Cette article fait partie du dossier
Les articles du dossier

RATP prépare VivaTech : plein phare sur la mobilité de demain

A deux semaines de VivaTech 2019, la RATP profite d’une conférence de presse tenue en début de semaine pour présenter les projets d’innovation technologique qu’elle va exposer au salon en matière de mobilité. Dans un contexte d’ouverture du marché à la concurrence et avec l’arrivée en force du transport autonome, le groupe souhaite disrupter la mobilité de demain grâce à son lab “Urbanopolis”.

Si toutes ces technologies sont rendues possibles, c’est notamment grâce à l’accès privilégié aux données de transport dont bénéficie le service public. Mais dans un contexte de libéralisation du transport français, l’accès à cette data tend à être ouvert à la concurrence. C’est ce que laisse présager l’article 11 de la loi Lom qui prévoit notamment l’ouverture de la billetterie publique aux acteurs privés | E.Touzé - Crédit Photo@RATP31

Si toutes ces technologies sont rendues possibles, c’est notamment grâce à l’accès privilégié aux données de transport dont bénéficie le service public. Mais dans un contexte de libéralisation du transport français, l’accès à cette data tend à être ouvert à la concurrence. C’est ce que laisse présager l’article 11 de la loi Lom qui prévoit notamment l’ouverture de la billetterie publique aux acteurs privés | E.Touzé – Crédit Photo@RATP31

“VivaTech c’est le rendez-vous où l’on côtoie tous les partenaires industriels et académiques du secteur… Cette année c’est notre lab Urbanopolis qui sera transposé au salon avec 3 grands axes : le véhicule autonome, l’Intelligence artificielle et la smarter city” précise d’emblée Mathieu Dunant, Directeur de l’innovation du groupe RATP à l’occasion d’une conférence de presse en début de semaine.

Le groupe RATP est présent au salon depuis sa naissance il y a 4 ans. C’est donc son incubateur “Urbanopolis”, du 16 au 18 mai, qui assurera la présentation des 33 startup qu’il soutient. Une démarche d’ouverture de l’innovation qui annonce les prémices du Mobility as a Service (Maas) et fait écho au projet de loi d’orientation des mobilités (Lom) votée par le Sénat en début de mois. Censée être adoptée au cours de l’été prochain, la loi prévoit d’autoriser les navettes autonomes sur tout le réseau routier dès 2020.

 

Cap sur le transport autonome

La RATP n’a pas attendu la loi Lom pour tester les navettes autonomes. En mai 2018, alors que la ministre chargée des transports Elisabeth Borne dévoile sa stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, la RATP prend une longueur d’avance. Elle répond dans la foulée à un appel d’offres auprès de l’ADEME pour tester des services de mobilité autonome dans trois terrains d’expérimentation.

Pour Paris Rive Gauche, l’enjeu est de mettre en place une desserte fine du quartier incluant notamment l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Pour Saint-Rémy-lès-Chevreuse (78), c’est la mise en place d’un service “dernier kilomètre” pour permettre aux habitants des environs de rejoindre la gare sans utiliser leur véhicule personnel. Et enfin, pour Bois de Vincennes, il s’agit de relier le parc floral, la mairie de Vincennes, le lac des Minimes et le Chalet de la Porte Jaune à la station Château de Vincennes (ligne 1). Depuis 2017, la RATP y exploite déjà 3 navettes autonomes. Cette nouvelle expérimentation permettra d’approfondir la desserte douce (à faible impact écologique) du grand bois parisien en lien avec les communes environnantes. D’ici la fin de l’année, la RATP va également expérimenter un bus autonome en conditions réelles d’exploitation, avec voyageurs, sur la ligne 393 dans le Val-de-Marne.

“Il existe un certain nombre d’évolutions technologiques majeures aujourd’hui. Ce qui permet de rendre plus crédible le transport autonome, rappelle Mathieu Dunant. Comment en fait-on un service de transport aux usagers tout en assurant l’intégration et la sécurité du système ?”. C’est ce que la RATP espère réaliser avec son Lab. Le sujet est d’autant plus urgent que l’incubateur a doublé son nombre de start-up accompagnées entre 2018 et 2019.

| Lire aussi : Rejoint par EDF et RATP, Zenpark lève plus de 10 millions d’euros

Pour ce qui est de la sécurité et la supervision à distance de ces nouveaux modes de transport intelligent, le groupe va s’appuyer sur le déploiement prochain de la 5G (la 4G présentant quelques problèmes de latence) et sur ses partenaires comme ATC France, qui coordonne le déploiement de l’infrastructure sur le quartier Paris Rive Gauche. Des capteurs seront aussi disposés sur les feux et les lampadaires pour aider les véhicules autonomes à la navigation. Un projet qui s’inscrit dans la volonté de la RATP de développer une “smarter city”.

Pas de smart city sans accès aux données

Au coeur des enjeux de développement de la smart city se trouve celui de la saturation des réseaux de la ville. La RATP souhaite explorer cette problématique au sein d’un partenariat avec le Senseable City Lab du Massachusetts Institute of Technology (MI). Sur cette question de la fluidité, Marie-Claire Dupuis, Directrice Stratégie, Innovation et développement du groupe RATP, évoque notamment le concept de gestion des “ressources rares”. Autrement dit, les espaces d’une ville – comme la chaussée ou les trottoirs –  dont l’aménagement est complexifié à mesure que la population augmente et que les flux se densifient.

©RATPGroup sur Instagram (@ratp)

©RATPGroup sur Instagram (@ratp)

La RATP a son lot d’innovations pour répondre à cet enjeu et pour mieux gérer ce réseau de plus en plus complexe, elle fait appel à l’intelligence artificielle. Elle permettra tout d’abord d’aider les opérateurs de commandement à faire leur travail de régulation et des métros et RER en temps réel. C’est en ce sens que plusieurs capteurs connectés seront déployés sur la ligne du RER B. Un dispositif qui permettra aussi d’assurer la maintenance prédictive pour identifier le matériel nécessitant entretien.

Pour les voyageurs, cela signifie une amélioration de l’interaction avec son service de transport notamment grâce au RATP chatbot développé en partenariat avec la startup Destygo. Mais aussi une identification plus fine des besoins en déplacement avec la startup Citio qui propose des outils d’analyse de données et d’optimisation des flux des lignes de transport en commun. Et enfin une meilleure sécurité publique avec l’analyse et le traitement des images de caméras de surveillance grâce à l’IA d’analyse vidéo de la start-up Deepomatic.

D’autres innovations seront présentées au salon VivaTech : l’application de signalement de harcèlement « Be Salam », développée au sein du Lab du groupe RATP « Casaroc » à Casablanca) et l’application mobile développée par Copsonic pour émettre un signal sonore auprès du piéton utilisateur afin de lui éviter une collision avec un tramway.

Si toutes ces technologies sont rendues possibles, c’est notamment grâce à l’accès privilégié aux données de transport dont bénéficie le service public. Mais dans un contexte de libéralisation du transport français, l’accès à cette data tend à être ouvert à la concurrence. C’est ce que laisse présager l’article 11 de la loi Lom qui prévoit notamment l’ouverture de la billetterie publique aux acteurs privés.

“Les AO [Autorités Organisatrices de la mobilité] vont perdre leur relation client, s’inquiète Marie-Claude Dupuis. Si on ouvre la billetterie à la concurrence, on favorise surtout les touristes, pas les français qui habitent dans des déserts de mobilité”. Elle craint ainsi que les nouveaux entrants se concentrent exclusivement leurs offres sur les centres de mobilité très actifs comme Paris plutôt que sur le reste du territoire.

Se félicitant malgré tout de l’arrivée du billet multimodal sur le marché de la mobilité urbaine, le groupe RATP espère que le gouvernement travaillera de concert avec les autorités de transports et les collectivités territoriales pour trouver des moyens d’encadrement nécessaires à l’application de cette loi.