Direct, indirect, structurel, systémique… L’effet rebond peut prendre de multiples formes dans les projets digitaux. Trois experts illustrent ce mécanisme complexe par des exemples concrets et nous livrent leurs bonnes pratiques pour intégrer la maîtrise des usages dès la conception des services numériques.
L’effet rebond désigne la situation dans laquelle une amélioration technique, censée réduire un impact, entraîne finalement une augmentation de cet impact. Une organisation crée ce phénomène lorsqu’elle profite des gains d’efficacité pour intensifier un usage, multiplier les services associés ou élargir le périmètre d’utilisation. Cette dynamique se produit également lorsqu’un changement technologique provoque des évolutions de comportements ou de pratiques qui annulent une partie des bénéfices attendus. Cette thématique a été débattue lors de l’édition 2025 du GreenTech Forum, à Paris, lors d’une table ronde intitulée « Limiter l’effet rebond dans l’écoconception numérique ».
Pierre Monget, Directeur de Programme chez Hub France IA, définit l’effet rebond en précisant que ce dernier présente deux volets distincts : direct et indirect : « L’effet direct apparaît lorsqu’une amélioration technique ou la réduction des coûts d’un service, ou d’un produit, encouragent un usage plus intensif de la solution. L’effet indirect se manifeste, lui, lorsque des changements de comportements ou d’organisations se produisent en réaction à cette amélioration. Cette seconde composante reste difficile à qualifier, car un grand nombre de facteurs intervient dans sa formation ».
Selon Yousre Neji, Manager chez EY Consulting, l’effet rebond peut également être structurel. Il se produit au moment où une pratique ponctuelle, efficace au départ, se généralise jusqu’à devenir la norme : « Des pratiques ponctuelles peuvent, dans ce contexte, devenir des routines partagées par l’ensemble des équipes. Les réunions en visioconférence se sont ainsi imposées après la période Covid comme un mode d’échange standard même lorsqu’on est dans les mêmes locaux à quelques bureaux d’écart ».
Pour d’autres experts, une troisième dimension peut même être ajoutée : l’effet rebond systémique. Ce dernier indique que les gains d’efficacité liés au numérique peuvent stimuler l’activité d’un secteur et, par un mécanisme indirect, accroître la consommation de ressources. Cette dynamique oblige alors à considérer les effets rebond en dépassant le périmètre d’un produit ou d’un cas d’usage isolé.
Des exemples concrets dans les projets numériques
Dans les projets numériques, où l’écoconception fait de plus en plus souvent partie intégrante des processus, l’effet rebond peut s’inviter de multiples manières, que ce soit au niveau logiciel, des services ou des équipements. Yousre Neji décrit ainsi un projet de badgeuse virtuelle dans lequel les « couloirs d’accès » ont été surdimensionnés. L’entreprise craignait en effet une saturation du dispositif et a installé cinq couloirs alors que quatre ont suffi en pratique, ce qui a généré un surcoût matériel et énergétique inutile. De son côté, Alexandre Foulon évoque un cas dans lequel l’intégration d’une IA frugale en local a déclenché une adoption très large des utilisateurs. Cette adoption a entraîné l’apparition d’usages qui ne présentaient pas d’intérêt particulier et a encouragé une sur-utilisation liée à la facilité d’accès.
Pierre Monget mentionne enfin un exemple observé dans le domaine du recrutement. Certains candidats génèrent leur lettre de motivation avec une IA, puis les recruteurs analysent ces mêmes lettres avec un outil automatisé. « Ce mécanisme réduit significativement la valeur ajoutée humaine et amène à questionner la pertinence de maintenir cette exigence », analyse-t-il.
Quelles bonnes pratiques pour limiter l’effet rebond ?
Comment, dès lors, intégrer la prise en compte des nouveaux usages dans la conception initiale d’un produit ou d’un service numérique ? Certaines équipes appliquent les principes d’écoconception dès le lancement pour limiter les dérives et intègrent nativement des outils de mesure permettant d’analyser les parcours réels. Cette instrumentation aide à identifier rapidement les situations où un usage s’étend au-delà du besoin initial, ce qui permet d’ajuster le produit. L’entreprise peut également mettre en place des mécaniques de sensibilisation et de gamification adaptées au public pour éviter la sur-utilisation lorsque ces signaux apparaissent.
Yousre Neji insiste de son côté sur l’importance du cadrage fonctionnel. Elle explique que « le périmètre doit rester serré dès la conception pour éviter de créer un effet de rebond par sur-utilisation de l’application ». Elle cite un projet d’application mobile destinée aux managers, volontairement limitée à trois fonctionnalités essentielles. Elle précise que « l’équipe a renvoyé tout le reste sur le web afin d’éviter la prolifération fonctionnelle » et maintenir un service cohérent avec l’usage réel.
Pierre Monget propose quant à lui une approche centrée sur les besoins avant la technologie. Il explique que « la conception doit partir des contraintes de ressources et des usages plutôt que de la solution technique ». Il invite les équipes à questionner la pertinence d’intégrer une IA, et plus encore une IA générative. Il rappelle que « des alternatives plus frugales existent, comme l’IA symbolique ou des algorithmes simples », et que certains projets peuvent fonctionner avec des performances légèrement inférieures, mais suffisantes pour répondre au besoin. Cette posture ouvre la voie à des conceptions plus sobres et à une anticipation plus fine des effets d’usage.
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