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[Interview] La DSI de BNP Paribas contribue à définir l’innovation de l’ensemble du secteur bancaire

>>Cet article est issu du carnet d’expériences à télécharger « Banques, DSI et innovation » 

Bernard Gavgani, directeur des systèmes d’information BNP Paribas, a rejoint le comité exécutif du groupe en 2021. Un signe qui ne trompe pas sur le lien fort fait par la banque entre enjeux de développement, d’innovation business et de transformation IT. Le DSI nous partage sa vision.

Bernard Gavgani, Group CIO de BNP Paribas

Bernard Gavgani, directeur des systèmes d’information BNP Paribas

À quel point l’innovation business est-elle pour vous l’affaire de la direction des systèmes d’information ?

L’informatique ne peut fonctionner sans application business. C’est pourquoi, il est absolument nécessaire que la technologie soit en adéquation parfaite avec les besoins des métiers. Pour autant, et plus particulièrement ces dernières années, l’innovation business a dépassé le cadre métier pour répondre aux nouvelles attentes et aux nouveaux usages des clients mais aussi, plus généralement, de l’ensemble des acteurs de l’écosystème bancaire. En conséquence, les missions du DSI sont aujourd’hui multiples et complémentaires avec, en tête de liste des priorités, le maintien opérationnel du SI ; point de départ de toute innovation.

Quelle est pour vous la plus grande difficulté dans l’équation ?

L’un des principaux enjeux est d’industrialiser l’innovation. C’est là que l’IT joue tout son rôle, en venant doter l’entreprise des fondations technologiques indispensables à cette industrialisation. Pour mettre en place une innovation durable, il est nécessaire d’anticiper très en amont les différents sujets et penser toutes les intégrations, ainsi que l’extension du SI autour du sujet. Cela nécessite une veille technologique très importante, non seulement pour détecter ce qui a du sens en amont – ce que beaucoup d’entreprises se sont mises à faire ces dernières années – mais aussi et surtout pour surveiller les résultats de cette innovation en aval, et mener une politique d’amélioration continue. Une mission exigeante que nous sommes en mesure d’adresser chez BNP Paribas grâce à notre équipe composée de près de 34 000 informaticiens.

Pour vous, les spécialistes de l’IT ne sont pas encore assez rompus à cet exercice en France ?

La pédagogie IT et les principes de cocréation sont encore peu adressés en France. C’est pourquoi il est important d’expliquer le lien entre technologie et innovation à l’ensemble des parties prenantes. C’est le travail que nous menons chez BNP Paribas, en déployant aujourd’hui un fonctionnement basé sur la cocréation IT – métier à grande échelle, dans le but de donner un cadre structurant à notre vision de l’innovation. Ce sont beaucoup de petits pas, qui font que chaque expérimentation réussie promeut le lien IT – innovation auprès des métiers.

Mais j’insiste : c’est un changement d’état d’esprit profond, qui peut également parfois induire une réflexion autour de la gouvernance. Cette transformation ne peut donc pas se résumer au simple fait d’être plus agile. Ainsi, quand nous avons commencé à travailler sur l’agilité de nos outils, certaines équipes au sein des métiers ont réalisé la complexité liée à la nécessité d’améliorer la qualité de la production tout en ayant recours à de nouvelles innovations en rupture avec l’existant. Et dans ce contexte, la meilleure manière de faire ne peut pas être trouvée par une seule personne. Il faut donc s’assurer que les équipes travaillent ensemble et coopèrent du début à la fin du projet.

De quoi a-t-on besoin pour assurer cette nouvelle gouvernance de l’innovation ?

Pour faire vivre cet environnement où l’agilité prédomine, il faut tout d’abord disposer d’outils permettant de rendre tangible la rapidité d’innovation recherchée. Pour ce faire, il est possible de s’appuyer sur le cloud, associé au catalogue d’innovations technologiques disponibles, ainsi qu’une plateforme où l’on peut passer très facilement du développement à la production. Le cloud bancaire doit bien entendu être un cloud sécurisé, conforme aux régulations du secteur. Et dans ce contexte, construire un cloud de confiance : c’est possible.

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Toutes les banques se posent-elles la question de la même manière ?

Notre stratégie est effectivement un peu différente des autres acteurs. Nous avons opté pour une approche hybride, permettant à notre système d’information de tirer avantage à la fois de briques technologiques disponibles dans le cloud public et d’un « cloud privé » qui reproduit dans nos datacenters – en respectant notre politique de sécurité – la vitesse d’exécution et le nombre de services des opérateurs de cloud.

En termes d’innovation, c’est bien ce modèle qui permet de faire le lien avec l’ensemble de nos partenaires : start-up, organismes financiers ou institutionnels. Ce dernier est alimenté par deux autres facilitateurs technologiques que sont la gestion des données et les API, permettant d’interconnecter entre eux les différents acteurs. Ce sont pour ces trois aspects – cloud, data, API – que je dois aujourd’hui pouvoir m’entourer d’experts, disposant des meilleures compétences.

Face à la crise, de nombreuses DSI ont eu l’impression de reprendre des lettres de noblesse dans l’entreprise : comment capitaliser sur cette dynamique ?

Nous avons effectivement progressé sur de nombreux sujets. Nous sommes allés plus loin et plus vite. Mais cela signifie aussi que nous devons, plus que jamais, nous montrer à la hauteur des attentes métier. Pour continuer sur cette lancée, il nous faut assurer une veille technologique au niveau stratégique, être proactifs et anticiper.

« En termes d’innovation, notre approche hybride du cloud nous permet de faire le lien avec l’ensemble de nos partenaires : start-up, organismes financiers ou institutionnels. » Cliquez pour tweeter

Aujourd’hui, la DSI de BNP Paribas contribue à la définition de l’innovation de l’ensemble du secteur bancaire : les principaux responsables IT de la banque font partie des comex des métiers ; ce qui permet de maintenir un lien très fort avec la stratégie business. Car ce que l’on attend de l’IT aujourd’hui, ce n’est pas juste d’être aligné avec les grandes évolutions stratégiques et de les exécuter ; nous devons construire nos convictions pour la suite. Certaines se distinguent clairement, tel que le fait de concevoir l’innovation technologique comme un sujet majeur et nécessaire pour assurer l’interopérabilité entre les différents systèmes et écosystèmes. Cette interopérabilité qui, pour être développée dans la durée, doit prendre en compte la sécurité et la dimension environnementale dans nos choix technologiques et quel que soit le modèle adopté, avec ou sans cloud, ouvert ou fermé.