Région – Euratechnologies, un écosystème pour innover

Créé en 2009, le pôle d’activités lillois Euratechnologies est encore jeune. Mais il est déjà suffisamment attractif pour qu’IBM y installe son nouveau centre de services. Le site réunit des acteurs de toutes tailles de l’économie numérique pour y faire émerger des synergies et favoriser l’innovation.

Au cœur de l’ancienne filature rénovée, l’atrium d’Euratechnologies… Comme un symbole de la conversion de la région au numérique.

Créé en 2009, le pôle d’activités lillois Euratechnologies est encore jeune. Mais il est déjà suffisamment attractif pour qu’IBM y installe son nouveau centre de services. Le site réunit des acteurs de toutes tailles de l’économie numérique pour y faire émerger des synergies et favoriser l’innovation.

Le 11 juillet 2013, IBM lançait ses premiers recrutements sur le site d’Euratechnologies, le pôle d’activités lillois créé dans d’anciennes usines, en périphérie de la capitale régionale du Nord- Pas-de-Calais. Le géant américain compte recruter 700 jeunes diplômés et professionnels expérimentés d’ici à trois ou cinq ans. « Il a fallu beaucoup de travail pour faire venir ce groupe. Les négociations ont duré deux ans, explique Raouti Chehih, le directeur général d’Euratechnologies. Mais les écoles et les pouvoirs publics ont su se fédérer pour profiter de cette opportunité. »

Cette implantation « française » pour le géant américain en pleine mutation s’inscrit dans le cadre de la création d’un réseau mondial de centres de services, après l’Allemagne, les Pays-Bas et les États-Unis. Une nouvelle activité d’IBM qui a pour but de fournir à ses clients des compétences technologiques de proximité, telles le développement et la gestion d’applications ou l’intégration de systèmes.

Avec Euratechnologies, le groupe rejoint ainsi les 131 autres entreprises des technologies de l’information et de la communication (TIC) déjà présentes. De la start-up aux multinationales, elles ouvrent aussi bien dans les services que l’édition de logiciels. Le bâtiment central – une ancienne filature –, symbolise la démarche du projet : assurer la conversion de la région à l’économie numérique. « Le Nord-Pas-de- Calais a longtemps vécu sur le charbon et le textile », rappelle le directeur général. Ce pôle d’excellence, souhaité par la métropole lilloise que préside Martine Aubry, vise à favoriser l’innovation dans le secteur des TIC.

Dès l’origine, il comptait dans ses rangs quelques grands noms comme Capgemini ou Microsoft, gages de crédibilité. Quatre ans après son inauguration, le site a vu arriver, en février 2013, l’Indien Tata Consultancy Services, qui compte 35 personnes ; puis, en mars, Asos, le site d’e-commerce spécialisée dans la mode (15 personnes). En juin, c’était au tour d’IBM d’annoncer son arrivée.

 

Attirer les start-up
Région – Euratechnologies, un écosystème pour innoverEuratechnologies, c’est avant tout un « écosystème », soigneusement élaboré par l’équipe de direction. « Nous faisons en sorte de construire des chaînes de valeur complémentaires pour les différents métiers représentés, comme l’e-commerce ou l’e-business, explique Raouti Chehih. Dès le départ, nous ne voulions surtout pas réunir des techniciens entre eux. Pour être adoptée, la technologie doit parler à tout le monde. Il nous fallait donc des gens venant d’autres métiers. Actuellement, nous cherchons surtout des éditeurs de solutions logicielles ».

Dans le cadre de cette démarche, Follow The Sun a été sélectionnée. « Cette spin-off du groupe de services marketing ETO, créée en 2011, présentait un potentiel de croissance important et avait déjà réalisé une première levée de fonds. Ses fondateurs ont de l’expérience, ils connaissent le milieu de l’économie numérique », précise-t-il. Un profil parfait pour rejoindre le pôle. Installée depuis mars dernier, Follow The Sun propose le logiciel CRM 360, une solution de gestion de la relation client en cloud, destinée à « démocratiser un savoir-faire en marketing », comme le résume son cofondateur et directeur général Olivier Piettre.

« Nos compétences sont la récupération et le traitement de données. Mais nous ne pouvons pas tout maîtriser, poursuit-il. Nous travaillons donc avec des partenaires. Il faut savoir trouver sa place parmi les autres, c’est la nouvelle forme de l’économie numérique. Or, à Euratechnologies, beaucoup d’entreprises génèrent ou utilisent de la donnée. Chacun est très ouvert sur ce que font les autres. La coopération devient naturelle. »Ce système profite d’autant plus aux entreprises les moins expérimentées. Pour les start-up, Euratechnologies dispose d’un incubateur par lequel sont passés les trois fondateurs d’Appiway. « Nous y avons beaucoup appris au contact des autres entreprises et nous avons pu partager nos compétences », indique l’un d’eux, Romain Sion. Arrivée en 2011, et officiellement créée en août 2013, la société conçoit des sites Internet et des applications pour mobiles. Elle compte aujourd’hui quatre personnes et dispose de ses propres locaux.

Outre l’aide au lancement d’une activité, l’écosystème d’Euratechnologies peut même en influencer la nature. « En plus de proposer des services, nous sommes devenus éditeurs », indique Yves Delnatte, directeur associé d’Ineat Conseil. La société, passée de 2 à 95 salariés sur le parc lillois depuis son implantation, en 2008, a commercialisé trois applications, notamment pour l’aide à la vente en magasin. « Nous ne l’aurions sûrement pas fait si nous n’avions pas été installés ici », estime-t-il. La proximité entre les différents métiers du secteur informatique permet en effet aux entreprises de concrétiser des idées en dehors de leur champ de compétence d’origine, et cela en tissant des partenariats. « Il s’agit d’être multispécialistes plutôt que généralistes, en réunissant toutes les compétences dans un même lieu », résume Yves Delnatte.

 

Citation de Olivier PiettreTout pour le partage d’expériences
Côtoyer des compétences différentes a également conduit Stereograph, entreprise installée en 2007 après un an d’existence, à élargir ses activités. « A l’origine, nous étions infographistes 3D pour l’architecture », explique Christophe Robert, directeur associé. Nous comptons maintenant presque 50 % de développeurs et ingénieurs et proposons plusieurs logiciels servant à la création de maquettes 3D pour l’immobilier, ou au pilotage de bâtiments intelligents. »

Fondé en 2009, le Club des entreprises est l’un des vecteurs de ces échanges. « Tous les mois nous discutons, partageons nos expériences, des contacts et faisons part de nos besoins », raconte Yves Delnatte qui en est le président. Tout ceci en totale coordination avec l’équipe d’Euratechnologies. « Nous devons être à l’affût de tout ce qu’il se passe, comprendre où vont les marchés, anticiper en permanence, pour être capables de proposer un accompagnement concret et d’orienter nos interlocuteurs vers les bons experts », ajoute Raouti Chehih.

Une médiation particulièrement appréciée par Capgemini, le premier employeur du parc avec ses 500 salariés. « Nous sommes un monde à part entière et nous devons déjà rester à taille humaine, analyse Stéphane Zantain, le directeur régional du groupe. Mais l’équipe de direction d’Euratechnologies fait beaucoup pour attirer notre attention sur certaines entreprises du site. Grâce à elle, nous avons pu concrétiser des relations avec quelques éditeurs pour aider à l’intégration de leurs solutions. »

De nombreux événements, parfois venus de l’extérieur, sont organisés sur place comme le Salon Nord IT Days qui présente les solutions numériques à destination des professionnels et propose des conférences et des ateliers. Autant d’occasions pour les membres d’Euratechnologies de faire des rencontres, d’approfondir leurs connaissances ou de chercher des financements. « Ce sont des opportunités permanentes, se réjouit Olivier Piettre, de Follow the Sun. Nous pouvons nous y rendre sans avoir à nous organiser au préalable. »

« Euratechnologies est aussi une bonne carte de visite, estime Yves Delnatte. Le site est connu nationalement, voire internationalement. » Diverses missions à l’étranger ont en effet pour but de faire rencontrer de nouveaux clients aux entreprises. « Nous devrions bientôt signer un contrat au Brésil, suite à l’une de ces missions », se félicite Christophe Robert de Stereograph, qui a également suivi une formation de l’Université américaine Stanford, organisée par Euratechnologies, pour se familiariser avec le marché américain. « Suite à cela, nous montons un bureau commercial à San José, en Californie, et envisageons d’y ajouter à l’avenir une équipe de développement. »

 

Dénicher les futures « success stories »
ChiffreAvec ses 2 000 emplois présents sur le site, Euratechnologies s’est déjà développé au-delà de ses objectifs de départ. « Nous avons été humbles et le restons, tout en étant très dynamiques », assure Raouti Chehih. A l’avenir, la formation pourrait y trouver une place plus importante. « Nous développons des actions spécifiques avec l’Edhec, école de commerce et de gestion, dans le cadre d’un accord de coopération allant jusqu’à l’incubation de projets de jeunes diplômés, décrit le directeur général d’Euratechnologies. Avec l’école de commerce Skema, nous développons un cycle de management de l’innovation. Nous travaillons également avec l’école universitaire de management IAE, et l’université des sciences et technologies Lille 1. » Enfin, l’école d’ingénieurs HEI (Hautes études d’ingénieur) a déjà installé son département informatique à Euratechnologies.

Une bonne idée, selon Stéphane Zantain de Capgemini : « 60 % de nos 120 à 200 recrutements locaux par an sont des premières embauches. Une proximité plus forte avec les écoles et les universités permettrait de mettre en place des projets avec les étudiants. Ce qui entraînerait une meilleure connaissance du milieu de l’entreprise et de ses besoins. »

De son côté, Raouti Chehih aimerait voir augmenter le nombre de candidats à l’incubation et développer un système de « pré-incubation », pour aller dénicher le meilleur des projets rencontrés. « Notre rôle est de trouver les success stories de demain. Mais avec Euratechnologies, nous ne verrons l’impact économique régional que dans une dizaine d’années. »

 

 Cet article est extrait du n°5 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine

Photo : Daniel Rapaich