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Mélanie Gat (psychologue sociale) : « L’énergie est un concept flou pour les particuliers »

La psychologue sociale Mélanie Gat, fondatrice associée de Psykolab, a effectué en 2014 une étude psychosociale sur Linky. Elle travaille depuis sur le lien que les personnes entretiennent avec l’énergie et leur acceptabilité des nouveaux outils permettant une meilleure maîtrise de leurs consommations. Entretien.

| Cet article fait partie du dossier « Linky, le compteur de toutes les attentions »

Mélanie Gat, psychologue sociale, étudie le lien que les personnes entretiennent avec l'énergie. ©DR

Mélanie Gat, psychologue sociale, étudie le lien que les personnes entretiennent avec l’énergie. ©DR

Alliancy. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler sur l’acceptabilité du compteur Linky ?

Mélanie Gat. Durant ma formation en psychologie sociale appliquée, j’ai répondu à une proposition de stage de la Métropole de Lyon et j’ai effectué un mémoire sur Linky et l’application Watt&Moi. L’agglomération lyonnaise avait décidé de mener plusieurs expérimentations pour rendre les questions d’énergie plus visibles.

Pour quelles raisons Linky s’est-il autant attiré la controverse ?

Mélanie Gat. Les gens se sont méfiés de Linky car le compteur leur a été imposé. Et quand on fait face à une obligation, on a tendance à s’y refuser pour conserver une once de liberté. Le déploiement a, par ailleurs, connu un mauvais début avec des défauts de communication. Le manque d’informations a laissé des questions sans réponse, favorisant la propagation de rumeurs. Et les individus ont retenu les promesses autour de la maîtrise de l’énergie alors que le compteur n’offre, pour l’instant, des avantages que pour les agents du réseau électrique. A leurs yeux, Linky reste donc un compteur d’experts et ne change rien pour les particuliers, qui ont ainsi du mal à comprendre en quoi cette installation représente une innovation.

Quel rapport le grand public entretient-il généralement à l’énergie ?

Mélanie Gat. Chacun a une sensibilité différente qui dépend de motivations variées – réaliser des économies, agir pour la planète, penser aux générations futures… Et le profil des individus est évolutif, leurs motifs peuvent évoluer dans le temps. Les objets connectés sur l’énergie se multiplient néanmoins, car les habitants ont envie d’acquérir une meilleure compréhension de leurs usages et un contrôle dessus. Les objets plébiscités sont ceux qui répondent à un besoin !

Dans votre mémoire, vous écrivez que l’énergie n’est pas un sujet de discussion. Que faudrait-il faire pour que ça le devienne ?

Mélanie Gat. L’énergie est un concept flou et peu intuitif. Les particuliers ne se représentent pas mentalement sa mesure, qui se fait en kilowatts-heure. A part quelques éco-gestes connus, ils ne vont généralement pas plus loin… Si le sujet était plus simple, cela le rendrait partageable et les enjeux énergétiques deviendraient globaux. Jusqu’à présent, tout a été fait de sorte que cette question relève de la sphère privée, les factures sont notamment nominatives. Enfin, parler d’énergie dévoile des niveaux de confort ou de gaspillage au sein du foyer que certains ne veulent pas aborder.

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Pour aller plus loin :

  • Retrouvez en vidéo les explications de la sociologue Aude Danieli, intervenant sur la table-ronde « le compteur intelligent comme objet social : effets sanitaires et polémiques » à l’Assemblée nationale.
  • A lire sur Alliancy l’opinion de Dominique Desjeux, anthropologue, professeur à l’université Paris Descartes (Paris V Sorbonne) et consultant international : L’imaginaire collectif