Patricia Waldron-Werner, OBS – « Il n’y a pas que la formation initiale »

Patricia Waldron-Werner, OBS – « Il n'y a pas que la formation initiale »Interview Patricia Waldron-Werner,
Senior vice president, Human Resources
d’Orange Business Services
Propos receuillis par Yves Daunac

Patricia WaldronWerner, senior vice president, Human Resources d’OBS, nous livre ses méthodes de recrutement dans un monde où les technologies évoluent très vite et où il faut anticiper ses besoins comme les demandes de ses clients.

 

Alliancy, le mag. Maintes fois évoquée, la pénurie de compétences est-elle avérée ?
Patricia WaldronWerner. Orange est une marque très forte et les grandes lignes de notre politique de ressources humaines sont connues. Nous n’avons aucun problème pour attirer des candidats, bien que nos prévisions d’embauches soient conséquentes. Nous recherchons principalement des ingénieurs études et développement, des spécialistes systèmes et réseaux, des consultants et des chefs de projet. Notre cible, ce sont les diplômés Bac+5 issus des écoles d’ingénieurs et de commerce, mais aussi des universités. Nous avons par ailleurs un programme plus spécifique, visant à constituer un vivier de hauts potentiels, l' »Orange Graduate Programme« . La promotion 2013, qui intégrera l’entreprise le 1er octobre, comprend 25 personnes, dont 56 % de femmes. 52 % ont un profil ingénieur et 48 % un profil business. En tout, sept nationalités sont représentées. Ces hauts potentiels ont été sélectionnés parmi 2 000 postulants. Les seules difficultés concernent quelques spécialités très pointues, comme la cyber-sécurité, les technologies liées au cloud et, dans une moindre mesure, le big data. Dans ces domaines, le flux de diplômés ne suffit pas à satisfaire la demande.

 

L’appareil de formation est-il bien dimensionné pour faire face aux besoins de recrutement actuels et futurs des entreprises?
Globalement, la France est bien outillée. La réputation des ingénieurs français dans les domaines de l’informatique et des télécoms n’est plus à faire. En revanche, il se pose un problème d’orientation des jeunes vers les carrières scientifiques. Il faudrait encourager plus de jeunes à embrasser ces métiers. Il existe déjà des initiatives dans ce sens, au niveau de la branche. En ce qui concerne Orange Business Services, nous avons lancé depuis trois ans un programme de sensibilisation des jeunes filles de 13 à 15 ans, appelé Job Shadowing. Dans ce cadre, des femmes ingénieures du groupe parrainent des collégiennes et des lycéennes qui viennent passer une journée de découverte dans l’entreprise pour se faire une idée de la vie professionnelle. Les résultats sont satisfaisants. La plupart d’entre elles imaginaient les ingénieures un tournevis à la main. Beaucoup repartent avec l’envie de tenter un bac S. Ce projet, né en France, est maintenant exportée à Singapour, en Egypte, au Royaume-Uni et aux Etats Unis

 

Les écoles peuvent-elles adapter les formations aussi vite que les technologies et les besoins des entreprises évoluent ?
Tout ne passe pas par la formation initiale. Orange, comme les entreprises de notre secteur doivent miser sur des potentiels. Recruter un cadre ou un ingénieur, c’est investir à long terme. Il faut donc bâtir des parcours de qualification avec les collaborateurs. Ceux-ci sont d’ailleurs demandeurs. Au sein d’Orange, nous avons une vingtaine d’écoles de métiers, offrant des possibilités de spécialisation ou de changement de cap. Par exemple, des ingénieurs réseaux peuvent se transformer en chefs de projet. Nous donnons aussi une culture technologique à tous nos cadres, quelle que soient leurs fonctions. Nous avons par exemple une Cloud Academy, ouverte à tous, avec, évidemment des niveaux de formation différents. Dans l’idéal, demain, aucun des 170 000 collaborateurs d’Orange ne devrait ignorer ce que c’est que le cloud. Sur un autre plan, en concertation avec plusieurs entreprises partenaires, nous travaillons avec des écoles d’ingénieurs à la co-production de cursus répondant spécifiquement à nos attentes.

 

La sélection par les mathématiques limite l’accès à la profession. Est-il indispensable d’être matheux pour réussir dans les métiers IT ?
Aujourd’hui, dans certaines fonctions que l’on occupe en entreprise, il faut de bonnes bases en mathématiques. Dans le monde du business, l’on manie des chiffres à longueur de  temps et pour comprendre les enjeux, on ne peut pas être ignorant dans ce domaine. Mais cela ne signifie pas qu’il faut laisser sur le bord du chemin ceux qui ne sont pas naturellement doués en mathématiques. Vu la diversité de nos métiers, nous ne recherchons pas un type de profil unique. Au contraire ! Le sens du service et la capacité d’innover ne se résument pas à la maîtrise des chiffres.

 

Dans quelle mesure la volatilité des compétences complique-t-elle la tâche des DRH ?
Les technologies évoluent très vite et nous devons anticiper nos besoins ainsi que les demandes de nos clients. Pour ce faire, j’ai mis en œuvre en 2011 chez Orange le Skill and Anticipation Program, qui concerne les trois quarts des 22 000 collaborateurs. 400 managers issus de différentes fonctions de l’entreprise y ont participé. Dans un premier temps, nous avons identifié les compétences clés à l’horizon de trois ans, en tenant compte de la stratégie de l’entreprise, de son implantation géographique actuelle et à venir, des ressources financières, des perspectives de chiffre d’affaires, etc. Nous avons ensuite établi une cartographie de ces compétences que nous avons confrontée aux ressources disponibles. Ce travail a permis de repérer les manques et de concevoir nos plans de formation et de recrutement. Pour chaque besoin identifié, il existe trois possibilités. Primo : former des techniciens et ingénieurs déjà présents dans les effectifs. Secundo : recruter à l’extérieur. Tertio : sous-traiter ou externaliser, notamment lorsqu’il s’il s’agit d’un savoir-faire non stratégique.

 

La dépendance des entreprises vis-à-vis de technologies presque toutes « made in USA » n’est-elle pas préjudiciable à la compétitivité ?
Je ne crois pas. Au contraire, l’aptitude des ingénieurs français à intégrer différentes technologies, d’où qu’elles viennent, est une force. Les métiers IT réclame de l’ouverture d’esprit. Le plus souvent, il faut intervenir comme un ensemblier qui utilise des briques de diverses origines. Le fait d’utiliser des technologies issues de Cisco, Microsoft ou Google ne nous empêche de créer les nôtres. Orange investit fortement en R&D. L’inventivité du groupe ne s’est pas arrêtée au Minitel. Chaque année, le groupe dépose environ 300 brevets. Il y en a eu 291 en 2012. Au total, nous détenons un portefeuille de 7 493 brevets.