Souveraineté et dépendances numériques : quand on veut, on peut !

 

La dépendance aux grands fournisseurs technologiques est devenue un angle mort stratégique pour nombre d’organisations. Pourtant, des alternatives existent, plus agiles et engagées. Dans cette tribune, Sylvain Fievet, fondateur d’Alliancy, appelle DSI, achats et COMEX à bâtir leur liberté d’action. Car, en matière de souveraineté et de résilience numériques, quand on veut, on peut.

 

À longueur d’échanges, j’entends les mêmes refrains : « il n’y a pas d’offre crédible », « les marchés publics nous bloquent », « l’open source, c’est trop risqué », « on n’a pas les compétences ». Soyons clairs : le talent et le lobbying de nos hyperscalers sont indéniablement puissants. Mais ces excuses sont fausses – ou, au mieux, incomplètes – et elles nourrissent un véritable aveuglement collectif. Car le vrai problème n’est pas l’absence d’alternatives, mais notre incapacité à les voir et à nous en saisir.

La vérité derrière ce constat ? Un déficit de convictions et de courage stratégique.

 

Faire apparaître les « alternatives invisibles »

 

Oui, nous pouvons dépendre des hyperscalers. Mais il est suicidaire de ne pas avoir de plan B, de ne pas se construire une liberté d’action et de ne pas se donner les moyens stratégiques de l’entretenir. Le monde a changé de paradigme : tensions géopolitiques, crises économiques, risques cyber… Toute organisation qui n’a pas préparé d’alternative met sa compétitivité et sa sécurité en danger.

D’autant que ces alternatives existent ! Plus agiles, plus efficientes, plus engagées. Et si elles restent invisibles, c’est uniquement parce que nous ne les évaluons pas sérieusement, parce que nous ne leur ouvrons pas nos appels d’offres et parce que nous préférons le confort d’un statu quo “rassurant”. Même lorsqu’elles apparaissent dans les fameux quadrants, une défiance culturelle persiste vis-à-vis de nos entrepreneurs et éditeurs français et européens.

Je refuse cette résignation. Passons à l’action, ensemble.

 

Ce que nous avons appris avec le Do Tank porté par Alliancy

 

Depuis six mois, avec le Do Tank “Maîtrise des dépendances technologiques”, piloté par Alain Nguyen, nous avons réuni une quinzaine d’organisations publiques et privées. Le constat est clair : nos dépendances sont profondes, souvent invisibles et de plus en plus coûteuses (hausses imprévisibles, bundling forcé, clauses de réversibilité inapplicables, exposition extraterritoriale, etc.). Mais cela se traite.

Sortir d’Oracle, réduire l’empreinte de Microsoft sans casse, les participants ont partagés leurs expériences et leurs objectifs pour nourrir chaque atelier.

Les travaux du Do Tank visent en effet à proposer des réponses :

  1. Un radar de dépendance pour objectiver le risque,
    Pensé comme un anti-quadrant : on ne juge pas la “magie” d’un éditeur, on qualifie le lock-in qu’il induit.
  2. Une grille de maturité interne pour se regarder en face,
    Mesurer la gouvernance, les processus, les compétences, l’architecture… et identifier où investir pour gagner en autonomie.
  3. Un plan directeur en quatre étapes pour agir sans se raconter d’histoires
    De la cartographie initiale, à la mise en place d’un plan B crédible, jusqu’à la renégociation et la sécurisation des transformations.
  4. Une matrice d’achat élargie pour intégrer le risque de dépendance
    Avec des critères concrets (réversibilité, portabilité, interopérabilité, sécurité, transparence…) permettant de noter et pondérer ce risque – y compris dans les marchés publics, en restant neutre et juridiquement solide.

 

Les vraies limites (et comment les dépasser)

 

Forts de ces travaux, nous voyons clairement que les défis des organisations se structurent autour de 4 axes principaux :

  • Gouvernance : tant que le sujet reste cantonné à la DSI, il échoue. Il faut un sponsoring COMEX, un tableau de bord et des KPI de dépendance.
  • Marchés publics : on ne peut pas “préférer” une solution souveraine, mais on peut exiger réversibilité, interopérabilité, sécurité, transparence et noter ces critères. Le droit n’est pas un mur : c’est un levier.
  • Lock-in technique : formats propriétaires, suites intégrées, coûts de sortie, etc. poussent à l’émergence d’architectures modulaires, de standards ouverts et de l’open source comme voie de liberté et de mutualisation.
  • Culture et compétences : le frein principal n’est pas technique, mais culturel (défiance vis-à-vis de nos entrepreneurs européens) et humain (manque d’architectes, de juristes IT, d’acheteurs formés).

 

Heureusement, des leviers existent. La maîtrise des dépendances ne se construit pas en solitaire : elle appelle une mobilisation collective.

D’abord en mutualisant : veilles, référentiels d’alternatives, retours d’expérience, observatoire des pratiques abusives, achats groupés, co-développements open source…

Ensuite en institutionnalisant : intégrer le risque fournisseur dans la gouvernance IT, créer des rôles dédiés (Vendor Risk, Résilience Fournisseurs), professionnaliser Achats, DSI et Juridique.

Enfin, en mesurant et en pilotant : définir des indicateurs partagés, suivis au COMEX, pour donner à ces enjeux une place claire dans la stratégie de l’organisation.

 

Et pour aller plus loin, Alliancy continue à agir :

 

  • Après VMware, cap sur l’« Empire Microsoft » : un nouveau Do Tank pour décrypter ses pratiques commerciales, son intégration massive (M365, Azure, Entra ID, Copilot, Power Platform…) et cartographier les alternatives crédibles.
  • Indice de Confiance et Référentiel des alternatives : basés sur les usages réels et les retours d’expérience documentés d’organisations satisfaites, pour valoriser les solutions crédibles face aux acteurs dominants.
  • Storytelling des alternatives : Alliancy s’engage à donner de la visibilité et à soutenir les entreprises européennes innovantes, pour qu’elles sortent enfin de l’ombre.
  • Cocoritech ! : une émission qui donnera la parole aux DSI pionniers, aux makers open source et aux entrepreneurs

 

La “souveraineté” n’est pas un slogan. C’est un travail. Un projet de résilience. Un choix d’investissement.

Nous n’avons pas besoin d’un grand soir, mais de trajectoires.
Nous n’avons pas besoin d’idéologie, mais d’outils, de compétences et de gouvernance.
Nous n’avons pas besoin d’attendre que “le cadre” change : nous avons besoin de convictions pour agir maintenant.

 

Arrêtons de dire qu’il n’y a pas d’alternative. Mettons-nous en position de les faire grandir et de les choisir.