Michelin, une « data driven company »

La crise a encore plus mis en lumière la nécessité pour Michelin d’être agile et réactive dans sa prise de décision. Les données et l’intelligence artificielle visent ainsi à concrétiser l’ambition « tout-durable » d’une entreprise data driven.

Factolab ©michelin

Les industriels ont expérimenté frontalement le principe du « stop & go » imposé par la crise. Ainsi, lors de la première vague, en mars 2020, Michelin était contraint de fermer ses usines. L’enjeu pour le groupe était donc de pouvoir « assez rapidement » redémarrer ses capacités de production lorsque le contexte sanitaire le permettait.

« Il s’agissait d’être à la fois capable de freiner rapidement, mais surtout d’être agile. Et c’est ce que la technologie nous a aidé à faire. L’ambition informatique et digitale de Michelin en est plutôt ressortie renforcée. On est plus ambitieux en 2021 qu’on ne l’était fin 2019 », confiait fin mars lors d’une conférence organisée par Oracle, Yves Caseau, le CDIO groupe (CDO/CIO) de Michelin.

De nouveaux revenus grâce à la valorisation des données

Et cette ambition s’exprime notamment dans les domaines des données et de l’intelligence artificielle. Michelin s’était, avant même la crise, fixé comme objectif de devenir une « data driven company ». Mais quel apport pour le groupe ? Celui-ci s’est fixé comme priorité stratégique d’être « tout-durable » sur son cœur d’activité de production de pneus, mais également sur les services de mobilité. Et pour y parvenir, « nous avons besoin de données », souligne le CDIO.

Ces ambitions ont été confirmée le 8 avril par Michelin au travers de la présentation de son nouveau plan stratégique « 2030 : Michelin In Motion ». Dans ce cadre, l’industriel partira en quête de nouveaux réservoirs de croissance. Il prévoit ainsi de réaliser entre 20 % et 30 % de ses ventes dans des activités autres que le pneumatique.

Dans les « Services et solutions », le groupe s’appuiera ainsi sur les objets connectés et la valorisation des données collectées. Un virage ? Michelin revendique des décisions reposant sur la Data « depuis 100 ans ». Néanmoins, la prochaine étape visera à désiloter les données. Cela signifie de partager un patrimoine à l’échelle de l’ensemble de l’entreprise grâce à des « flux qui circulent et s’améliorent ».

« Les entreprises leaders n’ont pas des modèles statiques, mais construisent des flux qui s’enrichissent en permanence. Et c’est ce que nous cherchons à faire », précise Yves Caseau. Par ailleurs, la boîte à outils s’est elle aussi largement étoffée ces dernières années. Ces technologies sont mises à contribution au sein des activités de Michelin, notamment au sein de sa R&D, avec comme objectifs de concevoir de meilleurs produits, mais aussi de « casser des barrières ».

Des data lakes en usine, couplés à de la data visualisation

La donnée occupe d’ailleurs déjà une place majeure au sein des usines de l’industriel. Michelin déploie ainsi actuellement une interconnexion de ses équipements. Et les données collectées alimentent des lacs de données Kafka (ou data lakes) installés dans chaque usine. La finalité ? Proposer de la visualisation de données.

« La première valeur d’une data driven, c’est de donner à un opérateur sur sa machine une vision globale de son environnement », déclare l’expert. Collecte et data visualisation constituent ainsi des étapes vers des usages de type maintenance préventive. Et les gains sont déjà au rendez-vous, assure-t-il, afin par exemple de produire mieux et moins cher.

Mais, plus globalement, l’utilisation des données vise à développer une « entreprise adaptative », c’est-à-dire à même de répondre avec agilité aux évolutions de son environnement. Pour Yves Caseau, cette flexibilité est capitale désormais pour les industriels. Elle passe notamment par une connaissance commune.

La direction de la transformation numérique et des SI a donc comme priorité d’établir des modèles de données communs, uniques par conséquent, mais « pas figés » en revanche. Ces modèles sont d’autant plus nécessaires que la direction a fixé des ambitions fortes en termes de croissance et de développement dans de nouveaux domaines.

« Qui dit croissance, absorptions et partenariats, dit également fédération de modèles de données. Un de mes objectifs, c’est d’aider Michelin à construire sa boîte à outils de modèles fédérés ou en étoile pour que tout le monde puisse créer de la valeur avec ces données », justifie Yves Caseau.

L’IA pour optimiser la supply chain et la qualité

Si ces modèles restent encore à construire, l’industriel est cependant d’ores et déjà engagé sur des usages de l’intelligence artificielle. C’est par exemple le cas dans la supply chain, critique pour un groupe acheminant 180 millions de pneus chaque année via des usines dans 70 pays.

« C’est un premier domaine où nous avons implémenté de l’IA. C’est en production et cela nous a permis d’améliorer nos performances de manière significative », cite notamment le directeur du digital.

Dans les usines elles-mêmes, via donc de la visualisation, l’intelligence artificielle est exploitée, y compris dans le cadre de l’inspection de la qualité des produits. Des algorithmes sont adossés à des capteurs et caméras déjà installés sur les chaines de fabrication.

Et plus classiquement, dans des fonctions transverses comme le marketing digital, l’IA trouve aussi des applications. Michelin s’appuie en particulier sur son partenariat avec l’éditeur CRM dans le cloud Salesforce. Mais les technologies ne suffisent pas à se démarquer sur le front de l’IA et de la Data, prévient Yves Caseau.

« On a beau mettre en place des collectes de données, des data lakes, des flux… toute la panoplie des gros outils technologiques, ce qui fait la valeur c’est la rencontre sur le terrain d’une expertise métier et d’un besoin client. Et cela, ce n’est pas facile à prévoir », conclut-il. Cela suppose un leadership fournissant aux acteurs métiers les conditions de leur autonomie sur la Data, mais aussi une DSI remplissant sa fonction de « facilitateur ».