Nord-ouest, La Manche joue la fibre

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Bienvenue dans un département qui a su, avant les autres, anticiper le très haut débit. Tandis qu’Acome (1 000 salariés) investit depuis trente ans dans le développement optique, les collectivités territoriales ont créé, voilà dix ans, un syndicat mixte pour réaliser l’aménagement numérique du département. La Manche dispose ainsi de l’un des réseaux de fibre optique les plus denses de France : une « autoroute » de 1 500 kilomètres, qui va bientôt être complétée par un réseau « capillaire ».

Objectif : raccorder en très haut débit (FttH) la totalité du département d’ici à quinze ans, soit 300 000 prises (foyers, entreprises et établissements publics), pour 356 millions d’euros. Dans le cadre de l’appel à projets « France très haut débit – réseaux d’initiative publique », la Manche a obtenu un financement de l’Etat de 38,8 millions d’euros, pour la première tranche du déploiement (187 millions d’euros) et doit couvrir plus de 60 % du territoire d’ici à cinq ans. Le reste est financé par l’Etat, l’Europe, la Région, le département et les communautés de communes.

Pour les zones blanches et grises, Manche Numérique a opté pour un réseau Wi-Fi « multiple-input multiple-outpout » (Mimo), en cours de test sur trois sites. Sur certaines zones d’activité, le syndicat réalise un programme de fibrage complet, en partenariat avec la région ; des services sont proposés aux entreprises (visioconférence, espaces numériques de travail…). Deux chargés de mission ont été recrutés. Roland Courteille, directeur général de Manche Numérique, insiste sur ce point : « Nous nous occupons d’amener la fibre, mais aussi du service aux entreprises en partenariat avec les collectivités locales. D’un niveau équivalent à ce qui est proposé dans les grandes agglomérations françaises. » Si Manche Numérique se charge de l’infrastructure, c’est Manche Telecom – via une délégation de service public – qui pose les éléments actifs. Une fois la fibre « allumée », les grands opérateurs peuvent proposer des offres en termes de débit (2 à 100 Mbit/s) et des services classiques (téléphonie sur IP, messagerie, hébergement, serveurs à distance…). 

Estimant trop élevé le coût de raccordement « fibre » pour les petites entreprises, Manche Numérique a fait le choix politique de l’abaisser, tout en sécurisant le débit et le service (garantie temps rétablissement/ GTR). Un coût supporté par la région, l’Europe, le département et les communautés de communes. « Il s’agit de permettre aux TPE/PME de bénéficier d’offres de débit à coûts raisonnables, par exemple 100 euros en entrée de gamme avec un débit sécurisé, indique Roland Courteille. Avoir 2 Mbit/s, c’est une chose. Avoir 2 Mbit/s garantis en permanence, c’est autre chose. »

La transformation des services publics

Installé à Saint-Laurent-de-Cuves, le spécialiste de l’aménagement et d’ingénierie intérieur James (18 millions d’euros de chiffre d’affaires ; 150 salariés) témoigne : « SFR nous a amené la fibre au pied de notre entreprise, alors qu’elle passait 500 mètres plus haut dans le village. Nous avons évidemment saisi cette chance », se souvient Freddy Bolteau, directeur général. En janvier 2013, la PME est passée du SDSL (1 Mbit/s) à la fibre optique 6 Mbit/s avec débit sécurisé. Une petite révolution pour les 50 postes informatiques de Saint-Laurent-de-Cuves, dont le bureau d’études transmet souvent des documents techniques lourds et complexes. L’entreprise a profité de la fibre pour se faire aménager une seconde ligne, une liaison VPN dédiée (4 Mbit/s) entre la Normandie et la capitale. « Nos collaborateurs parisiens peuvent lire nos plans comme s’ils étaient à SaintLaurent-de-Cuves. » Mais le dirigeant n’est pas prêt pour autant à passer à un débit de 50 Mbit/s, du fait du coût proposé par son opérateur (SFR). Sa société paie déjà mensuellement 545 euros pour sa ligne Internet fibre et 477 euros pour sa ligne VPN.

De son côté, le transporteur normand Noyon est passé à la fibre pour ses sites de Mondeville (10 Mbit/s), Saint-Lô (10 Mbit/s) et Cherbourg (4 Mbit/s). Son prestataire informatique, NCI, qui gère à Caen tout son système d’information, a fait le choix du datacenter de l’opérateur de services nancéen Adista.
« Ces débits élevés et redondants permettent de raccorder et de gérer un grand nombre d’utilisateurs simultanément, tout en tirant pleinement profit des solutions hébergées NCI, explique Charles Bouillault, chef de projet Systèmes & Réseaux chez NCI. L’intérêt d’un lien télécoms de haute capacité est de pouvoir raccorder en même temps beaucoup d’utilisateurs au cloud privé, leur donnant ainsi l’accès à la haute disponibilité. Le SI étant un point crucial pour nos clients, il est impératif que celui-ci soit toujours disponible », insiste-t-il. 

Soucieux de la transformation numérique des entreprises, Manche Numérique s’attaque aussi à celle des services publics. Le syndicat teste à Saint-Lô une carte NFC pour le citoyen (cantine, bibliothèque…) et planche sur un projet de raccordement à un datacenter unique de tous les collèges et centres médicaux sociaux du département (90 sites). « L’objectif : passer en client léger, observe Roland Courteille. Toutes les applications seront accessibles dans le cloud ; les ordinateurs devenant de simples terminaux. ».

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