La Croix-Rouge française lance un incubateur, appelé « 21 », implanté au cœur de son nouveau siège à Montrouge, au sud de Paris, où sont regroupés les services centraux de l’association. Une initiative précurseur des changements en cours…
Le siège de la Croix-Rouge sur 14 000 mètres carrés à Montrouge, au sud de Paris, intègre les services centraux de l’organisation, l’ensemble des entités du groupe, un lieu de formation, un centre opérationnel… et, désormais, un nouveau lieu d’innovation avec « 21 », son accélérateur d’innovation sociale. Le tout est inauguré ce jour à l’occasion de son assemblée générale annuelle. L’association compte 18 000 salariés en France, dont 540 personnes basées au siège francilien.
« Ce site est désormais à l’image de ce que vit la Croix-Rouge dans un contexte d’évolution de la société française dans laquelle nous vivons. Nous assistons à un changement très rapide des besoins sociaux, des formes d’engagement… comme à l’arrivée d’entrepreneurs sociaux qui viennent challenger nos modèles, avec ce souci également d’une écologie responsable », explique d’entrée Jean-Christophe Combe, le directeur général de la Croix-Rouge, à ce poste depuis deux ans et demi.
Fatiguée, endettée, essoufflée financièrement… L’association loi 1901 voit arriver en bout de course son « modèle économique » et le besoin impératif d’innover à tous les niveaux. « Nous devons changer totalement note modèle, qui doit devenir hybride, s’appuyer sur nos valeurs historiques, mais d’autres acteurs existent et nous devons co-innover avec eux, poursuit le dirigeant. Il nous faut bouger le curseur pour créer un modèle durable entre secteur associatif traditionnel et le monde de l’entreprenariat social. »
Pour mener à bien cette (r)évolution, la Croix-Rouge compte également s’appuyer aussi sur ses forces, que sont notamment ses liens forts avec l’Etat, mais surtout les citoyens….
Pour justement voir où en étaient ses relations avec le grand public, l’association a donc mené une enquête, en partenariat avec Harris Interactive, sur « Les Français et les associations caritatives et humanitaires ». Les résultats oscillent entre bonne image et exemplarités sociale, sociétale et financière (à plus de 70 %), y compris sur l’environnement. « Les citoyens nous font confiance (7 sur 10), résume Jean-Christophe Combe, mais cette confiance est conditionnée à un certain nombre de critères que sont l’autonomie et l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics ! (voir image). Nous devons apprendre à jongler entre pas trop de subventions publiques et chute des dons… et sommes donc poussés à trouver des modèles économiques totalement autonomes pour investir dans l’action sociale, et surtout à l’échelle locale. »
Une quinzaine de chantiers de transformation en cours
Des challenges qui passeront par l’innovation et le numérique, afin d’apporter une meilleure réponse aux défis sociétaux, tout en restant exemplaire à la fois côté bénévoles et salariés. D’où cette nouvelle stratégie d’innovation avec le lancement de l’incubateur « 21 », qui s’accompagne d’une quinzaine d’autres actions, notamment autour de la formation du management, d’une nouvelle gestion des données sensibles (nouvel hébergeur en France), des approvisionnements, de la mobilité (tiers-lieux), de la gestion des déchets partout où l’association est présente, etc.
Depuis un an, l’accélérateur est en gestation et ouvre ce mois-ci sur 1 000 mètres carrés à Montrouge. Il sera également doté d’un espace de coworking social (60 postes de travail à louer). « Cet outil a vocation à nous accompagner sur tous nos métiers et tous nos acteurs sur le terrain », explique Grégoire Ducret, directeur délégué à la stratégie et à l’innovation de la Croix-Rouge française. Sur 100 candidatures, 8 projets ont été sélectionné. « Il y avait davantage de projets à l’échelle nationale qu’internationale. Ils concernaient en priorité le handicap, les seniors, l’autonomie… », précise-t-il, indiquant que le prochain appel à projets sera lancé fin septembre prochain pour une rentrée début 2020.
« 21 » propose donc un programme d’intrapreneuriat, dont la vocation est d’ouvrir tous les appels à projets aux salariés, aux bénévoles ou étudiants (avec Makesense). Pour cette première promotion, quatre lauréats (deux bénévoles et deux salariés) ont été choisis.
Les intrapreneurs lauréats
Parmi eux, le bénévole Gérard Leymarie (Minutis), salarié à la DSI d’Elior, qui finalise notamment un logiciel permettant de gérer les opérations d’urgence en ayant l’ensemble des informations par rapport à une situation donnée. L’association l’utilise déjà, mais il faut encore perfectionner l’outil avant de le proposer à d’autres entités…
« Nous cherchons à mutualiser toutes nos actions, tient à préciser Grégoire Ducret. Tout ce que nous faisons est public ! Nous voulons être une plateforme d’innovation ouverte pour tout l’écosystème des secours, autant issus du public (pompiers par exemple) que du privé, des associations, des organisations, des citoyens… Nous disposons d’ailleurs d’un centre de ressources ouvert à tous pour partager toutes ces informations. Le Gouvernement nous accompagne en ce sens pour fédérer tous les acteurs. »
Juliette, une salariée lyonnaise de l’association, travaille elle sur une appli destiné aux 10% de malades souffrant de lombalgie chronique, une maladie qui est la première cause des arrêts de travail en France et génère 6 millions des consultations médicales chaque année… Cette part des malades représentant 80 % des coûts de la lombalgie chronique, il est urgent d’agir au-delà de leur suivi hospitalier… « L’idée est de leur apporter un coaching personnalisé en activités physiques et de faire le lien entre leur sortie de l’hôpital et la ville avec un programme d’éducation thérapeutique… ».
Enfin, Virgile travaille sur une plateforme, sorte de réseau social, en vue de proposer du mentorat en ligne en fonction des besoins de la personne handicapée. « Nous voulons ouvrir les discussions inter-handicaps pour le partage d’expériences notamment », explique-t-il.
Pour la partie Entreprenariat, quatre start-up ont intégré le 18 mai dernier également le « 21 ». « Nous leur proposons d’expérimenter en conditions réelles leurs produits ou services dans nos établissements. Notre financement peut aller jusqu’à 15 000 euros par entrepreneur, sachant qu’un expert métier en interne est porteur du POC… Comme cela, si ça marche, nous pourrons déployer. » Pour autant, la Croix-Rouge ne souhaite pas investir au capital de ces jeunes pousses.
Les entrepreneurs lauréats
Aux côtés de Solinum (guide en ligne pour personnes en difficulté) et Wero (service RH en ligne pour migrants), TZic développe des kits de traitement de l’eau (LED UV), dont la particularité est de désinfecter au moment où la personne utilise cette eau. Un système qui permet de remplacer les eaux embouteillées expérimenté aujourd’hui en Irak, en Outre-Mer, mais également en France…
Une autre start-up accompagnée est « Toutes mes aides », une plateforme qui vise à fournir en BtoBtoC un guide de toutes les aides qu’offrent l’Etat (notamment pour les acteurs de l’assistance sociale). Le pilote sera prêt dans les prochains mois ! L’IA devrait ainsi aider à trouver ce que l’on cherche parmi les 6 000 aides accessibles en France et savoir si on y est éligible… La start-up travaille également avec la Banque Postale sur le sujet, un domaine où les clients les plus précaires n’ont pas toujours connaissance des aides auxquelles ils peuvent prétendre.
Par ailleurs, le siège social de la Croix-Rouge héberge également une école, pilotée par Simplon. Depuis fin avril, elle forme 24 apprenants (pour sept mois) dans le but d’un retour à l’emploi (75 % au moins) très rapidement. « Ce sont des jeunes qui ont été choisis par Pôle Emploi. Notre prochaine promotion démarrera en février 2020 », explique Grégoire Ducret. Un studio de réalité virtuelle est installé juste à côté, l’idée étant de créer un centre de ressources pour y faire des démonstrations.
« Dans le contexte de la crise des urgences et des tensions sur le pré-hospitalier, la Croix-Rouge a un rôle grandissant, explique Jean-Christophe Combe, le directeur général. En tant qu’association de citoyens, nous participons à la réflexion sur l’avenir du pré-hospitalier. Nous pouvons maintenir sur les territoires une capacité d’intervention particulière, en termes de solidarité notamment », conclut-il.
L’avenir du pré-hospitalier doit se reposer
La Croix-Rouge dispose au sein de son siège de deux centres opérationnels des opérations d’urgence, au plan national et international ; et pour l’Ile-de-France uniquement. Ils permettent l’interface avec les équipes sur le terrain, les états-majors des services de l’Etat concernés et son siège genevois. Ainsi, l’organisation peut intervenir à tout moment pour monter une opération d’urgence. En 2018 par exemple, 70 départements français ont déclenché une demande suite à un incendie, une inondation, un attentat, un ouragan… A lui seul, l’ouragan Irma a nécessité le déplacement de 500 personnes via la Croix-Rouge durant deux mois. Une des deux salles est spécifiquement dédiée aux opérations menées en Ile-de-France, qui sont très particulièrement nombreuses, il est donc nécessaire de disposer de liens permanents avec tous les moyens déployés sur le terrain. Inclus dans le dispositif d’assistance francilien, la Croix-Rouge participe dans ce cadre aux secours à la personne tous les weekends, en parallèle des Pompiers de Paris, du Samu… et devrait voir ses interventions croître. « Dans le contexte de la crise des urgences et des tensions sur le pré-hospitalier, la Croix-Rouge a un rôle grandissant, explique Jean-Christophe Combe, le directeur général. En tant qu’association de citoyens, nous participons à la réflexion sur l’avenir du pré-hospitalier. Nous pouvons maintenir sur les territoires une capacité d’intervention particulière, en termes de solidarité notamment », conclut-il.
La Croix-Rouge, grand mouvement international
- 14 millions de bénévoles
- Création 1859
- Présente dans 191 pays
- Fédération internationale dont le siège est à Genève
En France, 60 000 bénévoles répartis entre 1 200 implantations sur le territoire national (connexion sur l’ensemble du territoire très forte via 100 000 personnes mobilisables)
Ses activités :
- Action sociale (lutte contre l’exclusion avec 237 équipes)
- Urgences et secourisme : formation, réponse à l’urgence en France et à l’ international (dans une vingtaine de pays), renforcement des systèmes de santé, malnutrition…
- Entreprise de l’ESS avec 600 établissements en France (ensemble de la palette des dispositifs existants : hébergement, migrants, réfugiés, seniors, petite enfance…). La Croix-Rouge forme 14 % des personnels paramédicaux en France.
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