Le « tout numérisé » : Eldorado ou mirage ?

Le « tout numérisé » : Eldorado ou mirage ?

Séverine Denys, Responsable Activité Archivage Electronique chez Locarchives

Contrairement à une croyance répandue dans les entreprises, il est inutile voire contreproductif de numériser l’ensemble de ses archives. Une telle opération constitue un investissement significatif, qu’il est important de mettre en rapport avec les bénéfices qu’on en attend. Il est souvent plus efficace et plus rentable de mettre en place une numérisation raisonnée, éventuellement combinée à d’autres solutions d’archivage.

Les idées reçues sur la numérisation – entendue comme la conversion en données électroniques d’un support physique – ont la vie dure. Depuis l’apparition des scanners bon marché, il est courant de penser que la numérisation de l’intégralité de ses archives serait pour chaque entreprise la panacée de l’archivage.

Grâce au « tout numérisé », pense-t-on, on va forcément booster notre productivité et réaliser de substantielles économies ! Cette croyance est fausse. Elle relève plus d’un effet de mode, et d’une « pensée magique » de l’informatique, vue comme la solution permettant de résoudre tous les problèmes sans effort.

Certes, la numérisation apporte aux entreprises les bénéfices d’un support électronique qu’on peut dupliquer, partager et transporter très facilement. Mais, pour scanner des documents, il faut les préparer, les trier, les indexer… Tout cela nécessite du matériel et de la main d’oeuvre et a donc un coût. A titre d’exemple, le coût de la numérisation « simple » d’une boîte d’archives équivaut au coût de 20 ans de conservation de ces mêmes documents papier, alors que la durée légale moyenne d’un document est de 10 ans… De plus, en basculant dans le « tout électronique », on se prive des qualités du support papier, notamment en termes de durabilité et de lisibilité. Un document papier se conserve sans problème pendant un siècle et reste intelligible. Pourra-t-on en dire autant de fichiers Word stockés sur DVD, sachant de la durée de vie de ces supports est aléatoire, et qu’on n’aura sans doute plus le logiciel et l’ordinateur pour les lire ?

Il est donc parfois plus efficace et plus rentable de conserver des archives papier plutôt que de vouloir « tout dématérialiser » pour les stocker sur des serveurs. Pourquoi d’ailleurs faudrait-il absolument « tout dématérialiser » ? Est-ce que vous scanneriez vos vieux tickets de métro ? Le « zéro papier » est un mirage…

On l’aura compris : la numérisation n’est donc pas une fin en soi, c’est une étape technique dans un projet d’entreprise plus vaste. Aussi, avant d’ouvrir ce chantier, il est vital de s’interroger – selon une démarche de Records Management – sur les bénéfices qui sont attendus de la numérisation au regard des priorités de l’entreprise : souhaite-t-on avant tout sécuriser et pérenniser les documents ? Faciliter leur consultation et leur partage ? Accroitre leur longévité ? Gagner de l’espace ? Faire des économies ? 14 mai 2014

C’est seulement une fois qu’on se sera posé ces questions qu’on peut définir les documents clés qui doivent faire l’objet d’une numérisation, et ceux pour lesquels la solution d’archivage papier « classique » est tout à fait adaptée. Ainsi, chaque typologie de documents sera « traitée » de façon adéquate, pour une efficacité et un ROI optimum.

Alors, c’est entendu, la numérisation a encore de beaux jours devant elle, mais il ne tient qu’à nous d’en faire un usage réfléchi !