Les métiers portent la Business Intelligence

Les métiers portent la business intelligenceL’informatique décisionnelle est de plus en plus accessible aux « métiers ». Cette démocratisation passe par une évolution des outils, mais également des habitudes des entreprises.

La business intelligence (BI), ou informatique décisionnelle, est la priorité numéro un des directions des systèmes d’information (DSI) pour 2013, d’après une récente étude menée auprès de deux mille d’entre elles par la société de conseil Gartner. L’informatique décisionnelle, qui permet de collecter, représenter, analyser et partager les données au sein de l’entreprise, dépasse ainsi les technologies mobiles et le cloud computing en termes d’attentes. Et si les budgets moyens de l’IT doivent baisser de 0,5 % entre 2012 et 2013, d’après Gartner, le marché de la BI se porte, lui, plutôt bien. Au niveau mondial, il s’est élevé à 79 milliards de dollars l’année dernière et devrait atteindre presque le double en 2016, avec une croissance annuelle attendue d’environ 16 % sur les quatre prochaines années, d’après le cabinet Pringle & Company.

Un nombre d’utilisateurs en forte croissance
Ce dynamisme se retrouve dans la diffusion importante des outils analytiques à tous les niveaux de l’entreprise. Auparavant limitée à quelques utilisateurs experts et aux requêtes adressées au service informatique pour obtenir des reportings complets, la business intelligence est prise en main par les métiers. La notion d’agilité devient omniprésente et les outils, plus intuitifs, peuvent être maîtrisés rapidement par n’importe quel type d’utilisateurs. « C’est le principe de la “BI pour tous”, qui rend le décisionnel accessible à ceux qui n’étaient pas traditionnellement équipés de ces outils. Même un réparateur à domicile doit pouvoir prendre des décisions sur le terrain, en temps réel », résume Jean- Michel Franco, directeur de l’innovation et des solutions chez Business & Decision (lire « Trois questions à … Jean-Michel Franco » en bas de page).

En conséquence, dans les entreprises, le nombre d’utilisateurs de BI augmente. « Nous avons commencé à utiliser la BI pour notre logistique dès 1987. D’une centaine d’experts de la donnée, nous sommes passés à plus de mille utilisateurs, grâce à l’arrivée des outils Web », témoigne Patrick Brillet, responsable Infocentre du groupe français Hachette Livre. Cette démocratisation du décisionnel est portée par des phénomènes technologiques : la dématérialisation et l’explosion des capacités des terminaux mobiles notamment. Mais c’est aussi la consumérisation de l’IT* qui fixe dorénavant les règles. « Les entreprises sont forcées d’évoluer à cause des usages grand public. Ceux-ci viennent des attentes de leurs clients, mais aussi de leurs collaborateurs, qui veulent retrouver sur leur lieu de travail, les possibilités offertes par Internet pour leurs usages personnels », explique Stéphane Briffod, manager avant-vente de Qlik Tech, un éditeur dont le credo est : « La BI conduite par l’utilisateur métier. »

Sur un smartphone, gérer ses comptes avec l’application proposée par une banque ne demande aucune formation. Les outils de BI adoptent, eux aussi, cette logique de self-service. Il n’est plus à l’ordre du jour d’avoir à attendre une semaine pour recevoir un rapport demandé au département IT. « Malgré la bonne volonté du service informatique, sa vision ne sera jamais celle des métiers… Ces derniers ne raisonnent pas comme des informaticiens en termes de “spécifications” des besoins, mais en découvrant progressivement leurs attentes à l’usage », confirme Bruno Chotin, directeur de l’expertise BI chez Coheris, un éditeur français de logiciels, qui mise lui aussi sur le succès d’un nouvel outil, plus simple, à destination des managers, quel que soit leur métier.

Cette autonomisation présente l’avantage de faire gagner du temps à tous les acteurs concernés. Au conseil général de Seine-et-Marne, apporter la BI aux agents s’est fait à travers un grand projet de « Démarche globale de performance ». Ce n’est pas seulement l’outil qui a changé, mais bien les processus et les usages des différentes directions. « Auparavant, les données pouvaient être retraitées par trois personnes différentes avant d’être exploitées par un chef de service. Certains calculs pouvaient prendre plusieurs semaines », se rappelle Nelly Dufour, directrice du contrôle de gestion et de l’audit au conseil général. Désormais, ce dernier compte 150 utilisateurs, qui peuvent accéder à des données harmonisées et constamment mises à jour. « Ils passent moins de temps à recueillir les données ou à s’interroger sur la façon dont les indicateurs doivent être calculés… Ils peuvent ainsi se concentrer sur l’analyse », précise-t-elle.

L’autonomie, un équilibre à trouver
Face à ce changement, les équipes informatiques restent plutôt positives. « Elles peuvent se concentrer sur des tâches plus complexes et ont moins de demandes en attente. Donc, les tensions entre les différents départements sont moindres », note Davy Nys, vice-président EMEA & Apac chez Pentaho. Cette nouvelle agilité n’exclut pas, selon lui, la collaboration entre l’informatique, les spécialistes des données et les métiers. Celle-là est bien au contraire nécessaire pour assurer la cohérence globale et la bonne circulation des données. « Le gain d’autonomie n’est pas un processus simple, il faut trouver le bon équilibre », signale-t-il.

Pour que cette diffusion de la BI apporte de la valeur à l’entreprise, une forte conduite du changement doit être menée. « La BI traditionnelle d’une entreprise est constituée de couches qui se sont empilées au fil du temps et de la croissance, interne ou externe, de l’entreprise. Ce sont autant d’habitudes à changer », confirme Stéphane Briffod de Qlik Tech. Une réalité bien connue de Nelly Dufour, qui se souvient que les agents du département ne voyaient pas ce que cette évolution allait leur apporter concrètement : « Il a fallu apporter la preuve que tout le monde allait en bénéficier. Cela a nécessité une véritable révolution culturelle. »

* L’usage à titre professionnel d’outils utilisés par les individus dans leur vie de tous les jours (smartphones, PC portables, mais aussi logiciels, applications ou sites internet…).

 

 

Jean-Michel Franco, Directeur de l'innovation et des solutions de Business & Decision

Jean-Michel Franco, Directeur de l’innovation et des solutions de Business & Decision

Trois questions à…
Jean-Michel Franco
Directeur de l’innovation et des solutions de Business & Decision

Les DSI tiennent-elles le rythme face aux attentes ?
La demande des « métiers » évolue vite. C’est un challenge pour les DSI d’y répondre : il arrive même que la BI se développe hors de leur contrôle. Les collaborateurs utilisent leurs propres outils. Les directions marketing ont, par exemple, tendance à se constituer leur propre IT, au risque de ne pas être homogènes avec l’entreprise. La DSI doit comprendre ces besoins, pour y répondre rapidement.

L’agilité est-elle la réponse ?
Ces approches sont un point de départ. Elles contribuent à diffuser la BI pour toucher des personnes jusqu’à présent ignorées. Mais l’enjeu n’est pas qu’interne. Pour diffuser l’information aux clients, surtout en BtoC, il faut industrialiser ce savoir-faire. C’est ce qu’offre le cloud : partager ses données à l’extérieur plus facilement. Gartner estime que, d’ici à 2016, 30 % des entreprises vendront des données à leur écosystème. C’est un moyen fort pour se différencier sur le marché… mais qui demande beaucoup de maturité.

Les entreprises ne maîtrisent pas assez leurs données ?
Bien souvent, seul la DSI est capable d’assurer la cohérence et la qualité des informations. Certains métiers bénéficient d’un contrôle de gestion, garant d’un référentiel commun de données. Mais, pour beaucoup, ce rôle n’est pas institutionnalisé. Il est complexe pour l’entreprise de le créer. Par nature, établir ce référentiel est un sujet très transversal. Au-delà d’un outil, c’est donc au niveau de la stratégie de l’entreprise que tout se joue. Le défi est de faire de la maîtrise des données un objectif en tant que tel.

 

Cet article est extrait du n°2 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine