[Chronique] Phénomène des NFT et régime fiscal : à quand une vraie réponse ?

Notre chroniqueur Eric Barbry analyse le contexte juridique autour de l’une des récentes coqueluches médiatiques du numérique : les NFT. Et souligne qu’une question majeure reste encore sans réponse…

NFT Pour ceux qui me font le plaisir de me lire régulièrement sur Alliancy vous connaissez le principe de Lex Numerica. Il s’agit de partager avec vous mes états d’âme de lawyer sur le droit du numérique en faisant part de mes coups de chapeau (mes félicitations, assez rare il est vrai J) et mes coups de gueule (mes déceptions en somme).

Généralement c’est soit l’un soit l’autre… Mais je viens de trouver un sujet « mi-mi », mi coup de gueule, mi coup de chapeau.

Quel est l’objet de mon article sur les NFT ? Faire le point. Vous pas encore entendu parler des NFT ? Ne vous inquiétez pas, ça va venir… Vous avez entendu parler des NFT et vous n’avez rien compris ? Rassurez-vous, c’est normal !

NFT, kesaco ?

J’ai moi-même mis plusieurs jours entiers à lire des tonnes d’articles et livres blancs, bleus ou verts, des avis des uns ou des autres et pris quelques molécules de paracétamol pour tenter de comprendre les NFT et leur régime juridique.

Pour faire simple, un NFT n’est pas une monnaie, même si elle s’échange le plus souvent par des crypto monnaies, le NFT n’est pas de la blockchain même si elle utilise ce type de technologie. En fait, le NFT est un nouveau support pour des biens incorporels. Sa caractéristique est d’être « non fongible ».  Là encore, essayons de simplifier : fongible = interchangeable versus non fongible = non interchangeable.

Ce n’est pas assez clair ? Alors prenons des exemples : un billet de banque est fongible, vous pouvez l’échanger contre un autre billet de banque qui a la même valeur même si le billet n’est pas le même. Une quantité de produit est fongible : vous pouvez échanger 10 tonnes de blé contre 10 tonnes de blé, ou un litre d’essence contre un autre litre d’essence ! Mais il existe des biens « non fongibles », car ils sont uniques et ne peuvent pas s’échanger contre le même objet : une œuvre d’art ou encore un droit de faire ceci ou cela…

Or aujourd’hui, les NFT prennent une place grandissante et s’appliquent à beaucoup de choses : œuvres d’art, tweets, GIF, cartes virtuelles de sportifs ou d’artistes, avatars, dédicaces, invitations à un évènement et nous n’en sommes, à mon avis, qu’au début. Il existe même déjà des sites web ou plateformes dédiés à la vente de NFT !

Alors pourquoi un coup de chapeau ET un coup de gueule ?

D’abord, à tout Seigneur tout honneur : mon coup de chapeau au Sénateur Jérôme Bascher. Je ne fais pas de politique, je suis avocat mais j’observe… et je constate que M. Bascher a su s’emparer d’une question très importante sur la fiscalité des NFT.

Il a ainsi posé une question écrite n° 22200 à l’attention de M. le Ministre de l’économie, des finances et de la relance sur la fiscalité applicable aux jetons non fongibles (« non-fungible tokens » ou NFT).

Après avoir rappelé la difficulté de qualifier juridiquement un NFT, il pose LA question à 1 million de bitcoins :

« Au regard de l’importance croissante de ce phénomène de NFT, et de la complexité de sa catégorisation en vue de l’application d’un régime fiscal spécifique, il lui demande de bien vouloir lui préciser la position du Gouvernement sur ce sujet. »

Mon coup de gueule est quant à lui adressé au ministère de l’Économie et des finances…

Je lis en effet sur le site du Sénat que cette question a été publiée dans le JO Sénat du 15/04/2021 (page 2459 pour être précis)… vous avez bien noté « avril 2021 ».

Or, que lit-on sur le site du Sénat à date ? « En attente de réponse du Ministère de l’économie, des finances et de la relance. »

Je sais bien qu’il y a beaucoup à faire sur la loi de finances pour 2022, mais prendre quelques minutes (allez disons quelques heures) pour répondre à cette question serait bienvenu.

D’autant que la réponse peut être assez simple : si l’on considère que le NFT est un support, il devrait normalement suivre le régime juridique de l’objet immatériel qu’il supporte… Mais je laisse au ministre le soin de répondre !