[Replay] Informatique quantique : quelles opportunités immédiates pour les entreprises ?

L’afterwork Alliancy Connect du 15 mars a été l’occasion d’explorer la dimension business de la révolution quantique, avec des entreprises comme EDF, OVHcloud, Qubit Pharmaceuticals…

Peut-on expliquer facilement la différence entre l’informatique quantique et notre informatique traditionnelle, en moins d’une heure ? Sans doute pas. Si le sujet médiatique comprend une part importante de fantasmes, il reste que la technique et les mathématiques qui le sous-tendent sont bel et bien extrêmement complexes. Alors oui, les promesses pour le futur sont belles : la capacité par exemple de mener très rapidement des calculs trop longs et complexes pour l’informatique actuelle, en révolutionnant les usages HPC. L’informatique quantique ne s’adapte cependant pas à tous les usages – elle s’accommode ainsi plus de données complexes que des « big data » qui font la richesse de l’intelligence artificielle – mais les opportunités pour de nombreuses entreprises sont pour autant bien réelles à court terme.

L’afterwork de la communauté Alliancy Connect du 15 mars a pris le parti de mettre au centre cette dimension business, grâce aux intervenants d’un panel d’intervenants qui ont fourni un effort certain de vulgarisation, et aux témoignages de certains membres de la communauté, dont les entreprises se sont mobilisées à leur manière sur la question.

Bien sûr, il est encore difficile de dire à quel horizon les premiers véritables ordinateurs quantiques pourront être véritablement accessibles au commun des entreprises. Mais cela n’empêche pas dès à présent de profiter des recherches importantes menées sur le sujet. Et la France est très bien classée au niveau mondial en la matière, comme le rappelle Olivier Ezratty. Le consultant, auteur de l’ouvrage de référence « Understanding Quantum Technologies », est aussi à l’initiative de The Quantum Energy Initiative, lancée en août 2022 afin de fédérer les multiples travaux et avancés de l’écosystème quantique. Celui-ci est particulièrement actif en France, où les acteurs, qu’ils soient chercheurs ou industriels se connaissent bien, avec une volonté sincère de coopérer pour avancer collectivement, indique aussi Joseph Mikael, Head of Quantum Computation & Quantum Information project, d’EDF. Contrairement à d’autres sujets d’innovation, la majorité des organisations évitent de se lancer dans une course à la propriété intellectuelle sur le sujet, afin de ne pas obérer le partage des avancées avec la communauté.

Des pionniers français et des opportunités immédiates

Afterwork Informatique quantiqueLors de cet afterwork Alliancy Connect, nos invités ont donc pu faire de manière conviviale un état des lieux d’où en étaient leurs organisations et quels avaient été le déclic et les arguments qui avaient permis de mobiliser les dirigeants à consentir à des investissements de long terme. « Un marathon » comme le résume Joseph Mikael, alors qu’EDF a été parmi les pionniers à s’emparer du sujet dès 2017.

Le débat a été aussi l’occasion de donner quelques conseils aux entreprises qui s’interrogent sur le fait que le quantique soit ou non un sujet pour elle, et sur les priorités en termes de mobilisation le cas échéant.

« L’informatique quantique ne va pas remplacer l’informatique classique » a tenu à rappeler à plusieurs reprises Fanny Bouton, Quantum Lead & Startup Program Leader d’OVHcloud, en réponse aux questions régulières sur le sujet. L’engagement de l’entreprise française sur l’informatique quantique s’explique néanmoins par le potentiel intéressant que le cloud représente pour mettre à disposition les futures capacités quantiques au plus grand nombre.

Et si la partie « hardware », les ordinateurs quantiques eux-mêmes, comporte son lot d’incertitudes, il est d’ores et déjà possible de profiter des recherches en algorithmie quantique, voire « d’émuler » en partie à partir de l’informatique actuelle, des capacités quantiques, rappellent nos experts.

C’est aussi ce qui explique le succès de start-up comme Qubit Pharmaceuticals, spécialisés dans le domaine de la découverte de nouveaux médicaments. Robert Marino, son CEO, indique que son entreprise « prépare la transition, mais nous ne dépendons pas de l’informatique quantique pour notre activité. Les candidats médicaments sont créées avec 200 GPU, le plus grand calculateur privé en science de la vie en France ». Il voit de nombreuses opportunités dans d’autres secteurs comme la logistique et distribution, mais aussi la finance. A raison, le Crédit Agricole CIB, a ainsi dévoilé récemment son intérêt pour le quantique autour de deux axes : le calcul du pricing de produits dérivés et le calcul de risques liés aux entreprises qui empruntent.

Des start-up, mais pas seulement…

Le quantique créé également en creux d’autres opportunités, comme le fait remarquer Ludovic Perret, maître de conférences à Sorbonne Université, spécialisé en cybersécurité. Les avancées quantiques pourront remettre en cause certaines approches de chiffrement protégeant les données… mais nul besoin d’avoir des ordinateurs quantiques à disposition pour se préparer au changement dès à présent. C’est pour cela que des start-up comme CryptoNext Security, dont le chercheur a été l’un des co-fondateurs, se créent, afin d’accompagner les entreprises dès aujourd’hui sur ces enjeux.

Les témoignages des membres de la communauté Alliancy présents à la Rédaction le 15 mars, ont permis de montrer ces aspects d’une mobilisation immédiate. Ainsi, Oliver Senot, directeur de l’innovation de Docaposte, a expliqué que son entreprise avait pris justement le taureau par les cornes pour adresser des problématiques de sécurité sur certains usages, en proposant des approches « résistantes au quantique ». D’autres acteurs de l’écosystème, comme Atos ou bien SCC, ont également mis en avant leurs sujets d’actions sur la thématique.

De l’avis de tous nos participants, la France a une vraie carte à jouer sur l’informatique quantique. Le Plan Quantique, qui a fléché 1,8 milliard d’euros sur le sujet depuis 2021 a été vu comme un bon début : l’écosystème entend maintenant aller plus loin, grâce à la variété et la complémentarité de ses acteurs et de leurs approches.