Open data : 5 questions à se poser pour les entreprises privées

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Capture écran du site opendata.saemes.fr

« Nous voyons dans l’open data un avantage concurrentiel. » Adrien Jonget, responsable du service communication et marketing de Saemes, le deuxième opérateur de stationnement francilien, parle sans détour des avantages que sa société entend tirer de la démarche d’ouverture des données qu’elle a menée. En mars, cette société d’économie mixte, qui travaille en partenariat avec les délégations de parking sur Paris et toute l’Île-de-France, a dévoilé Saemes OpenData, une plateforme permettant le partage de données variées sur les parkings : informations générales, coordonnées GPS, services, moyens de paiement, tarifs, horaires… Le site s’adresse à la fois aux clients de la société, à ses partenaires ou à des développeurs motivés pour créer de leur côté des applications utiles. Cela fait longtemps que la notion d’open data a fait florès… mais les entreprises du secteur privé peinent encore à se sentir concernées. A tort.

Pourquoi se lancer dans l’open data ?

D’abord, Adrien Jonget fait remarquer que l’open data va vite devenir incontournable : sans y être obligée, la ville de Paris intègre par exemple depuis quelques temps déjà des clauses open data dans certains de ses appels d’offres. D’un point de vue législatif et pour les acteurs publics, le mouvement est enclenché depuis plusieurs années : le projet de loi pour une République Numérique, adopté à l’Assemblée Nationale en janvier, consacre par exemple l’un de ses trois volets à la « circulation des données et du savoir ». Les organisations, notamment celles qui sont très liées aux acteurs publics ont donc tout intérêt à anticiper. « Le mouvement open data s’intensifie », reconnait Jean-Marc Lazard, CEO de la start-up OpenDataSoft, qui a travaillé avec Saemes sur son projet. « De plus en plus de structures prennent les devants au niveau business, en amont de l’évolution réglementaire liée à la loi Lemaire. On sort des seules initiatives venues du secteur public », remarque-t-il.

Pour Saemes, l’enjeu est clair. « Nous sommes en position de challenger, nous avons donc tout intérêt à nous différencier en innovant… Nous avons vocation à nous rendre plus visibles vis-à-vis de nos clients et du public, via des moyens non-conventionnels », explique Adrien Jonget. Open data et opérations de communication font bon ménage.

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Adrien Jonget, responsable du service communication et marketing de Saemes

Quels sont les intérêts au-delà de la communication ?

Saemes décrit les trois avantages qui l’ont convaincu de se lancer dans l’aventure : « Le plus important, c’est que sur le fond nous attirons plus de clients ainsi. Plus vite une personne peut trouver des informations précises sur des données de parkings, plus son expérience est bonne et plus elle est convaincue de l’utiliser. » A court terme, la plateforme de Saemes sert donc à doper la fréquentation des parkings.

« A plus long terme, cette dynamique permet également d’attirer de nouvelles délégations, séduites par cette dynamique », précise Adrien Jonget. Pour Saemes, cela signifie des redevances plus importantes, avec un effet d’entraînement  notable, car outre la part fixe des sommes concernées, une part variable est indexée sur le chiffre d’affaires du parking, créant un intérêt d’autant plus fort pour les démarches originales permettant d’augmenter la fréquentation. Le dernier point souligné par la société est le développement à long terme d’une image de marque qualitative.

Après avoir mis en place la plateforme initiale en trois mois, Saemes entend accélérer le mouvement : au deuxième trimestre 2016, les données dynamiques comme la disponibilité en temps réel des places de parking, différenciées entre voitures, motos ou encore véhicules électriques, seront mises à disposition. Rapidement, d’autres services pourraient être apportés grâce au travail de start-up sur ces données librement accessibles : applications permettant d’anticiper l’occupation des parkings ou encore favorisant l’intermodalité entre la voiture et les autres types de transports à proximité… Tout pour fournir une expérience client globale plus riche et satisfaisante.

Mais l’intérêt qu’un acteur d’économie mixte comme Saemes voit dans l’open data, et les gains qu’il en retire, sont-ils déclinables pour d’autres entreprises privées, dans des secteurs complètements différents ?

Jean-Marc Lazard veut le croire : « De plus en plus d’entreprises utilisent aujourd’hui l’open data pour leurs activités, cela contribue à diffuser une culture auprès de leurs équipes… et on voit des entreprises qui se mettent en écho à ouvrir elles-mêmes leurs données ! »

Souvent, les objectifs sont d’abord associés à ceux de la RSE ou à un dispositif de communication. « L’idée que la démarche peut être aussi un levier de pilotage fait cependant son chemin. Depuis quelques mois, des acteurs dans le monde de l’énergie, de la chimie, imaginent une meilleure valorisation pour leurs données, en mélangeant des data exclusives avec le socle open data « public » » décrit le CEO d’OpenDataSoft. A la clé, de nouveaux services à valeur ajoutée.

A l’heure où tous les acteurs majeurs de l’économie numérique, les ténors du Web, se pensent comme des plateformes ouvertes avec les données au cœur de leur modèles, les secteurs en France qui se sentent concernés se multiplient. « On reçoit des sollicitations pour accompagner des entreprises du BTP comme du secteur bancaire, des sociétés de services comme d’industriels… de toute taille ! »

Le point d’entrée pour l’entreprise est souvent très rationnel, avec un projet précis sur un périmètre réduit. Mais progressivement, la philosophie d’une meilleure utilisation de la data, en partie « open », irrigue l’entreprise. L’ouverture est utilisée à des fins de transparence pour de la communication interne ou institutionnelle, puis pour favoriser les interactions avec son écosystème et mieux activer ses partenariats innovants. La réflexion devient stratégique.

Peut-on transformer ces initiatives en de vrais business models, en faisant commerce de la donnée ?

Beaucoup y pensent, mais celles qui s’y mettent reconnaissent que ce n’est pas pour l’heure un générateur de revenus important. « Le plus intéressant n’est d’ailleurs pas de vendre de la « data brute », fut-elle exclusive, plutôt que d’être dans une production raffinée, enrichie grâce à des données de tiers. C’est dans ces cas que l’on voit une très forte valeur ajoutée », décrit Jean-Marc Lazard. Et c’est justement le parti pris de nombreuses start-up à forte croissance et de pure-player du web.

Faut-il s’attendre à des blocages en interne ?

On imagine facilement une résistance sur le pré carré de la « data », notamment du côté du département informatique dont les usages sont souvent bousculés par l’ouverture des données. C’est souvent moins le cas que l’on ne le pense : « A partir du moment où est cadré le sujet de la sécurité notamment, il s’avère au contraire que les DSI sont plutôt enclins à se positionner comme facilitateur et apporteur de valeur vis-à-vis des métiers. » C’est d’ailleurs même plutôt du côté de ces derniers que l’on note le blocage. Une initiative d’ouverture des données amène souvent une évolution de la place globale des data dans l’entreprise : le risque est de voir des offres commerciales bien établies depuis une dizaine d’années profondément remises en question. De quoi faire grincer des dents chez certains. Mais il va sans dire que les entreprises seront de plus en plus nombreuses à payer le prix du changement pour s’inscrire pleinement dans l’économie de la donnée.