Qualité et numérique : deux forces complémentaires

En partenariat avec la Direction générale des Entreprises (DGE) sous le haut patronage du ministère de l’Economie et des Finances, l’association France Qualité* organise ce lundi soir 30 janvier, la 24ème édition de la remise des Prix France Qualité Performance (PFQP), intégrant pour la première fois le « Prix Excellence Opérationnelle » créé avec le Medef. L’occasion de faire le point sur la qualité à l’heure du numérique avec Pierre Girault, co-président de France Qualité, également directeur QSE & DD d’Air France.

Pierre Girault, directeur Développement Qualité et Coordination SMI d’Air France & coprésident de France Qualité

Pierre Girault, directeur Développement Qualité et Coordination SMI d’Air France & coprésident de France Qualité

Alliancy, le mag. Comment se porte la qualité aujourd’hui en France ?

Pierre Girault. Il y a clairement un regain d’attractivité en ce moment autour de ce sujet ! Les démarches qualité sont déployées de plus en plus dans de nombreuses entreprises, de toutes tailles, mais aussi au sein d’administrations, de collectivités publiques…

Comment expliquez-vous cette nouvelle dynamique ?

Pierre Girault. Je vois au moins trois facteurs en fonction de ce qui nous remonte, y compris des régions. Tout d’abord, la dimension d’amélioration continue et proactive autour de la relation de services et des contacts avec l’ensemble des parties prenantes d’une organisation est de plus en plus déterminante. Et cela, on ne peut le faire que s’il y a de la méthodologie à la clé et en particulier l’utilisation d’outils qualité.

Concernant le deuxième facteur, on voit beaucoup d’entreprises revenir à une logique d’optimisation de l’efficacité, de renforcement de la performance opérationnelle, de développement de la compétitivité… Tout ceci ne peut se faire qu’avec des méthodes et des outils éprouvés et on revient de nouveau dans une logique d’amélioration continue qui passe notamment par des outils qualité.

Ceci n’est-il pas également conforté par des logiques de filières ?

Pierre Girault. Tout à fait. Lorsqu’un grand groupe incite (ou oblige) ses fournisseurs et sous-traitants à s’engager dans des démarches d’amélioration continue, au sein même de la filière se développe un langage commun, des approches communes et cela est vraiment porteur d’un renforcement de l’efficacité au global. Là, on n’est plus seulement sur une entreprise, mais sur une chaîne d’acteurs où la qualité s’affirme comme langage commun, voire passerelle d’une entreprise à l’autre.

La qualité devient-elle au final un support de management ?

Pierre Girault. C’est clairement un support de pilotage et c’est aussi ce qui explique l’évolution du rôle des responsables/directeurs Qualité, qui deviennent davantage des animateurs, des conseils internes – plus proches des dirigeants – pour mettre l’accent sur les outils qui existent pour améliorer tel ou tel point dans l’entreprise. Le rôle des qualiticiens évolue vers un support en termes de conseil, d’animateur et d’accompagnement méthodologique. On voit que leur position se renforce dans la durée.

Vous aviez évoqué trois facteurs… Quel est le dernier ?

Pierre Girault. Aujourd’hui, dans toutes les organisations, publiques ou privées, on parle de nombreuses démarches de progrès, de maîtrise des risques, des aspects relation client, sécurité, sûreté, santé au travail, environnement et développement durable… Quelle peut être la colonne vertébrale de ces différentes démarches de progrès et de maîtrise des risques ? La qualité apparaît encore comme un pivot commun à l’ensemble, en la faisant sortir de son périmètre classique (autour des processus, de la norme ISO 9001…). Elle sert de point d’appui pour l’évolution des modes de fonctionnement entre les différents acteurs comme par exemple dans l’automobile et l’aéronautique, deux filières toujours en pointe dans ce domaine.

« Ce qui coûte, ce n’est pas la démarche qualité,
mais bien la non-qualité ! »

Etre dans cette logique de « tronc commun » modifie-t-il l’action de France Qualité ?

Pierre Girault. La transversalité, il faut la faire vivre et ce n’est pas si simple. Cela nécessite du relationnel, de l’ouverture d’esprit, mais aussi de la méthodologie. Nous essayons d’accompagner ce mouvement évidemment, en facilitant l’appropriation de méthodes via des supports simples (qualité et RSE ; qualité et excellence opérationnelle…) que nous proposons sur notre site.

Quel lien voyez-vous entre la qualité et le numérique, où l’on ne parle plus que d’écosystème et de transversalité ?

Pierre Girault. La transformation numérique conforte ce mouvement. Dans un nombre significatif d’entreprises, c’est bien la fonction qualité au sens large qui intervient en termes d’accompagnement méthodologique, de suivi de la mise en œuvre des projets en matière de transformation… La digitalisation de la relation avec les clients par exemple renvoie très vite aux enjeux « qualité client » : il faut mesurer la satisfaction des clients, il faut procéder à du retour d’expériences… sans oublier le mouvement Big Data.

C’est-à-dire ?

Pierre Girault. Avec l’analyse des données de plus en plus poussée, d’incroyables possibilités s’annoncent. L’utilisation de masses d’informations peut améliorer encore la relation de services avec le client au plan de la réactivité, au plan de la customisation… et cela est très difficile à réaliser si l’on ne se saisit pas des méthodes et outils qualité.

Et sur l’aspect transversalité ?

Pierre Girault. Plus il y aura de transformation numérique, plus la transversalité aura de l’importance. Le thème du partage d’informations devient crucial et est de plus en plus réclamé par la jeune génération. Et là, on est au cœur du métier de qualiticien : comment faire vivre un tableau de bord ? Comment en améliorer la diffusion ? Comment faire en sorte que sur la base des résultats obtenus, on lance les actions correctives adaptées ?… Ce sont les enjeux de l’amélioration continue dans l’entreprise.

Le numérique serait donc une vraie opportunité pour la qualité ?

Pierre Girault. La qualité non seulement se trouve consolidée dans ses périmètres d’origine, mais elle est probablement plus perçue encore comme un vecteur d’agilité, de réactivité… A condition qu’il y ait de notre côté un accompagnement solide en termes de formation des qualiticiens pour se saisir des technologies numériques. France Qualité se doit d’accompagner ce mouvement de développement de compétences.

Au-delà, quels sont les grands objectifs de votre association pour l’année 2017 ?

Pierre Girault. Notre premier objectif est de répondre aux différents défis de la dynamique dont on parlait. A nous finalement de proposer en regard un certain nombre de supports qui favorisent le déploiement et en assure la solidité. Par exemple, la contribution à l’évolution de l’état de l’art avec notre think tank « Made in Qualité », comme la mise à disposition des PME-PMI adhérentes des outils pratiques, utilisables, concrets, jusqu’à des jeux pédagogiques autour du lien avec la RSE par exemple…

Au-delà des PME-PMI, d’autres acteurs sont-ils davantage concernés ?

Pierre Girault. L’émergence et l’extension de démarches qualité dans les organismes publics (administrations, hôpitaux, collectivités territoriales…) est un phénomène nouveau, mais qui avance à grande vitesse. Par le fait que l’optimisation des processus internes et l’amélioration de l’efficacité a clairement un impact économique au sens positif. Et, ne l’oublions pas : ce qui coûte, ce n’est pas la démarche qualité, mais bien la non-qualité ! Et, au niveau du secteur public, il suffit de remplacer « client » par « citoyen » ou « usager » et ça marche aussi… En termes de tendances, c’est probablement le secteur le plus en développement si on en juge par les remontées France Qualité.

Où en est votre ancrage régional aujourd’hui ?

Pierre Girault. Nous avons désormais une vraie assise régionale, c’est-à-dire une structure France Qualité qui est organisée, avec un suivi, des échanges au quotidien, des événements, des ateliers de partage de pratiques… Cela vit vraiment dans l’ensemble des régions. De manière très opérationnelle, nous avons réalisé un annuaire des contacts sur le site de France Qualité pour trouver où que ce soit le bon interlocuteur.

Pour la 1ère fois cette année, vous lancez un tableau de bord, le Quali’Bord. De quoi s’agit-il exactement ?

Pierre Girault. L’une des missions de France Qualité est également de jouer un rôle en termes d’éclairage, voire d’alertes sur les grandes tendances dans le sujet qui nous préoccupe. Quali’Bord s’inscrit dans cette mission : c’est le 1er tableau de bord qualité et performance qui permet de voir quel est l’état général du pays, son positionnement concurrentiel par rapport à d’autres nations et, surtout, de mettre en évidence un certain nombre de champs de progrès qui existent aujourd’hui… Il recense les 15 indicateurs majeurs de la qualité et de la performance de l’« organisation France » et en établit un diagnostic comparatif inédit en Europe. Pour les différents décideurs, publics et privés, ce peut être une base, un complément d’appréciation qui peut aider en termes de prises de décision. Nous leur mettons à disposition des clés de lecture, des chiffres, des analyses pour une meilleure compréhension de nos forces et champs de progrès et la prise de décisions… Conduite par le think tank « Made in Qualité » de l’association France Qualité (AFQP), cette étude ne connait aujourd’hui aucun équivalent. Il sera publié chaque année dorénavant.

Où en est la France par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie, en avance sur ces sujets ?

Pierre Girault. C’est variable selon les indicateurs, mais la France a un positionnement globalement encourageant, après il y a des champs de progrès et c’est sur cela qu’il faut travailler. En matière d’innovation par exemple ou de développement de la compétitivité à l’international… Cela renvoie aux démarches d’innovation participative, aux réflexes de partages entre les acteurs et avec les parties prenantes d’une entreprise et aussi, à toutes les démarches d’excellence opérationnelle, souvent porteuses si on souhaite renforcer une position concurrentielle à l’étranger. Et contrairement à une idée reçue, cela vaut autant pour les PME-PMI que les ETI et les grands groupes. En particulier dans les hautes technologies, le big data, toutes ces innovations très techniques et ciblées… où la France, via des PME-PMI, a des positions intéressantes, mais qui peuvent être renforcées à l’avenir.

* L’Association France Qualité Performance (AFQP), dite France Qualité, rassemble 1 500 acteurs, publics et privés, présents sur l’ensemble du territoire français. Elle est coprésidée par Pierre Girault, directeur QSE & DD d’Air France et Xavier Quérat-Hément, directeur de la Qualité du Groupe La Poste.

 

Parmi les lauréats 2017…

Prix Excellence Opérationnelle – Grandes Entreprises

Le « programme intégré » de L’Oréal et des « managers de l’amélioration de la performance » de ses usines accompagne la performance du groupe

Activité : 1er groupe cosmétique mondial, avec un portefeuille de 32 marques internationales.

Localisation : Présent dans 140 pays

Effectif : 82 900 collaborateurs (en 2015)

CA : 25,3 Mds d’euros (en 2015)


Grand Prix France Qualité Performance 

pve

« Quand les Fiches Idées des salariés boostent une PME »

Activité : ouvrages en béton pour l’assainissement

Localisation : Mortagne-sur-Sèvre (Vendée)

Effectif : 40 à 50

CA : 6 millions € (2016)

En 5 années, 580 Fiches Idées ont été soumises par les salariés. Elles portent principalement sur l’innovation industrielle (43 à 50% selon les années), la qualité (17 à 37%), la sécurité (9 à 22%), l’environnement et le marketing. Parmi ces idées qui ont permis, directement ou indirectement, à l’entreprise de s’améliorer, PVE relève pêle-mêle la mise en place de 3 écrans avec projection info/com PVE pour un meilleur partage de l’info/com par tous, la récupération des planches de coffrage pour le calage transport, une passerelle de franchissement en sécurité pour passer d’un bassin à l’autre… Autant d’idées concrètes et sur-mesure venues du terrain, qui améliorent significativement ses performances.

 


Prix des bonnes Pratiques – ETI

« Recréer du lien et accompagner la montée en compétence de ses salariés en gestform situation de handicap »

Activité : Entreprise adaptée, prestataire de services en numérisation de hauts volumes, GED, Back Office, éditique et reprographie

Localisation : Mérignac (Gironde)

Effectif : 375

Total des Produits : 14 millions d’euros (2015)

Le nombre de mails a été divisé par 10 (supprimant bon nombre de malentendus) et la « copie au chef » a quasiment disparu, les problèmes sont gérés dès la racine, avec beaucoup plus de réactivité. La parole des collaborateurs est libérée, ils ont gagné en autonomie et sont responsabilisés. La fonction support a également plus de liens avec la production. Pour pousser la transparence jusqu’au bout, Gestform a déjà convié quelques clients (Orange, Airbus) à un g30, pour montrer comment les dossiers étaient gérés, les difficultés ressenties et traitées. Ces bons résultats ont permis à Gestform de verser l’équivalent d’un 13ème mois sous forme d’intéressement à ses collaborateurs en 2015.


Prix des bonnes Pratiques – PME/PMI

virly Prix des Bonnes Pratiques - PME/PMI

« Réduire de 75 % les accidents du travail grâce aux idées des salariés »

Activité : Matériel de manutention (concessionnaire Fenwick)

Localisation : Dijon (Côte d’Or)

Effectif : 185

CA : 61 millions € (2016)

Le nombre d’accidents du travail avec arrêt a chuté drastiquement, passant de 14 en 2012 à 6 en 2014 puis à 3 en 2015. Les équipes sont devenues proactives et remontent systématiquement les problèmes en amont plutôt que d’attendre l’accident : alors même que le nombre d’accidents a été réduit de 75 %, 25 presqu’accidents ont été signalés cette année, permettant d’améliorer préventivement la sécurité de chaque poste de travail.


Prix des bonnes Pratiques – Association/Service Public

tzank Prix des Bonnes Pratiques - Association/Service Public

La clinique double son taux d’engagement grâce à un « droit à l’erreur » et une « charte de confiance » pour améliorer la qualité de service

Activité : Etablissement de santé médecine, Chirurgie, Obstétrique (MCO)

Localisation : Saint Laurent du Var (Alpes-Maritimes/Var)

Effectif : 450 personnes

CA : 49 M€ (2015)

Le nombre de Fiches d’Evènements Indésirables est passé en 3 ans de 171 Fiches à 370 tandis que la pertinence des fiches s’est améliorée. Elles signalent actuellement les évènements ou risques d’évènements associés aux soins conformément aux objectifs de la formation.


Prix des bonnes Pratiques – Prix du livre 

Serge Rouvière – Editions Maxima
Culture client : l’ultime différentiation  entre les entreprises
« Un client satisfait n’est pas forcément un client fidèle »

 

 La liste complète des lauréats 2017 est à retrouver sur le site de France Qualité

 

A découvrir également : le Livre Blanc de la Qualité – Tome 2 : Préparer la qualité de demain