Serge Papo (Nomination) : « Il ne faut pas délaisser le relationnel, même à distance. »

En termes de prospection, rien ne vaut une rencontre professionnelle en face à face. Mais avec l’irruption de la crise, les prestataires du numérique (ESN et éditeurs) se sont retrouvés dans l’urgence de digitaliser leurs process de vente pour rester résilientes. Serge Papo, président du spécialiste de la prospection commerciale Nomination, s’est entretenu avec Alliancy pour délivrer ses conseils pour maintenir ses actions de prospection en 2021.

Serge Papo, président de Nomination.

Serge Papo, président de Nomination.

Alliancy. Comment s’est déroulée l’année 2020 pour vous ? Quels sont vos objectifs pour 2021 ?

Serge Papo. Chez Nomination à la fin du mois de mars 2020, il y a eu une première réaction de panique et de sidération partagée par tous. Mais, très rapidement, en deux-trois semaines, nous avons repris nos marques. Il ne manquait pas grand-chose pour être efficace à distance car les outils étaient déjà présents. La crise est arrivée à un moment où les affaires se portaient bien pour nous et nos équipes étaient toutes alignées en interne avec un engagement fort. Elles ont depuis gagné en responsabilité et en autonomie. 

Nous n’avons donc quasiment pas eu d’interruption de services en interne. En externe, nous nous sommes rendus compte à partir du mois de juin que la digitalisation à marche forcée de la vente allait nous porter, quand bien même les leviers classiques de rencontres physiques avec les clients restaient impossibles. Il y a bien sûr moins d’opportunités de nouveaux clients, mais les projets avec ceux déjà existants sont plutôt importants.

Nous avons décidé d’accélérer les investissements avancés sur la partie data afin de couvrir tout le champ des PME de plus de 10 employés, en plus de nos cibles traditionnelles que sont les ETI et les grands comptes. Notre plateforme permet à ces acteurs d’automatiser la relation client et de se connecter directement avec d’autres plateformes comme Hubspot, Marketo, Paradox et Salesforce.

En temps de crise, il n’y a pas d’obligation de prospecter plus, mais bien de prospecter mieux. Notre enjeu est de voir comment rendre les commerciaux plus efficients dans leur travail. Ils ont besoin d’outils personnalisés et de data car cette prospection doit être plus intelligente et plus fine pour être efficace.

Vous observez le marché des prestataires du numérique (éditeurs de logiciels, ESN…) avec attention : quel bilan peut-on faire des derniers mois et de leurs perspectives pour ceux à venir ? 

Serge Papo. Les éditeurs de logiciels et les ESN opèrent sur des marchés qui résistent différemment par rapport à la crise. D’une part, chez les éditeurs, le mindset et les outils étaient déjà présents pour répondre à leurs besoins et leur activité a été mécaniquement portée par la crise. Il faut noter d’ailleurs que, depuis septembre, les fonds d’investissement retiennent bien moins leur fonds pour ce qui est du digital.

D’autre part, les ESN ont vu leurs projets informatiques en entreprises mis en standby, ralentis ou remis en cause depuis la crise. Globalement, il y a eu une baisse globale du chiffre d’affaires des ESN et une étude du Syntec Numérique a montré que 80% des répondants prévoyait une baisse prévisionnelle de 25% dans les mois à venir. 

Il faut accélérer la mutation technologique déjà en marche : transformer radicalement les process et les profils des vendeurs pour ne plus parler exclusivement aux DSI mais aussi aux utilisateurs finaux et aux métiers. C’est donc un travail de démocratisation de l’accès à la technologie avec un effort d’évangélisation sur le Cloud et le SaaS. Ainsi, rendre son discours accessible est très important car faire comme avant ne suffit plus. Il vaut mieux commencer par vendre des usages pour s’assurer que la technologie aide effectivement durant tout le processus de vente. C’est primordial pour les ESN si elles veulent rester compétitives dans un secteur encore plus disputé et de moins en moins riche. Il faut renforcer ses équipes commerciales – en plus des développeurs et des ingénieurs – mais s’attaquer aux process de ventes me parait encore plus crucial. Ce sont des histoires qu’il faut raconter plutôt que simplement mettre en avant un produit ou une compétence technique.

À quel point vos interactions avec vos clients, notamment pour la vente, ont-elles été impactées ?

Serge Papo. Comme je le disais, nous avons moins d’opportunités clients en volume depuis la crise, mais de nouveaux et grands projets avec nos clients actuels. Nos cycles de vente ont été réduits à parfois deux semaines car certains clients se sentaient pressés de trouver les bons outils numériques. Quasiment 100% de nos clients ont mis en place la vente à distance dans leur travail de prospection, c’est devenu une urgence et un besoin fort depuis la crise.

Quels conseils leur donneriez-vous pour être plus résilient et préparer la période après-crise ?

Serge Papo. La joignabilité des décideurs est un enjeu absolument majeur. C’est plus difficile aujourd’hui d’être contacté et Linkedin n’est pas suffisant. Mes conseils seraient de multiplier les canaux de prise de contact et de personnaliser le message. Pour la prise de contact, il faut redoubler d’inventivité avec l’aide d’assistants numériques, de mails nominatifs… Et pour ce qui est du message, il est primordial de le cibler en fonction du contexte car un message commun ne peut tout simplement plus marcher. Il faut connaître l’actualité de la personne contactée, de son entreprise, et l’utiliser pour susciter l’attention et ainsi réussir à mettre la clé dans la porte.

Le timing est aussi très important : il faut arriver au bon moment auprès des bonnes personnes. Ce n’est pas parce qu’il y a moins de business en ce moment qu’il ne faut pas entretenir ses relations. Et le jour où l’activité économique reprendra son cours habituel, ces entreprises penseront à vous. C’est du donnant-donnant. 

Il ne faut donc pas délaisser le relationnel, même à distance. En effet, il est facile de tomber dans la routine de Zoom et d’oublier que les relations de visu sont toujours plus idéales. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut se relâcher car le temps passe et les relations se distendent. Il est donc urgent de continuer d’entretenir un lien humain avec ses clients et de rester d’autant plus compréhensif et généreux commercialement parlant.

Enfin, il faut s’autoriser à faire ce qu’on ne faisait pas avant, être inventifs et trouver des solutions pour ceux qui sont en difficulté. De notre côté, nous avons d’ailleurs extrêmement peu d’impayés car nous cherchons systématiquement des solutions constructives.

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Pour aller plus loin : Découvrez le guide Nomination, réalisé fin 2020 en partenariat avec Alliancy sur le thème « ESN, comment prospecter efficacement » > A télécharger ici