Retour sur le Workshop « Le Data Mesh au service de la Transfo Data »

« Le Data Mesh est-il l’avenir des plateformes et organisations Data ? »

L’ambition est là : rendre les données accessibles et exploitables par les métiers pour en démocratiser les usages et créer de la valeur pour tous. Cependant, son atteinte se heurte à différents obstacles.

Photo 1 IntroQuels sont aujourd’hui les principaux points de blocage auxquels sont confrontés les chief data officers (CDO) ? Quelles actions privilégient-ils pour tenter de lever ces barrières et ainsi démocratiser et autonomiser les métiers de l’entreprise ? Ces questions ont été abordées le 26 avril à l’occasion du workshop d’Alliancy, en partenariat avec les experts de la Practice Data de Kyndryl.

Par son approche holistique fondée sur 4 piliers (gouvernance, domaines, produit et plateforme), le Data Mesh constitue à la fois une opportunité et un moyen. Une opportunité car il permet de s’interroger sur les fondations d’une stratégie Data et d’en mesurer la maturité. Et un moyen enfin car le Data Mesh trace une trajectoire pour les organisations dont la valorisation des données se heurte à un très fort degré de complexité.

Les échanges lors du workshop ont mis en exergue ce constat : le Data Mesh n’est pas un standard auquel se conformer au pied de la lettre. Il s’agit autant d’une orientation que d’une source d’inspiration. Charge ensuite à chacun, Data Office et directions métiers, de s’approprier ses concepts pour les adapter à leur culture. C’est cette appropriation qui favorisera une avancée de l’organisation en termes de maturité.

Nous vous proposons ici de retrouver certaines des idées fortes et des success stories de CDO français pour faire de la Data une lame de fond dans leur entreprise et le sujet de tous, bien au-delà des cercles d’experts, qu’ils soient à la DSI ou au Data Office.

Siddhartha Chatterjee, Global Chief Data Officer - Club Med

Il est essentiel de transformer de manière itérative et non en mode big bang, en démarrant par un domaine de données ou deux, puis en étendant progressivement le périmètre. Les fondations doivent être posées. Cela consiste par exemple à documenter les données, à former et à acculturer. Vouloir avancer trop brusquement sur tous les fronts, cela ne fonctionne pas.

Le rôle du CDO dans ce processus ? C’est notamment celui d’une CTO, c’est-à-dire d’un chief talking officer capable de trouver le bon vocabulaire et les illustrations les plus pertinentes pour se faire comprendre des dirigeants comme des utilisateurs terrain.

Philippe Coué, Chief Data Officer Deputy - Crédit Agricole CIB

Le move-to-cloud représente un important changement de modèle chez nous, comme au sein d’autres organisations. L’impact est du côté IT, mais pas seulement. Il est aussi majeur en ce qui concerne les données.

J’y vois indubitablement un changement de paradigme et potentiellement un levier pour une meilleure accessibilité des données et leur distribution facilitée auprès des utilisateurs (...) En lien avec le data product et la plateforme du Data Mesh, architecture et organisation doivent en outre servir l’objectif d’industrialisation de l’IA. Certes, nous disposons d’une factory, mais nous n’en sommes pas encore au stade d’une industrialisation systématique.   

Yves Darnige, Application, Data & IA practice leader – Kyndryl

Les systèmes de Data Lake et de plateforme Data sont finalement assez faciles à construire à un instant T. La complexité réside dans leur maintenance. Et cela vaut in fine pour tout projet Data. Ce qui est difficile, c’est de le scaler et d’en assurer la viabilité dans le temps.

Il est préférable de définir une approche et un cadre global, mais de démarrer sur un processus spécifique et de démontrer un ROI. Et pour dégager cette valeur, il nous apparaît capital d’adopter une politique des petits pas. Un projet de gouvernance ou d’acculturation global n’a pas de sens. Il est préférable de démarrer sur un processus spécifique et de démontrer le ROI associé avant d’étendre le périmètre. C’est une approche qui combine pragmatisme et efficacité.

Pierre-Emmanuel Durand, DSI Distribution & Data - BPCE Solutions Informatiques

Nous avons assumé de déployer PowerBI à l’échelle. Au sein de BPCE, nous comptons aujourd’hui 40.000 utilisateurs. Nous avons pris le parti de mettre à disposition des outils de démocratisation de la Data et accepté que de l’exploitation de la Data soit ainsi gérée au sein des métiers.

Peut-être n’avons-nous pas commencé par les fondamentaux de la Data, mais ce déploiement nous apparaît comme le meilleur moyen de démocratiser l’usage des données et de faire prendre conscience à tous les métiers du potentiel que renferme la Data. Cette BI, qu’on peut qualifier de 4.0, est la première véritable incarnation de la donnée pour les utilisateurs.

Pejman Gohari, Chief Data & Analytics Officer - BPI France

Nous avons commencé à expérimenter le Data Mesh sans savoir au début qu’il s’agissait de Data Mesh. Nous sommes partis sur le Cloud, persuadés que notre enjeu au sein de l'équipe Data est d'adopter la meilleure de la Tech pour déverrouiller les usages.

Notre première étape a consisté à créer les comptoirs de données par métier pour répondre à l’enjeu de la mise à disposition. Nous atteignons désormais une limite à laquelle nous n’avons pas encore trouvé de solution. La performance des comptoirs est étroitement liée à la maturité des métiers. Un Data Mesh totalement libéré pour le marketing ne pose pas de problème. La temporalité de consommation de données est très courte. La qualité de données peut être variable sans trop d’impact. Les réalités sont radicalement inverses pour la direction finance et risques. Alors, un modèle centralisé apparaît comme le seul viable à ce jour.   

Jean-Loup Loyer, Chief Data & Analytics Officer - Eramet

Il nous apparaît très compliqué de mettre en œuvre le Data Mesh si nous devions le suivre à la lettre. Ce à quoi nous allons plutôt nous attacher, c’est d’en conserver les principes directeurs et notamment le volet ownership des domaines de données. Il s’agit de nous assurer que nos métiers aient vraiment la propriété, la connaissance et la responsabilité de leurs données.

En revanche, pourrons-nous mettre en œuvre une gouvernance de données « fédérée computationnelle », un des quatre piliers du Data Mesh ? Cela s’annonce difficile à court terme, nos métiers étant très terrain et donc assez éloignés en pratique de la donnée et des compétences préconisées par le Data Mesh (...) Notre appropriation sera donc pragmatique, en commençant par les domaines les plus matures pour mesurer l’apport de valeur.      

Yvan Mirochnikoff, Head of Digital Solutions - Société Générale Securities Services

Les évolutions de systèmes d’information se caractérisent par des mouvements de balancier, centralisation, décentralisation. Nous sommes sur des sujets d’architecture. Le Data Mesh ne fait pas exception. La clé est de parvenir à combiner des règles en faveur d’un partage de la donnée et des infrastructures qui en garantissent la qualité.

C’est à la fois des règles de gestion et un contrôle de la donnée. D’autre part, l’organisation doit favoriser l’utilisation par le métier, dont le rôle est de s’assurer des bons usages et de la bonne finalité de la donnée. L’appropriation par l’ensemble des utilisateurs de ce qu’on peut faire avec les systèmes est capitale également. Et c’est là que les managers ont une fonction importante à remplir.

Luc Veyssière, Group Chief Data Officer - Crédit Agricole Consumer Finance

Le Data Mesh nous intéresse pour son apport en termes de développement de produits Data. Son approche s’inscrit dans le prolongement de la démarche que nous avons mise en place globalement, tout en la complétant par une dimension self-service.

En termes de valorisation, le Data Mesh présente aussi un intérêt en ce qui concerne la mutualisation des usages des données. Car aujourd’hui, la donnée répond généralement à un usage spécifique.         

Laurent Verhoest, Group Chief Data & Technology Officer – Transdev

Il est important que la Data ne soit pas uniquement considérée sous l’angle du reporting et nous nous appuyons sur un cas d’usage emblématique en Hollande pour illustrer qu’elle peut se traduire par une création de valeur opérationnelle et une véritable transformation des métiers.

Ce cas d’usage autour de la gestion de larges flottes de bus électriques illustre comment l’électromobilité à grande échelle transforme nos différents métiers car quand vous deviez gérer quelques variables d’ajustements dans un monde « diesel », le nombre de paramètres explose à plusieurs dizaines dans le monde de l’électromobilité (…) et impacte tous les métiers qui doivent mieux collaborer. Opérer une telle transformation sans data est impossible. Pour ce projet, nous avons mis en commun les données de multiples acteurs (...) et remis à plat les process vers plus de transversalité. Ce produit, fruit de la collaboration entre le groupe et ses filiales, nous pouvons désormais le répliquer sur d’autres marchés.

Denis Skalski, Consultant Principal Stratégie Data - Kyndryl

Le retour sur investissement de la gouvernance des données n’est pas uniquement financier. Il est aussi qualitatif dans le sens où elle permet de gagner du temps, de libérer l’humain des tâches à faible valeur ajoutée et chronophages, mais aussi de travailler avec des données maîtrisées, partagées, vérifiées sur les plans IT / métier. Finalement, sa mise en place engendre un nouveau modèle de travail - fédéré et hautement collaboratif - entre les métiers et les services informatiques autour d’un actif commun : la data.

Et pour l’évaluer, l’enjeu est aussi méthodologique.  Quel que soit le secteur d’activité,  une démarche ayant fait ses preuves et qui est en train de se généraliser chez nos clients consiste à caler  le déploiement de la gouvernance de la donnée sur le programme de modernisation des processus en combinant des étapes très concrètes d’acculturation, de construction de la gouvernance et d’identification des leviers métiers, techniques et organisationnels permettant de redresser et/ou de moderniser les processus. C’est souvent dans ce cadre et via une étape d’idéation que nous identifions des leviers associés à l’intégration de l’IA dans les processus existants

Cette combinaison permet, systématiquement, d’afficher un indicateur « effort / bénéfice » sur le projet de modernisation du processus du fait de la meilleure utilisation, d’une qualité accrue ou de l’ajout d’une donnée. En se calant sur l’optimisation des processus stratégiques ou clé de l’entreprise, l’installation de la gouvernance se fait de manière progressive et maîtrisée, prenant en compte les moyens, la valeur générée et le niveau de maturité de chaque domaine métier. Cette méthode est aussi clé pour « embarquer les Directions des entreprises » dans l’arbitrage et le sponsoring du financement des initiatives.