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Management : le principe de reconnaissance

Philippe Tanguier propose aux managers de s’approprier une méthode fondée sur la reconnaissance. Une solution pour ceux qui se sentent pris en étau entre une direction « contrôlante » et une équipe à laquelle ils souhaitent apporter davantage d’autonomie et de plaisir à travailler.

Management le principe de reconnaissanceLe principe de reconnaissance, aux yeux de Philippe Tanguier, c’est l’occasion pour un manager d’exercer son métier dans de bonnes conditions : « Je suis là pour que ça devienne un réflexe ». Parmi ses sources d’inspiration, il y a le conférencier Simon Sinek ainsi que Jean-Pierre Brun, co-auteur du livre « Le pouvoir de la reconnaissance au travail ».

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Attention, on ne parle pas ici de reconnaissance financière! Il s’agit d’une reconnaissance d’estime. « Les êtres humains ont besoin de se réunir et de parler, de tisser du lien, poursuit-il. La reconnaissance permet au manager de travailler la relation avec son équipe et touche donc à son cœur de métier. »

Les mécanismes en jeu sont très anciens : « Le sentiment d’appartenance est profondément ancré en chacun de nous. Nous avons toujours besoin de faire partie d’un groupe, comme nos ancêtres qui craignaient les attaques des bêtes sauvages… Le groupe apporte un sentiment de sécurité. C’est un phénomène documenté scientifiquement : à chaque fois que nous apportons de la valeur au collectif, nous sommes récompensés par nos hormones : notre bien-être augmente. »

ll n’existe pas de méthodologie en tant que telle, mais quelques règles d’or : « La reconnaissance que vous accordez doit être sincère et conforme à votre personnalité. Cela commence souvent par un travail sur vous-même : comprendre quel est votre objectif en tant que manager, observer comment vous réagissez face aux autres, dans quel mode d’expression vous vous sentez le plus à l’aise.… »

Il ne sert pas à grand-chose d’envoyer un manager en formation pour lui apprendre à animer des réunions ou encore à gérer les conflits, s’il n’a pas au préalable trouvé la posture qui lui convient, estime Philippe Tanguier. « Si vous avez par exemple 10 ans d’ancienneté et que vous êtes nommé manager, ce n’est pas facile de changer de casquette pour encadrer vos anciens collègues. Il ne suffira pas de suivre une formation générique de quelques jours. Chaque manager s’adapte en fonction du contexte et de son tempérament. »

Alors, donner de la reconnaissance, quelles formes cela peut-il prendre ? Il existe trois niveaux de reconnaissance, détaille l’expert. La reconnaissance inconditionnelle consiste à reconnaître la personne pour ce qu’elle est. Se souvenir de ce qu’elle a dit ou fait le mois dernier, s’intéresser à ce qui la motive, lui demander comment elle va… La reconnaissance semi-conditionnelle porte sur les actions que le collaborateur va mener (décider d’apprendre l’anglais, par exemple). Elle est semi-conditionnelle car la personne doit agir, mais ce qu’elle fait dépend d’elle. Et le dernier niveau est celui de la reconnaissance de résultats : elle est conditionnelle car les résultats dépendent rarement uniquement de la personne : l’intéressement en fait partie. « C’est souvent présenté comme une bonne idée, mais c’est aussi à mon sens le stade le moins intéressant. On se rapproche du principe du bâton et de la carotte, qui peut être ravageur en termes de management. »

« On n’a pas besoin de marques de reconnaissance tous les jours, poursuit Philippe. La relation se construit dans le temps, la confiance s’ancre progressivement. Parmi les écueils, je citerais deux phénomènes. D’abord, le côté forcé : serrer systématiquement la main de tout le monde le vendredi en disant « beau boulot », ça n’a évidemment aucun sens. »

Autre défi : détecter le sentiment d’injustice, qui peut miner une équipe : « Dès lors qu’il s’installe, il faut le traiter. Dans mes diagnostics en entreprise, l’absence d’équité touche 40 % des salariés. C’est le sentiment négatif le plus fort et le plus partagé. Un collaborateur peut très bien ressentir de l’injustice sans que cela soit  vraiment le cas : peu importe ! C’est son ressenti qui compte. Traitez-le. La beauté de la reconnaissance, c’est aussi cela : elle permet d’exprimer un mécontentement. Accueillir l’expression d’un sentiment d’injustice, c’est de la reconnaissance. »

Quels conseils donner au manager qui ne serait pas suivi par sa hiérarchie et, tout en appliquant le principe de reconnaissance, continuerait à se sentirait tiraillé entre son N+1 et son équipe ? « Le plus confortable est d’être bien avec son équipe. Si je dois choisir un camp, c’est avec mon équipe que je vis au quotidien. La pression du N+1 sera intermittente. Cela m’est déjà arrivé. Et une chose est sûre : mon N+1 de toutes les façons ne pouvait pas trop me maltraiter, car mon équipe était performante. Une équipe sereine obtient des résultats, alors qu’une équipe sous pression va lâcher. Quand on se sent protégé, on a envie de bien faire. »