse des autres. Il faut arriver à une richesse partagée. « En tant que maker, nous ne sommes pas seulement dans le « penser », mais dans le « faire » », insiste-t-elle.

Pour autant, face à une telle « bonne volonté », les obstacles n’ont pas manqué. Et elle relève : « Le manque de confiance, la peur de l’échec, reste un vrai sujet à adresser ». Les résistances au changement également existent. Les légalistes ne comprennent pas forcément la démarche. « Tout n’est pas perçu positivement ». L’objectif est donc d’arriver à donner l’autorisation d’agir aux salariés : « Le management doit être concerné. Il faut les convaincre de la performance acquise, de la façon dont on crée de la valeur ensemble. »

Car la transformation digitale n’est pas seulement technologique. C’est d’abord une transformation de posture et de comportement. Qu’on se le dise ! Il faut arriver à créer de la valeur humainement ensemble, en favorisant la co-génération. Chacun a besoin de choses différentes : il faut faire bosser des profils de tous âges ensemble.

Son initiative séduit. Elle a déjà rencontré plusieurs grands groupes industriels, de l’aéronautique à l’énergie. « Chacun doit trouver son rôle dans l’organisation, conclut-elle. Je suis une pièce du puzzle ». A condition d’arriver à donner aux gens l’autorisation d’agir, de s’exprimer individuellement et collectivement. Pas si simple.

Le Numa comme entrée en matière

Après cette première intervention, vient le tour de Richard Berro, pilote stratégique du projet Dilex (Digital Learning Experiences) chez EdF (dilex@edf.fr). Cette démarche inédite est menée depuis un peu plus d’un an chez l’énergéticien public. « Il s’agit d’un projet d’expérimentation transverse en appui de la e-transformation numérique d’EDF, expose-t-il. Le digital, c’est l’humain avant les outils. Nous avions besoin d’une offre d’acculturation pour tous dans tout le groupe. Avec Dilex, on s’acculture en construisant l’offre. »

Tout commence le 7 novembre 2014. Ce jour-là, une vingtaine de personnes d’EdF visite l’incubateur de start-up Numa, en plein cœur du quartier du Sentier à Paris. « On a eu un choc en se faisant expliquer comment cela fonctionnait », reconnaît-il. Suivront 12 autres expéditions dans ce lieu culte d’un nouveau genre avec différentes divisions du groupe… Au programme : une journée de découverte et d’échanges sur les pratiques innovantes issues du monde de l’entrepreneuriat (nouvelles organisations du travail, collaborations renforcées pour booster l’innovation).

« Nous avons ainsi découvert les bootcamps. Et, par la suite, nous avons constitué des Afterworks pour discuter des réussites qui immergeaient de ces expériences ». Ouverte à tous, ces « sessions » d’une journée ont permis de toucher un large public dans l’entreprise : « Sont venus des earlier adopters comme des makers. Tous voulaient participer à une initiative qui venait de nulle part ».

De cette expérience ont émergé deux Bootcamps (1 semaine – 1 opportunité) : « Vous avez un projet transverse, on va vous aider pour faire évoluer une idée ». Des équipes se sont créées, en relation avec d’autres équipes suivant une démarche d’accompagnement adaptée au besoin (expérimenter, identifier les vrais besoins, définir des concepts…). « Ainsi, on a créé des projets beaucoup plus agiles », estime Richard Berro, qui fait le bilan de la saison 1 : « une vraie dynamique est née, avec une vraie envie de travailler différemment et, surtout, de continuer. D’où l’idée aujourd’hui de créer un Do Tank ».

Au total, 240 salariés ont été sensibilisés. L’un des 13 Dilex a été monté en partenariat avec la SNCF. Les deux bootcamps ont mobilisé une trentaine de personnes et certains projets ont d’ores et déjà abouti : « Des apps prototypées en bootcamp ont été mises en service, d’autres vont suivre… Nous avons même fait émerger le besoin de rapprocher deux équipes… Une avancée inestimable dans une organisation aussi grosse que la nôtre », conclut-il. A noter que dans ce projet, le sponsor de la démarche a été le DSI du groupe, partant dès le départ pour apporter un financement. D’ailleurs, un des effets directs de ces 13 premiers Dilex a été la mise en place de dix autres sessions chez ERDF… et plus de 250 personnes embarquées dans une réflexion tournée vers l’innovation. Plus de 80 idées en seraient sorties, dont une dizaine pourrait être expérimentée.

Stanislas Poirier, en charge de la culture digitale chez Sanofi France (4ème entreprise de santé dans le monde et 1ère en France) depuis 2013, a clôturé la matinée. « Ce qui est important de partager, c’est un changement des usages, qui ne changent que si on les accompagne dans le travailler autrement », explique-t-il.

Après avoir monté des actions dans tous les sens en 2013, le groupe a choisi de lancer l’année suivante moins d’initiatives, mais sur des populations plus ciblées dans l’entreprise. L’une des actions porte notamment sur le « parcours multicanal itinérants », qui vise à développer l’utilisation des services digitaux en visite médicale. « Nous sommes partis du constat que le digital est une réalité chez le pharmacien, le médecin et les patients… Du coup, le digital doit aussi être une réalité chez Sanofi ». Le groupe a travaillé avec le cabinet parisien Vertone, conseil en stratégie et management, pour former en cascade jusqu’au commercial sur le terrain. « Certains publics sont plus difficiles à atteindre, notamment les itinérants, d’où le besoin d’impliquer très fortement la RH et les différentes directions », précise-t-il. Une enquête interne vient de révéler que 77 % des visiteurs médicaux voient désormais l’intérêt d’utiliser le digital pour améliorer leurs performances.

 

La réunionite : un mal à maîtriser pour Wisembly !

Créé en 2010, Wisembly est un éditeur d’une solution collaborative pour des réunions d’entreprises en mode SaaS. Une réponse à un besoin évident d’efficience et d’interactivité des entreprises : un cadre passe environ 49 minutes par réunion, mais sa concentration ne dépasse pas les 35 minutes…

Récemment, la PME de 45 personnes a ouvert un bureau à Londres et a lancé Solid, une nouvelle app dédiée aux TPE/PME pour gérer leurs réunions au quotidien. Séminaires, formations, caff call… tout est redynamisé, avec la possibilité d’échanger en direct tout type de document entre les différents participants.

« Pour avoir une vraie présence à l’international, il faut se lancer. D’où cette première implantation à Londres afin de comprendre le process à adopter et pouvoir ensuite répliquer la démarche dans d’autres pays en Europe », explique Romain David, l’un des trois cofondateurs de l’entreprise avec Guillaume Potier et Andreï Vestemeanu.

La société a aujourd’hui conquis plus de 400 clients sur les 5 continents, allant de groupes internationaux à certaines associations et grandes écoles (BNP Paribas, SNCF, Auchan, Accenture, Canal+, Danone, Sciences Po…). En 2014, elle affiche un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. Son effectif devrait atteindre une soixantaine de personnes d’ici à fin 2016.

En février 2014, elle avait levé 1,5 million d’euros auprès d’Alven Capital, notamment pour développer le produit Solid. « Nous n’envisageons pas de nouvelle levée de fonds pour l’instant », précise Romain David. Pas avant fin 2016-début 2017 ».