Fondé en 2007 aux Etats-Unis, le consortium The Green Grid, qui compte notamment dans ses rangs Google, HP et IBM, a pour vocation d’améliorer l’efficacité énergétique des datacenters et des écosystèmes informatiques. En novembre dernier, l’organisme a annoncé la nomination de Roger Tipley, vice-président de Schneider Electric IT Business, au poste de directeur général et président du conseil d’administration. A cette occasion, il évoque les futurs projets du Green Grid et sa vision du green IT.
Avez-vous un objectif particulier maintenant que vous êtes président du Green Grid ?
Nous n’avons pas un mais plusieurs objectifs passionnants pour 2015 ! Pour l’instant, nous développons des projets autour du liquide de refroidissement des équipements informatiques. D’ailleurs, nous avons réuni il y a quelques semaines un groupe d’experts pour étudier cette question. En général, les ordinateurs sont refroidis par l’air. En rapprochant du liquide de refroidissement au plus près des composants des datacenters, on pourrait gagner plus de 25% d’efficacité énergétique !
The Green Grid est connu pour sa métrique PUE (Power Usage Effectiveness) qui évalue l’efficacité énergétique d’un datacenter. Que peut-on en dire ?
Le score du PUE se situe entre 1 et 2. Plus vous êtes proche de 1, plus votre efficacité énergétique est parfaite. Sauf qu’en réalité il est impossible d’atteindre la perfection ! En revanche, si votre score est égal à 2, cela signifie que la moitié de l’énergie va dans l’infrastructure et l’autre moitié dans les machines. Vous devez donc diminuer le PUE pour gâcher moins d’énergie dans l’infrastructure. Le seul bémol de cette métrique reste son manque de fiabilité si elle prise en compte indépendamment et hors du contexte spécifique des datacenters. Certaines entreprises ne mesurent pas correctement leur PUE ou mentent sur leurs chiffres. Il m’arrive de voir des scores de PUE impossibles ! Il faut donc absolument auditer leurs résultats.
A part le PUE, avez-vous d’autres axes qui permettent d’améliorer le rendement énergétique des datacenters ?
Depuis quelques années, nous nous penchons sur la viabilité du cycle de vie des équipements IT en datacenter. Parmi les mesures que nous prônons, il y a la responsabilité des entreprises à acheter des biens plus propres avec une empreinte carbone aussi basse que possible. Quand un ordinateur ou un serveur est en fin de vie, vous pouvez soit vous en débarrasser ou le recycler. Au Green Grid, nous avons récemment publié un article sur le sujet car nous avons développé un modèle de maturité de datacenter (DCMM) qui fournit des objectifs clairs aux entreprises pour améliorer l’efficacité et la durabilité de leurs datacenters. Le DCMM touche les composants majeurs du datacenter : serveurs, stockage et réseau. Le modèle est divisé en cinq niveaux pour montrer aux entreprises comment mieux gérer le cycle de vie de leurs équipements informatiques. Ainsi, elles identifient les étapes à franchir pour mettre en place les meilleures pratiques possibles.
Existe-t-il une autre façon d’économiser de l’énergie dans un datacenter ?
Oui, mais toutes ne sont pas encore mises en pratique. Un groupe du Green Grid à Singapour travaille actuellement sur la température dans les datacenters. Généralement, l’air qui y circule est à 15°C. Cet air froid permet donc aux équipements informatiques de fonctionner seuls et lentement tout en se refroidissant efficacement. Mais cette technique fonctionne 24/24h et utilise donc beaucoup d’énergie. La question qui se pose à Singapour est la suivante : peut-on économiser de l’énergie en créant de l’air plus chaud ? L’air chaud fera tourner les serveurs plus vite ce qui fera économiser de l’énergie IT. C’est une problématique importante pour notre équipe de Singapour car cette île n’a pas de ressource en énergie. De plus, il y a énormément de datacenter là-bas car elle est située au centre de l’Asie Pacifique. Mais cette question intéresse d’autres pays dans le monde bien sûr. Si on peut le faire à Singapour, dans un climat très chaud et humide, on peut le faire partout !
Où en sont les Etats-Unis et l’Europe sur le green IT ?
L’Europe est clairement leader sur les questions environnementales. Un membre du Green Grid, Christophe Garnier, Responsable Alliance et Standardisation Environnementale chez Schneider Electric, mène actuellement un consortium qui a été sélectionné par la Commission Européenne pour participer à un programme pilote sur l’empreinte environnementale des produits. A la fin de cette décennie, chaque produit vendu en Europe est censé mesurer cette empreinte. Cela concernera aussi bien les produits alimentaires que les équipements informatiques. Pour le moment, vingt types de produit sont à l’étude. J’espère que les Etats-Unis suivront l’exemple de l’Europe, et que des pays comme la Chine le feront également. Quant aux Etats-Unis, les choses ont un peu bougé. Le Président, Barack Obama, a inclus l’EPEAT, un outil d’évaluation environnementale des produits électroniques, pour les acquisitions IT des gouvernements fédéraux. Ceux-ci doivent acheter des équipements avec cette certification. Pour l’obtenir, 26 critères environnementaux sont nécessaires. Mais il y un problème : cette mesure s’effectue sur la base du volontariat.
Qu’en est-il de la Chine ?
Contrairement à ce que l’on peut penser, la Chine est très intéressée par ces questions. Les entreprises chinoises veulent diminuer considérablement leur consommation d’énergie dans leurs datacenters. Pour montrer leurs améliorations en termes d’efficacité énergétique à leurs clients, elles veulent une certification. C’est pourquoi The Green Grid travaille avec la Chine pour élaborer un système de certification PUE. Nous commençons un programme pilote avec eux mais espérons l’étendre partout dans le monde !
Pensez-vous qu’il y aura un problème de vieillissement de datacenters ?
Je ne pense pas qu’il faudra les démanteler ou les fermer mais les améliorer. Dans 50 ans, un datacenter sera toujours en bon état mais l’équipement à l’intérieur devra être remplacé au fil du temps. Par ailleurs, il faudra bien vérifier que ce qui est remplacé soit recyclé de façon sûre et responsable. Le concept « cradle to cradle » (« du berceau au berceau ») en est la parfaite illustration : quand une entreprise crée quelque chose, elle doit avoir en tête la fin de sa vie, c’est-à-dire le recyclage. Si vous traitez bien vos produits pendant leur vie, ils ne deviendront pas un problème toxique. Personnellement, j’aimerais que cette philosophie soit appliquée dans le secteur de la construction et bien évidemment dans le déploiement de datacenters.