« Être au service du public », des missions qui font face à un défi d’attractivité multifacette

Tout comme les différentes fonctions publiques, les organismes privés à mission de service public, comme ceux de la sphère sociale, font face à des défis d’attractivité et de recrutement importants. Mais ceux-ci ne sont pas toujours ceux que l’on croit… et les deux dernières années pourraient avoir fait bouger les lignes.

Cet article est extrait de l’enquête spéciale « Comment l’Urssaf se donne les moyens pour séduire les talents ? »

Enquête Urssaf - Le défi de l'attractivité et du recrutement

Dans un dossier publié en 2020, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dressait le constat du sujet complexe de l’attractivité de la fonction publique, en mettant en évidence quelques chiffres clés. Si ces corps de métier représentent pas moins d’un emploi sur cinq en France, la vision qu’en ont les jeunes diplômés est beaucoup moins enjouée. A l’époque de l’écriture du rapport, seul un jeune sur dix se déclare intéressé par un tel emploi (selon une étude menée en 2016). A titre de comparaison, la DGAFP souligne qu’en 2007, « 14% de la génération sortie du système éducatif trois ans plus tôt » travaillait alors pour le public. En regardant notamment les chiffres des concours, et le nombre de candidat par poste ouvert, le dossier estime que ce désamour croissant est visible depuis les années 1990.

Pourtant, depuis lors, les voies d’accès à la fonction publique, et plus largement aux activités publiques, se sont largement diversifiées. Tout ne pas question que de concours aujourd’hui ; la part des contractuels a également fortement progressé, assimilant de plus en plus le processus de recrutement d’employeurs publics à ceux des employeurs du secteur privé.

Force est par ailleurs de constater qu’au-delà des trois versants de la fonction publique (d’Etat, territoriale et hospitalière), d’autres acteurs sont au premier chef concernés par le même défi d’attractivité, car « assimilé » au secteur public dans l’imaginaire collectif. Il en va ainsi des entreprises de la sphère sociale, dont l’Urssaf sur laquelle se concentre cette enquête spéciale. Leurs collaborateurs, contrairement à ce que beaucoup pensent, ne sont pas des fonctionnaires. En effet, ces organismes privés sont chargés d’une mission de service publique, relevant d’une des branches de la Sécurité sociale française. Cette nuance, pourtant de taille, est quasiment invisible pour de nombreux français, qui plus est pour les plus jeunes d’entre eux. L’Urssaf et les autres organismes de la sphère sociale souffrent donc souvent des mêmes a priori et préjugés que la fonction publique au sens propre. Or, face à ces raccourcis, « l’attractivité de la fonction publique combine de nombreuses dimensions (salaire, localisation, conditions de travail, concurrence du privé…) que chacun pondère différemment » souligne la DGAFP.

Des difficultés de recrutement croissantes

Avec une certitude cependant : ces organisations sont confrontées de plein fouet à la guerre des talents du numérique, et en souffrent peut-être plus encore que celles qui sont identifiées comme de purs acteurs privés. Ces derniers sont pourtant déjà bien chahutés sur la question. Une récente étude menée par le cabinet de recrutement Robert Half dans le cadre de son guide annuel des salaires, le montre sans ambigüité : si 92 % des directeurs des systèmes d’information se déclarent davantage ou aussi confiants que l’année dernière sur les perspectives de croissance de leur entreprise, et que 89 % d’entre eux prévoient des recrutements (en remplacement de poste ou création de poste), ils sont un nombre tout aussi important (90%) à se dire qu’il sera difficile ou encore plus difficile de recruter en 2023, par rapport à leur expérience actuelle.

L’élan lié au numérique dans toutes les organisations, avec des projets qui se multiplient et sont de plus en plus stratégiques pour le développement des activités, menace clairement d’être douché par un pessimisme croissante sur la partie RH. En effet, la pression sur le recrutement est à son comble. Robert Half note une augmentation des turnover autant que des niveaux de salaires, notamment sur les « top jobs ». Et les directeurs du numérique dans les organisations sont en désarroi : 68 % se disent inquiets quant à leur capacité à attirer les meilleurs candidat. L’absence de capacité à offrir une rémunération compétitive est la préoccupation n°1 de 40% de ces DSI en matière d’attractivité des talents, juste devant le fait que leurs meilleurs collaborateurs se fassent débaucher (36 %).

Des opportunités pour sortir de l’effet ciseaux

C’est donc à un effet ciseaux que se retrouvent confrontés les organismes qui se mettent au service du public. Ils subissent en effet la même pression que leurs pairs aux activités clairement identifiées comme privées, tout en devant en plus se battre contre une image qui (à tort) ne les associe pas au même dynamisme de la transformation numérique que d’autres. Ces derniers mois ont cependant mis en avant des signaux qui peuvent laisser penser que la donne est à même de changer.

D’une part, les organisations concernées militent beaucoup plus ouvertement sur leurs transformations numériques. En quelques années, elles ont gagné en maturité et veulent montrer la richesse des projets qui sont menés aujourd’hui, et les ressorts d’attractivité que cela leur procure vis-à-vis des talents du numérique, jeune ou moins jeunes. L’innovation publique se fait connaître. La réalisation de cette enquête spéciale avec l’Urssaf en est d’ailleurs une preuve, comme l’explique son directeur des systèmes d’information Jean-Baptiste Courouble.

Intérêt général, ancrage territorial… et agilité, culture digitale, goût pour l’innovation.

Ensuite, la crise pandémique a beaucoup pesé depuis 2020 pour changer une partie du statuquo sur les perceptions concernant les services publics. « Au-delà des difficultés, la crise balaie certaines habitudes, suscite des déclics et accélère le besoin de « retrouver le sens de l’essentiel » » résume ainsi Sigrid Berger, fondatrice de la plateforme de recrutement Profil Public. Elle ouvre ainsi une étude intitulée : « Depuis la crise, ils sont prêts à rejoindre le secteur public, mais à quelles conditions ? ». Cette enquête menée auprès d’un peu plus de 600 personnes, met en évidence que si l’organisation du travail a changé suite à la pandémie, c’est aussi la volonté de « donner plus de sens » au travail, qui pèse dans la balance. Ainsi, 86% des répondants estiment que la crise les amène à repenser la place du travail dans leur vie. Et l’intérêt grandissant pour les métiers à impact devient plus clair, ce qui inclut le secteur public. Avec l’environnement, l’éducation, la culture et le sport, la santé et le social sont les domaines les plus mis en avant. Citée dans l’étude, la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury souligne : « La crise nous a fait renouer avec un concept : l’utilité sociale. »

Mais plus qu’une perception un peu idéalisée du secteur public en tant que telle, c’est le détail de ce que propose chaque organisation qui est mis en avant pour faire la différente. Ainsi, Profil Public note que les répondants « sont très majoritairement séduits et témoignent une forte adhésion aux valeurs de ces organisations qui oscillent entre valeurs traditionnelles : sens de l’intérêt général, intégrité, dévouement, ancrage territorial, bien commun… et de nouvelles valeurs inspirées du secteur privé : agilité, créativité, culture digitale, travail en mode projet, goût pour l’innovation, efficience… ». Un ensemble d’aspects multifacette qui pèsent donc bien plus sur l’attractivité que la seule question salariale, même si celle-ci ne peut pas être totalement ignorée dans un contexte de tension économique croissante.

Enquête spéciale - Comment l'Urssaf se donne les moyens pour séduire les talents ?