Cette article fait partie du dossier
Les articles du dossier

Les Filles et les Garçons de la Tech : une journée « pour soi » qui a du sens

Attirer de nouveaux collaborateurs est un défi permanent pour les ESN. Ces sociétés de services font face à un marché des plus tendus. Les Filles et Les Garçons de la Tech, jeune pousse du secteur, a ainsi décidé de réserver le vendredi à d’autres expériences que des missions chez les clients.

Les Filles et Les Garçons de la Tech

Les Filles et Les Garçons de la Tech

« Cette cinquième journée est une déconnexion, ça m’apporte énormément », assure Anthony Chateauneuf, consultant pour Les Filles et les Garçons de la Tech. Cette jeune ESN fondée il y a près de trois ans, en pleine crise du Covid, a décidé que le vendredi ne serait pas une journée comme les autres. Ainsi, pour ce dernier jour de la semaine, les consultants ne sont pas chez les clients mais en formation (17 jours par an environ), en repos (12 j/an), en mission associative (10 j/an) ou dans des temps de cohésion d’équipe (5 j/an). Et le contexte sanitaire n’y était pas pour rien dans la création de cette organisation. 

« Ce que j’ai compris de cette période c’est qu’il y avait une attente importante en termes d’évolution de la société », confie Fabien Amico, co-fondateur et CEO de l’entreprise. « En voyant l’élan de solidarité, on s’est dit qu’il y aurait un après-covid. Que les entreprises se transformeraient, seraient plus respectueuses, plus engagées. On s’est alors posé la question de créer une entreprise également plus respectueuse de ses salariés et de la société dans laquelle elle est implantée et avec laquelle elle doit être en interconnexion ». C’est ainsi qu’avec un petit groupe de futurs collaborateurs de l’entreprise, réuni au moment de sa création, a émergé l’idée de libérer une cinquième journée pour vivre d’autres expériences que les habituelles missions chez les clients. 

« J’avais l’impression de n’être qu’un numéro »  

Traditionnellement les sociétés de services dans le secteur de l’informatique souffrent d’une forte perte de lien avec leurs consultants. Ces derniers étant la quasi-totalité du temps, en mission chez des clients. « On essaye de trouver des moyens de lutter contre ça », assure le CEO de l’entreprise, qui a réalisé toute sa carrière dans les métiers de services. Passé par des grandes sociétés du secteur comme Capgemini ou Sopra Steria en tant que consultant, Anthony Chateauneuf observe lui, une réelle différence au sein des Filles et les Garçons de la Tech : « Le vendredi, on retrouve très souvent les collègues à l’agence d’Aix-en-Provence. On fait parfois des missions associatives ensemble. Dans mes anciennes entreprises je connaissais peu de monde, je n’avais pas cette culture d’entreprise ».  

« J’avais l’impression de n’être qu’un numéro. Je voyais des collègues aux repas de fin d’année mais je ne travaillais ni avec les autres consultants, ni avec les commerciaux », indique encore le spécialiste devops et cloud. Pour Fabien Amico, les différentes expériences offertes durant cette cinquième journée jouent dans le sens du bien-être des salariés dans leur métier : « Il y a besoins d’émancipation, de pouvoir évoluer. Ça passe beaucoup par l’apprentissage, le développement personnel, grâce à un meilleur équilibre vie pro-vie perso, avec du temps pour soi », assure-t-il. 

Un engagement associatif  

Selon le CEO de l’entreprise, le volet associatif proposé certains vendredis, n’est pas l’aspect le plus attractif lors des recrutements. « Pour autant, une fois que les gens sont chez nous, ça devient important pour eux », constate Fabien Amico. « Quand on donne du temps à une association c’est gratifiant, ça fait du bien et on en ressort rebooster ». Certains employés, comme Anthony Chateauneuf, avaient déjà des engagements associatifs sur leurs temps libres. « J’étais dans des associations sportives et je récoltais également de l’argent au sein d’une association de parents d’élèves dans mon village. J’ai adhéré de suite au modèle », assure le consultant arrivé il y a un an et demi dans la société. 

Mais d’autres missions dans des associations en lien avec Les Filles et Les Garçons de la Tech sont également possibles. « On fait un démarchage des associations pour essayer de travailler avec elles dans la durée », explique Fabien Amico. « Nos métiers sont particulièrement créateurs de richesses. On a peut-être une responsabilité différente. Ce qu’on vend à nos clients c’est du temps. On s’est dit qu’on allait garder du temps pour le redonner à la société. On veut être connecté au système social dans lequel on est et contribuer plus largement que simplement en payant des taxes et impôts ». Basée d’abord à Aix-en-Provence, l’entreprise compte aujourd’hui deux autres agences à Paris et Toulouse. Une nouvelle doit ouvrir à Montpellier dans les prochains mois. 

Une montée en compétence facilitée 

 
Ce modèle atypique intrigue, constate Fabien Amico. « Ça chahute parfois les clients d’avoir les consultants seulement quatre jours. Ils n’ont pas l’habitude de ça », indique-t-il. « Mais parfois ça fait écho à des valeurs profondes chez eux et ils sont très moteurs ». Cette organisation peut également bénéficier directement aux clients. « On gagne en productivité », indique Anthony Chateauneuf. « Les vendredis on échange avec d’autres consultants sur d’autres technologies, sur des méthodes différentes. Ça permet d’avoir des retours d’expériences et de se remettre en question. Avec en plus les temps de formation, ça apporte une vraie plus-value aux clients ». 

La formation prend une place très importante au sein de l’entreprise. Elle représente la majorité des vendredis. « Dans mes anciennes entreprises, quand je voulais me former, je devais le faire sur mon temps libre. C’était compliqué et avec des process internes parfois longs et complexes », raconte le consultant. « Maintenant, on peut se former sur toutes les technologies que l’on veut, quand on veut et au rythme que l’on veut. On peut vraiment monter en compétence ».  

Fabien Amico, CEO de l’entreprise développe : « Les gens sont très friands de formation dans notre métier. C’est un secteur qui évolue très, très vite ». Dans un marché particulièrement tendu, le plus grand risque pour une ESN est de voir ses consultants filer en interne chez les clients. Or, ce temps laissé libre pour se former est un des points les plus attractifs pour conserver ou attirer de nouveaux collaborateurs. 

« Quand on sera 100, on ne pourra plus rien nous dire » 

Dans ce secteur des ESN, de grosses entreprises existent qui comptent plusieurs milliers de consultants. Ce modèle, viable pour une petite entreprise pourrait-il être transposable chez les grands acteurs ? Pour le consultant Anthony Chateauneuf, passé par plusieurs ESN, la transformation à mener serait trop importante : « Démarrer avec ce modèle, c’est possible. Mais transformer une société vers ce modèle, c’est compliqué. Il y a beaucoup de choses à revoir. Les mentalités doivent bouger et il faut de l’investissement chez les employés. Quand on est dans une grosse boite, l’investissement n’est pas le même. Chez nous le passage à l’échelle sera moins compliqué ». Pour sa part, il confie ne plus vouloir retourner dans une entreprise au fonctionnement classique. À moins qu’il puisse obtenir un temps partiel à 80%, en gardant son vendredi pour lui. 

Prouver que le passage à l’échelle est possible, c’est la volonté du CEO de l’entreprise. « Ce qu’on voudrait c’est grandir suffisamment pour sortir de l’idée qui consiste à dire que ça marche seulement à 10 collaborateurs, puis ensuite seulement à 40 (nombre d’employés actuel, ndlr). Quand on sera 100 on ne pourra plus rien nous dire », lance Fabien Amico. Plus le contingent de l’entreprise croît, plus le modèle est mis à l’épreuve. « Ça demandera inévitablement des évolutions, des adaptations », poursuit-il. « On est en permanence en réflexion. On fait travailler tout le monde dessus pour maximiser le fonctionnement du modèle ». Rendez-vous est donc pris en 2025, date à laquelle Les Filles et Les Garçons de la Tech souhaite atteindre les 100 collaborateurs, pour observer l’évolution de ce modèle atypique.