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Stéphane Proust (Seine-et-Yvelines Numérique) : « Un syndicat numérique contribue à la cohérence des politiques publiques en matière de numérique pour l’Éducation.» 

La crise sanitaire révèle la difficulté pour notre système éducatif de poursuivre sa mission d’enseignement à distance. Un challenge d’autant plus complexe pour les collectivités territoriales en manque de moyens. Stéphane Proust, Directeur Numérique pour l’Education et les Solidarités chez Seine-et-Yvelines Numérique, recommande le recours au syndicat numérique pour pallier le retard de la transformation numérique des écoles et ainsi les rendre plus résilientes. 

Stéphane Proust, Directeur Numérique pour l’Education et les Solidarités chez Seine-et-Yvelines Numérique.

Stéphane Proust, Directeur Numérique pour l’Education et les Solidarités chez Seine-et-Yvelines Numérique.

Alliancy. Comment fonctionne votre syndicat numérique ? Sur quel modèle économique se base-t-il ? 

Stéphane Proust. Seine-et-Yvelines Numérique est un Syndicat Mixte Ouvert (SMO) chargé d’organiser le déploiement du Très Haut Débit (THD) et développer des services numériques sur notre territoire. Le SMO est un établissement de type EPCI (Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial) créé en 2016 à l’initiative du Conseil départemental et quelques communautés d’agglomérations des Yvelines. Et le 1er janvier 2020 il devient Seine-et-Yvelines Numérique avec l’adhésion du Département des Hauts-de-Seine.  

Ensemble, nous mettons à la disposition des communes, intercommunalités et établissements publics de toute nature des solutions prenant appui sur l’aménagement numérique du territoire, en matière notamment de territoires connectés, de dématérialisation, de confiance numérique, mais aussi de numérique pour l’Education et les Solidarités.  

Nous avons un mode de financement pluriel, mais en grande partie nourri par la sphère publique. La majorité de notre budget est assuré par les contributions des deux conseils départementaux et des de nos collectivités adhérentes, fixées en fonction de leur nombre d’habitants. 

Pour les besoins de notre activité, nous nous sommes dotés d’une centrale d’achats qui permet aux acheteurs publics de simplifier leurs achats, de profiter d’économies d’échelle et de bénéficier de conseils et d’un accompagnement par des experts dédiés. Nous ne voulons pas simplement fournir des équipements ou des ressources mais bien délivrer les solutions les plus adaptées au monde de l’éducation. Nous nous chargeons donc de piloter pour le compte de notre client le déploiement et l’accompagnement dans la mise en œuvre de ces outils.   

Avez-vous constaté une évolution du rôle des syndicats numériques en France ces dernières années ?  

Stéphane Proust. Il existe beaucoup de syndicats numériques à la maille du département qui ont été créés historiquement dans le but du déploiement de la fibre optique sur leur territoire. Nous avons d’ailleurs récemment célébré l’aboutissement de notre projet « Très Haut Débit pour tous dans les Yvelines » mené en partenariat avec les opérateurs TDF Yvelines Fibre, SFR et Orange. 

Mais notre rôle en tant que syndicat numérique ne se limite pas à cette activité historique. Nous nous appuyons sur ce déploiement de la fibre pour proposer des offres d’équipement et des services numériques. Nous avons par exemple déployé depuis 2015 “oZe”, un espace numérique de travail qui fournit des ressources scolaires en ligne pour soutenir le travail des équipes enseignantes dans nos collèges et favoriser les échanges entre les membres de la communauté éducative. 

Il s’agit ainsi de proposer une chaîne complète d’équipement et de services à valeur ajoutée, prenant appui sur le numérique, des infrastructures jusqu’au ressources et services mis à disposition des usagers ! 

Nous contribuons ainsi, en partenariat avec l’Education nationale, à favoriser la réussite des élèves sur deux plans : 

– l’acquisition d’une culture numérique essentielle à tout citoyen désireux d’agir et d’évoluer dans une société de plus en plus numérique ; 

– l’acquisition de compétences transversales, parfois appelées compétences du 21ème siècle, comme la collaboration ou l’esprit critique par exemple, qui leur seront indispensable dans leur future vie d’actifs : les collégiens d’aujourd’hui exerceront des métiers qui, en majorité, n’existent pas encore ! 

Cédric O annonçait en septembre dernier un « Plan Marshall » soutenu par une enveloppe de 250 millions d’euros pour « passer un cap dans la structuration de l’inclusion numérique dans les territoires ». Est-ce que le volet consacré à l’inclusion numérique au sein du plan de relance du gouvernement est suffisant selon vous ?  

Stéphane Proust. Nous félicitons l’action du gouvernement pour plus d’inclusion numérique, nous avons d’ailleurs candidaté pour le compte des deux départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine et avons été sélectionné pour déployer le dispositif de Pass Numériques, à destination notamment des publics éloignés de l’emploi. Mais une cible a été oubliée et elle est revenue sur le devant de la scène à l’occasion du premier confinement : les parents d’élèves. Ils sont amenés, depuis l’irruption de la crise, à jouer le rôle d’auxiliaire d’enseignement. Ils se sont retrouvés du jour au lendemain dans une forme de détresse notamment sur l’aide aux devoirs par le biais de supports numériques qu’ils ne maîtrisent pas tous. 

Ni l’Éducation Nationale, ni les collectivités n’ont pour mission de former ces parents à la prise en main de ces nouvelles interfaces. C’est pourquoi nous avons décidé de lancer prochainement des modules pour accompagner les parents qui le souhaitent sur des compétences numériques. Cela prendra par exemple la forme d’ateliers organisés dans les collèges pour les aider à mieux comprendre les services mis à leur disposition, comme les ENT. 

Cet effort concerne aussi les élèves qui savent utiliser leur téléphone mais qui n’ont pas forcément développé une culture numérique à proprement parler. À défaut d’être des “digitaux natifs”, ces enfants sont aussi des “digitaux naïfs” : autrement dit, ils ne comprennent pas tous dans quelle sphère ils s’expriment quand ils ont recours aux réseaux sociaux.  

Quels conseils donneriez-vous aux communes pour rendre leur système éducatif plus résilient ?   

Stéphane Proust. Nous encourageons vivement les collectivités territoriales à recourir aux services de leur propre syndicat mixte car elles n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour piloter leur transformation numérique toutes seules. Cet opérateur agit pour le compte du bloc communal en proposant tout un catalogue de services et permet donc aux écoles d’être plus agiles. La plus-value de ce fonctionnement est de pouvoir mutualiser des expertises acquises sur le territoire pour en faire bénéficier directement les communes. Beaucoup de villes n’ont aujourd’hui pas la possibilité de disposer d’une Direction des Systèmes d’Information en interne, et peuvent envisager de recourir à ce type de syndicat numérique. 

La force des départements réside dans leur capacité à créer leur propre opérateur agile qui puisse adresser toutes les thématiques numériques liées à l’éducation. C’est ce que nous avons fait en 2015, en constatant le retard de la transformation numérique de l’enseignement en France. Aujourd’hui nous sommes en capacité d’adresser tous ces enjeux numériques, des tuyaux jusqu’aux services.  

Toute la chaîne est couverte : en plus du déploiement de la fibre optique, nous assurons la dotation, la gestion et la maintenance des équipements numériques fixes et mobiles et la gestion de l’infrastructure réseau.  

Notre volonté est de faire la démonstration de l’efficacité de notre activité. Nous arrivons aujourd’hui très bien à monter et piloter des projets grâce à des dispositifs de co-financements : les communes n’ont parfois besoin d’investir qu’à 30% du coût total du projet. Notre modèle est une bonne manière de pallier les contraintes financières auxquelles les communes font face. 

Un syndicat numérique contribue ainsi à la mise en cohérence des politiques publiques en matière de numérique pour l’Education, de l’école jusqu’au lycée. 

LES RÉUSSITES DE SEINE-YVELINES NUMÉRIQUE

  • Après 5 années de travaux conduits en partenariat avec les opérateurs Orange, SFR et TDF-Yvelines Fibre, au total 693 000 foyers répartis sur 259 communes des Yvelines disposent désormais du Très Haut Débit.
  • Dès décembre, Seine-et-Yvelines Numérique anticipait la possibilité d’une nouvelle fermeture des écoles. De ce fait, l’opérateur avait mis à disposition des 116 collèges des départements une vingtaine de tablettes au minimum pour chaque établissement, ce qui représente un total de 5 000 tablettes.
  • Le département a modulé les dotations permettant de favoriser les REP, REP+ et les collèges au sein desquels sont scolarisés des enfants issus à plus de 30% de CSP défavorisées.
  • Depuis 2015, 17 collèges sont équipés à titre individuel d’une tablette et de son socle logiciel (soit 11 0000 élèves et enseignants)

Existe-t-il d’autres contraintes auxquelles les collectivités doivent faire face ? 

Stéphane Proust. Nous formulons actuellement une proposition auprès du gouvernement pour clarifier la question du millefeuille de compétences. En France, les communes ont la responsabilité des écoles, les conseils départementaux des collèges et les régions des lycées. Il existe donc trois donneurs d’ordre différents et cela ne contribue pas à donner de la cohérence dans la politique de développement du numérique dans l’éducation. Il faut un chef de file. Un syndicat numérique peut contribuer à cette recherche de cohérence, dans une logique de continuité du parcours de l’élève.  

Nous menons par exemple, en partenariat avec la communauté d’agglomération de St Quentin-en-Yvelines et le Département des Yvelines un projet sur 3 ans à destination des 200 écoles de ce territoire, visant le déploiement d’équipements et de services aux élèves des écoles maternelles et élémentaires. Les solutions proposées s’inscrivent dans la continuité de celles disponibles dans les collèges.  

En parallèle, depuis 2015 nous avons doté les élèves et les enseignants de 18 collèges des Yvelines de tablettes individuelles, utilisables aussi bien sur le temps scolaire qu’à domicile. Les conclusions du bilan de ce projet ont dépassé nos espérances et elles corroborent les résultats d’une récente étude de l’Éducation Nationale portant sur l’efficacité des dispositifs d’équipement individuel dans l’éducation. 

Non seulement cela contribue à une meilleure cohérence du parcours pédagogique de l’élève, étant donné que l’équipement suivra l’élève dans toute sa scolarité, mais cela favorise également la résorption de la fracture numérique car l’équipement peut aussi être utilisé par les autres membres du foyer. Concrètement, les parents se servir de la tablette de leur enfant pour qui elle constitue parfois le premier équipement du foyer, à l’exception du téléphone portable. Il s’agit dans de nombreux cas d’un enjeu d’inclusion numérique, dont nous parlions juste avant. 

Nous sommes convaincus que le modèle de dotation individuelle peut y répondre et nous travaillons à ce qu’il soit plus largement diffusé.   

Comment faire pour que ces outils numériques soient cohérents avec le contenu des cours proposés ?  

Stéphane Proust. Nous travaillons en amont systématiquement avec l’Éducation Nationale sur ce sujet. Cette dernière modernise régulièrement ses programmes pour inclure la nécessité d’enseigner au et par le numérique. Mais c’est aussi un travail visant à mieux faire comprendre ce qu’est le numérique. Un objectif de création d’une réelle culture numérique qui passe par l’éducation aux médias et à l’information notamment, mais aussi par l’apprentissage des bases du codage dès la maternelle. Seine-et-Yvelines Numérique propose à ce titre les solutions adaptées aux besoins des collectivités et de l’Education nationale.