Les déchets se mettent à l’informatique

Les déchets se mettent à l’informatique

Suivi des apports en déchetteries chez Sita France

La prise en compte accrue des problématiques environnementales, mais aussi l’évolution de la réglementation, nécessite une gestion optimisée des déchets. Peu à peu, les outils informatiques apportent leur pierre à l’édifice.

 

L’adresse du foyer, le numéro d’identifiant de chacun des bacs, les dates auxquelles ces bacs ont été relevés, le poids des ordures récupérées à chaque levée… toutes ces informations sont nécessaires à une organisation optimisée de la collecte des déchets ménagers. Auxquelles il faut ajouter parfois des données non-systématiques, comme la présence d’une roue cassée sur un bac ou l’utilisation du mauvais conteneur pour tel type de débris… La gestion des déchets ne se limite pas à faire transiter des sacs poubelles par camions, du producteur à l’incinérateur le plus proche. Non seulement il s’agit de valoriser au mieux les différents types de déchets dans un souci écologique, mais aussi d’intégrer les aspects économiques, soit s’assurer que le prix payé est le bon. Un vrai casse-tête ! Cela concerne aussi bien les collectivités que les entreprises industrielles, elles-mêmes soumises à des réglementations drastiques et pour lesquelles le poste « déchets » dans les dépenses, arrive souvent juste derrière celui de l’énergie.

Pour traiter cette masse disparate d’informations, le bon vieux fichier Excel ne suffit plus. Il faut désormais des outils informatiques adaptés, adossés à des bases de données ergonomiques et… puissantes. « Quand on a commencé à mettre en route la tarification incitative, il y a une quinzaine d’années, il n’y avait pas de solution informatique toute prête sur le marché », se souvient Capucine Gautier, directrice des marchés publics chez Sita France, une entreprise qui accompagne les collectivités pour la collecte des déchets. Cette filiale du groupe Suez Environnement s’associe donc à des SSII pour développer certains produits. « Nous développons nos propres interfaces dès lors qu’il s’agit de besoins spécifiquement liés à notre métier », précise-t-elle.

Les déchets se mettent à l’informatiqueL’obligation légale – relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement – pour les collectivités d’intégrer, d’ici à 2015, une part variable incitative, prenant en compte la nature et le poids des déchets, par exemple, renforce leur intérêt pour les outils qui pourraient les aider à l’instaurer. En outre, le développement des systèmes informatiques embarqués a accéléré l’évolution que subit le secteur. Les bacs, conteneurs et camions sont bardés de capteurs susceptibles de communiquer entre eux, les flottes peuvent être aisément géolocalisées et les tournées optimisées grâce à de nouveaux outils. « C’est un marché émergent », insiste la directrice des marchés publics de Sita France. D’autant qu’au- delà de l’aspect collecte en porte-à-porte, les problématiques de points d’apport volontaire et de déchetteries, accessibles pas badges en particulier, se développent. « Pour apporter un service le plus adapté possible, il faut disposer d’une vision à 360 degrés sur le foyer », juge Capucine Gautier.

 

Un besoin grandissant d’outils
Il est donc essentiel d’avoir des bases de données fiables, avec des informations vérifiées. « Nous portons une attention particulière à cet aspect, notre algorithme de vérification des données n’est pas des moindres », assure Laurent Fiat, associé fondateur de la SSII Global info, en charge du développement du logiciel Agide destiné aux collectivités locales. Cette vérification systématique et automatique des données a permis de repérer des poids irréalistes dans une collectivité alsacienne qui testait son passage à la facturation mixte avec système de pesée embarqué. Au final, il a fallu se rendre sur le terrain pour identifier la source du problème, un défaut sur les capteurs ayant été écarté. « Pour aller plus vite, le ripeur [l’agent de collecte des déchets, ndlr] appuyait à la descente du bac, faussant ainsi la mesure sans le savoir », raconte Laurent Fiat. Car le système pèse le bac à la montée, puis à la descente, et compare les deux mesures. L’informatique permet de pointer rapidement le problème, mais l’erreur reste bien souvent humaine…

De leur côté, les entreprises sont soumises à des pressions réglementaires importantes dès lors qu’elles produisent des déchets dangereux au sens de la législation. Pour y répondre au mieux, elles ont un besoin crucial en traçabilité. Les outils de gestion de déchets à destination des industriels proposent donc tous a minima ce type de fonction avec alertes pour prévenir d’informer la Dreal (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) par exemple, et ce qu’il faut lui fournir.

Les déchets se mettent à l’informatique

Collecte des conteneurs avec système d’identification

Mais le gros atout des logiciels dédiés est qu’ils sont capables de produire en automatique tous les documents nécessaires tels les bordereaux de suivi, en respectant une réglementation qui évolue vite. Un gain de temps non négligeable, mais surtout l’assurance de ne pas avoir à payer d’amende. « Nous proposons également une analyse économique en fonction du chargement des camions, du taux de valorisation des déchets, du prix à la tonne de traitement, etc. », indique Bernard Fort, président du directoire de Tennaxia. Cet éditeur propose une suite logicielle complète entièrement full Web liée à l’environnement et dont la fonction déchet n’est qu’une des parties. « Nous réfléchissons à des applications pour smartphone, dévoile-t-il. Il n’y a pas de besoin réel pour le moment, néanmoins cela commence à être d’actualité. » Un outil qui pourrait être intéressant pour la gestion interne des déchets, par exemple, pour demander à faire enlever une benne si l’on voit qu’elle est pleine sans avoir à repasser par le bureau.

 

Des logiciels maison
De son côté, Sita Spécialités, la filiale de Sita France dédiée aux activités déchets dangereux, a développé son propre logiciel métier Hecate, avec l’aide de la SSII Sfeir. « Nous n’avons pas trouvé d’ERP capables d’intégrer nos processus, explique Philippe Leroux, le directeur de la DSI (direction des systèmes d’information) de la société. Il faut dire que nous sommes sur un marché de niche et que les flux sont inversés par rapport aux marchés habituels : par exemple, quand on reçoit un chargement, on envoie une facture. Cela implique des fonctions qui changent la logique de ces outils. ». A l’avenir, ce logiciel maison devra permettre à Sita Spécialités d’aller plus loin dans la dématérialisation, mais aussi pourra offrir un service de type extranet à ses clients, afin de favoriser un travail collaboratif.

Pour gérer au mieux les déchets à l’échelle d’un territoire, encore faut-il savoir qui y produit quoi et connaître les filières de valorisation disponibles. C’est sur ce type de diagnostic que planche Trinov, une société créée en 2008, qui propose une série d’outils spécialisés dans les déchets aux entreprises, qu’elles soient du BTP, de l’industrie ou du tertiaire, mais aussi aux établissements de soins. Son application d’évaluation du potentiel des entreprises, en termes de déchets, à destination des institutionnels, est actuellement en phase de test. « On est vraiment dans une logique de création de filière : on évalue les quantités des déchets produits, leur potentiel de valorisation, on géolocalise ce qu’il y a autour, on calcule tous les scénarios possibles en masse et on propose une organisation derrière », développe Dan Dassier, ancien d’IBM et fondateur de Trinov. Les déchets ont donc du potentiel et leur gestion, quelle que soit l’échelle, peut encore être optimisée. Mais, pour Francis Ascione, président de Tradim, la première société à proposer une solution entièrement full Web pour les collectivités, les défis techniques sont derrières : « A présent on se dirige vers une gestion informatique intégrée des services à l’usager, au sein d’une base de données unique, car l’usager est désormais au cœur du système d’information de la collectivité. »

 

Cet article est extrait du n°3 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine

 

Photos: F. Dunouau – Marcperrey@mac.com