Uber vise la clientèle entreprises, le marché des livraisons

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Marc Benioff (à gauche), fondateur de Salesforce et Travis Kalanick, fondateur d’Uber à la conférence Dreamforce en septembre 2015

Pendant que les taxis européens manifestaient à Bruxelles contre la plateforme de VTC Uber, à San Francisco, Travis Kalanick, le fondateur d’Uber, était à l’honneur de la grande convention annuelle de Salesforce, qui réunit 160.000 personnes du monde des technologies, du 14 au 18 septembre. Uber veut se développer auprès de la clientèle des entreprises, dans le transport de biens…

Travis Kalanick était le premier invité sur scène pour une séance de questions réponses, le 16 septembre avec Marc Benioff, fondateur de Salesforce, à l’occasion de Dreamforce, la conférence annuelle du pionnier du cloud et du Saas pour la relation client, qui se tient à San Francisco du 14 au 18 septembre.

Même si la plateforme d’Uber et son application mobile n’utilisent pas les solutions Salesforce, Uber est devenu le symbole d’une nouvelle vague de changements rendus possibles par la technologie, qui bouleverse les économies traditionnelles. Et donc un sujet d’admiration et de curiosité pour les 160.000 participants – entreprises, développeurs,  start-up, intégrateurs ;… à Dreamforce.

Pas question donc pour Marc Benioff d’aborder avec Travis Kalanick les sujets qui font les gros titres sur Uber ces derniers jours. Ils sont pourtant légions entre la manifestation des taxis à Bruxelles, le conflit juridique en France, où la plateforme a saisi le Conseil Constitutionnel sur la validité de l’interdiction de son service Uber Pop, qui permet à tout un chacun de devenir chauffeur occasionnel avec sa propre voiture, et aussi les auditions tenues la veille à Boston, où l’Etat du Massachussetts cherche à trouver de nouvelles règles pour mieux encadrer les candidats chauffeurs. Sans oublier la class action ouverte par des chauffeurs Uber qui veulent voir leur statut d’indépendants requalifié en celui d’employés.

60 Pays, 1 million de chauffeurs

En revanche, Travis Kalanick est revenu sur la croissance fulgurante d’Uber, en 5 ans. D’une plateforme de mise en relation de chauffeurs de limousines avec des clients, née à San Francisco en 2010, à aujourd’hui, Uber s’est déployé dans 60 pays, 330 villes… Au service de voitures de prestige, il a ajouté un service moins onéreux, connu sous le nom d’Uber Top en France, UberX aux Etats-Unis, qui permet à des particuliers sans formation spécifique, ni licence commerciale d’utiliser leur propre voiture, à condition qu’elle ait un confort minimal,  pour en transporter d’autres, avec un service de géolocalisation sur mobile qui rend la commande simple et facile, le paiement automatique avec une carte enregistrée une fois pour toute, où que l’on soit dans le monde.  

Uber annonce 1 million de chauffeurs actifs dans le monde dont 20.000 à Londres, 40.000 à Los Angeles, 25.000 à Chicago… Chaque jour dans le monde 2 millions de courses sont réalisées par des chauffeurs Uber, et chaque minute un millier, selon Travis Kalanick.

Uber for business

A San Francisco et dans quelques villes, Uber a lancé un nouveau service, UberPool, qui permet à deux personnes proches, allant dans la même direction, de partager une course. A l’occasion de Dreamforce, Uber met aussi en avant son offre Business lancée il y a moins d’un an pour les entreprises et qu’il veut développer auprès de grands groupes comme une solution de transport.  Elle a déjà été testée par 50.000 clients et donne la possibilité d’une facturation mensuelle, pour l‘ensemble des utilisations par les employés de la société, et pour une même personne d’inscrire deux cartes de paiement, personnelle  ou d’entreprise.

L’objectif de Travis Kalanick est que « partout dans le monde, à tout moment, tout le monde puisse trouver un moyen de transport fiable » à un tarif abordable, arrivant en quelques minutes. Uber est, selon lui, avant tout une place de marché en constant développement technologique pour prédire et anticiper la demande avec des analyses et algorithmes puissants, qui adaptent à tout moment les prix des courses selon l’affluence, et incitent les chauffeurs à se rapprocher de zones où la demande doit augmenter. Son siège à San Francisco (plusieurs centaines de salariés sur plusieurs milliers dans le monde) qu’une délégation de journalistes a pu visiter dans le cadre d’un « Innovation Tour » pour Dreamforce, ressemble à une jeune boîte high tech, avec de grandes tables en bois ou des canapés confortables, où de jeunes gens pianotent sur leur ordinateur portable. Pas question de les approcher,  leurs lignes de codes sont des secrets qu’Uber protège… !

La technologie peut être dupliquée à terme pour tout ce qui a besoin d’être transporté dans une ville. Uber teste déjà un service de livraison de repas, Uber Fresh, à Santa Monica, et de plis et courriers à Manhattan.

Un lobbyist pour expliquer qu’Uber fait du bien aux villes

Critiqué pour la dérégulation qu’il introduit, la concurrence déloyale avec les taxis, Uber répond par le bien qu’il fait pour rendre les villes plus vivables, en diminuant la pollution, les embouteillages, les difficultés de parking, puisque l’on recourra à un Uber plutôt qu’à sa voiture personnelle. Plutôt que l’affrontement frontal, c’est ce discours que le Chief Adviser d’Uber, ancien conseiller de la campagne de Barak Obama, David Plouffe se charge depuis un an de vendre aux pouvoirs publics dans le monde, afin qu’ils modernisent des législations des transports vieille de 40 ans. « Uber pourrait être à l’origine de milliers d’emplois en France d’ici deux ou trois ans » proclamait-il dans Les Echos le 11 septembre dernier.

David Plouffe a aussi expliqué à la presse internationale que face à la croissance urbaine, pour des villes qui n’ont plus les moyens d’étendre leurs réseaux de transports collectifs, Uber était la solution. Un discours messianique sur le pouvoir de la technologie à résoudre tous les problèmes, typique des entreprises high tech californiennes.

En réalité, le nombre de véhicules portant le U d’Uber derrière leur pare-brise, souvent vides de passager, qui circulent dans un San Francisco congestionné est impressionnant à certaines heures. Agent de sécurité le jour, un chauffeur qui conduit le soir confirme: « Cela met plus de voitures dans les rues. Moi même avant le soir je ne roulais pas ». Comme 50 % des chauffeurs Uber, il exerce cette activité à temps partiel. Plus de la moitié d’entre eux travaillent moins de 10 heures par semaine. Pour un service efficace, qui puisse trouver un véhicule proche d’un demandeur en quelques minutes, Uber se doit d’avoir le plus de chauffeurs possibles. Du coup, dans une ville comme San Francisco,  il en recrute en permanence sans limitation, il n’exige plus de véhicules de moins de 10 ans comme au début, mais accepte ceux qui datent de 2000, et permet même aux taxis ordinaires de s’y inscrire en étant payé en direct, le voyageur pouvant choisir la gamme de services proposés par l’application entre uberpool, uberX uberXL, Berline, Taxi…

Si les dirigeants d’Uber mettent en avant la flexibilité qu’offre Uber à ses chauffeurs pour organiser vie et travail comme ils veulent, le turn over des chauffeurs est élevé, souvent faute de revenus suffisamment attractifs. D’autant que récemment dans plusieurs villes américaines, comme à San Francisco, Uber a augmenté sa commission sur chaque course de 20 à 25 % pour les nouveaux chauffeurs. Elle prélève aussi 1 dollar par course pour assurer le passager pendant le transport. Et la concurrence est rude avec Lyft, société qui offre un service proche.

Travis Kalanick imagine qu’un jour, tout véhicule pourrait être « ubérisé ». Pas sur pour autant que ce soit la fin des embouteillages !