Luc Rémont (Schneider Electric) « L’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas »

Depuis plusieurs années, Schneider Electric s’est résolument tourné vers la recherche de solutions connectées pour répondre aux besoins de ses clients : industriels, collectivités et particuliers. Son credo : marier les technologies de l’énergie à celles du numérique. Luc Rémont, président de Schneider Electric France, revient sur ces évolutions majeures.

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Luc Rémont, Président de Schneider Electric France

 

Votre groupe a présenté Ecoblade, un nouveau système de stockage de l’énergie dont le lancement est prévu cette année. De quoi s’agit-il exactement?

Ecoblade est un système modulaire de stockage d’énergie à base de batteries Li-ion qui permet de faciliter l’intégration des énergies renouvelables, dont le photovoltaïque, dans les réseaux électriques. La lutte contre le réchauffement climatique passe, en effet, par la transition des énergies fossiles vers des énergies renouvelables. Or, leur exploitation pleine et efficace dépend en grande partie du stockage. Jusqu’à présent, les réseaux d’électricité ne permettaient pas d’intégrer efficacement de nouvelles sources d’énergie, car ni la puissance du vent, ni le degré d’ensoleillement ne correspondaient forcément aux besoins de consommation d’électricité du moment. En nous appuyant sur notre expérience en énergie sécurisée et en gestion de l’énergie, nous avons conçu un système de stockage pour les environnements domestiques, informatiques, industriels ou commerciaux et pour les réseaux électriques.

Ecoblade fait beaucoup appel à des solutions logicielles. Schneider Electric peut-il encore imaginer son développement sans les technologies connectées et interactives ?

Nous sommes très engagés dans ce domaine, en mariant les technologies de l’énergie à celles du numérique et axons nos efforts de digitalisation dans la connectivité entre les produits, les solutions et les systèmes, les échanges entre les collaborateurs et, enfin, l’expérience client. Nous n’abordons donc pas le digital seulement au travers de l’aspect purement technique, mais au niveau d’une expérience globale. En cela, notre développement dans le numérique est total.

Big data, objets connectés, cloud… Comment ces technologies impacteront-elles, dans les années à venir, votre activité et celles de vos clients ?

En fait, ces technologies imprègnent déjà nos métiers et ceux de nos clients. Elles modèlent la stratégie d’innovation et les investissements de Schneider Electric. Elles ont des répercussions directes sur les produits et les architectures des systèmes que nous créons, comme sur leur mode de développement et les services qui les accompagnent. L’Internet des objets, le cloud, la numérisation, la convergence IT/OT*, sont au cœur de nos recherches depuis plusieurs années. Dans le domaine de l’énergie par exemple, elles permettent déjà, à chaque utilisateur – qu’il soit particulier, industriel ou gestionnaire de bâtiment – de connaître, de piloter et d’optimiser ses consommations énergétiques. Dans celui des process industriels, nos technologies connectées assurent la continuité numérique tout au long du cycle de vie des produits afin d’apporter toujours plus de performance et de compétitivité à nos clients. De la conception des produits ou procédés, à la conduite et l’exploitation des sites industriels, nous les accompagnons dans ce voyage vers l’usine du futur.

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L’innovation, l’agilité, la collaboration deviennent les maîtres mots de l’entreprise connectée. En France, comment définiriez-vous l’écosystème de l’innovation dans lequel vous vous intégrez ?

Cet écosystème est un modèle collaboratif construit autour du triptyque « recherche-université-industrie », et nous y participons activement. Nos équipes de R&D sont au cœur de cette démarche et plus de 2 500 ingénieurs et techniciens en France apportent leur capacité d’innovation technologique, mais aussi leur connaissance des besoins clients. Nous animons également des réseaux de compétences, renforçant ainsi notre expertise dans des domaines technologiques stratégiques. Notre R&D a évolué au fil des années pour parvenir à une parfaite intégration dans cet écosystème collaboratif, véritable accélérateur de nos innovations.

S’allier avec des « acteurs du numérique » est-il alors plus que jamais nécessaire ?

Bien sûr. Les initiatives de développement externes et les partenariats avec les grands acteurs du numérique sont essentiels. Notre champ d’application couvre l’ensemble des technologies : des matériaux aux composants électroniques jusqu’aux logiciels avancés. C’est pourquoi certains de nos programmes d’innovation sont menés en collaboration avec cet écosystème de partenaires du digital qui offre souplesse et réactivité. Nous travaillons ainsi avec eux dans un esprit de complémentarité et non de concurrence.

Schneider Electric a signé ces derniers mois des partenariats avec des PME novatrices, comme Lucibel ou Verelec, par exemple. Quel rôle jouez-vous, en France, dans l’émergence d’un écosystème innovant dans le secteur de l’énergie ?

Schneider Electric joue un rôle majeur dans ce domaine. Nous sommes engagés dans de nombreuses démarches de soutien et de partenariats avec des start-up et des entreprises avant-gardistes. Avec Alstom et Solvay, nous avons par exemple créé le fonds Aster Capital, qui a pour mission d’investir dans des start-up dans les domaines de l’énergie, des nouveaux matériaux et de l’environnement. Cet appui leur permet notamment d’accélérer leur activité et de financer leur expansion. Il s’agit là d’une forme « d’excubation » qui est pleinement intégrée à notre stratégie d’innovation.

… et tout ceci transforme la relation avec vos clients ?

Oui, inévitablement. Les innovations que nous développons, en interne ou avec des partenaires, sont intégrées à nos solutions et nous avons à l’égard de nos clients un devoir d’accompagnement. Nous formons, chaque année, plus de 10 000 professionnels dans la gestion de l’énergie ou les automatismes industriels. Cela fait partie intégrante de la valeur ajoutée que nous voulons leur offrir. Par ailleurs, les interactions entre nos clients et nous-mêmes sont de plus en plus digitalisées. C’est, par exemple, le cas pour le choix des produits pour lesquels les nombreux configurateurs Schneider Electric, accessibles via le cloud, permettent aux professionnels de préparer leurs projets de façon autonome. Mais ils disposent également d’une expertise accessible à tout moment, pour leur apporter des réponses aux questions techniques ou commerciales qu’ils peuvent se poser. Cela nous oblige à repenser la chaîne de contact. Cette relation peut être totalement virtuelle, ou au contraire davantage physique, selon le besoin.

Quelle place prend le consommateur/le client, qui devient de plus en plus un co-créateur de valeurs ?

Ce consommateur/client a acquis un grand pouvoir, aussi bien économique que politique. Il faut être à son écoute pour satisfaire ses attentes tout en respectant les intérêts de la collectivité. En France, par exemple, dans les débats sur les énergies, nous nous sommes affranchis d’un focus exclusif sur le mix de production, au bénéfice d’une approche portant sur les consommations. En clair, le client dispose, et va disposer plus encore, du véritable choix dans l’arbitrage de ses modes de consommation, en partie par la technologie, en partie par les choix collectifs qui sont faits. Pour lui, l’énergie la moins chère est celle qu’il ne consomme pas et les choix qu’il va opérer contribuent en parallèle à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il devient un « consom’acteur ». Chez Schneider Electric, nous travaillons depuis longtemps avec tous les consommateurs et à la façon dont ils pouvaient effectivement prendre le contrôle total de leurs installations. Nos solutions de gestion intelligente de l’énergie en découlent.

Vous vous êtes récemment engagés avec des villes comme Brest ou Nice dans des projets de réseau intelligent d’électricité, d’interprétation des données… Dans le domaine des Smart Grid et, plus largement de la « Smart City », les collectivités territoriales ont-elles atteint un degré de maturité suffisant ?

Les choses évoluent et de nombreuses collectivités ont compris qu’elles avaient un rôle moteur à jouer dans ce domaine. Elles ont pris conscience que le problème énergétique les concernait directement, tant pour offrir à leurs administrés de meilleures conditions de vie que dans l’attrait économique qu’elles devaient exercer pour attirer de nouvelles entreprises sur leurs territoires. Quel que soit leur projet : smart grid, électromobilité, amélioration de la performance énergétique de leur parc de bâtiments…, Schneider Electric les accompagne naturellement, avec d’autres acteurs, car les sujets imposent bien souvent la mise en commun de compétences multiples et variées.

Dans le futur, quelle place devrait tenir Schneider Electric dans le monde de la gestion de l’énergie ?

Du fait de l’accroissement de la population mondiale, et de l’industrialisation massive des puissances émergentes, la demande en énergie est en augmentation constante. Elle devrait doubler d’ici à 20 ans. Dans ce même laps de temps, pour limiter le réchauffement climatique, nous devons diviser par deux les émissions de CO2. Cet écart, entre une demande croissante et l’obligation collective que nous avons de diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, constitue un véritable défi, notamment technologique. La réduction des consommations d’énergie est déjà, et sera plus encore demain, un point central dans les problématiques de nos sociétés. En tant que leader dans ce domaine, Schneider Electric aura un rôle de pivot au cœur d’un écosystème de l’énergie au service de la collectivité en développant des solutions toujours plus pertinentes.

Plus près de nous, en mars prochain, doit se dérouler à Paris un événement** à l’initiative de Schneider Electric pour démontrer la complémentarité de ses solutions. De quoi s’agit-il ?

En effet, nous avons décidé d’organiser, fin mars 2016, en parallèle du Schneider Electric Marathon de Paris dont nous sommes le sponsor titre, un salon dédié à nos solutions pour le bâtiment intelligent, pour l’usine du futur, pour les réseaux intelligents… de manière à montrer la complémentarité de ce que nous sommes en mesure de proposer à nos clients et à leur « faire toucher du doigt » l’étendue des possibilités offertes au service de leur performance. Ce sera un moment fort pour tous où l’innovation sera au centre du dispositif. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet et je ne veux pas tout dévoiler ici… Le meilleur moyen de mesurer tout cela est de venir voir sur place !

* Technologies de l’information / Technologies opérationnelles

** L’événement « Vivre et travailler en 2030 » se déroulera à Paris, Porte de Versailles du 31 mars au 2 avril 2016. Alliancy, le mag est partenaire de l’exposition.

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