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Romain Liberge (la MAIF) : « Le digital ne doit plus être un département à part entière »

La MAIF a organisé la deuxième édition de ses Digitechs les 9 et 10 juin à Niort. Au programme, 27 conférences autour de l’économie collaborative, le véhicule autonome ou encore la cybersécurité. Romain Liberge, chief digital officer de l’assureur, revient sur l’évènement et la transformation numérique de l’entreprise de 7000 salariés.

 Quel est l’objectif de ces Digitechs ?

L’idée est de réunir au siège de la MAIF, à Niort (Deux-Sèvres), un ensemble de technologies, d’usages et de nouveaux services qui sont à la fois en cours de conception et d’appropriation dans l’entreprise mais aussi qui sont un peu plus éloignés de nous. Nous avons organisé un showroom, des conférences, et avons fait intervenir des acteurs extérieurs pour valoriser nos expertises internes. Nous avons accueilli nos partenaires, des start-up et des entreprises technologiques avec qui nous travaillons pour leur faire découvrir les services que nous allons déployer en interne et en externe. C’est aussi un évènement qui permet à nos collaborateurs de découvrir ces technologies pour qu’à terme ils se les approprient.  

Quelles solutions avez-vous déjà mis en place au sein de la MAIF ?

Comme beaucoup d’entreprises qui entament un projet de transformation, nous nous appuyons sur de nouvelles applications qui facilitent la collaboration entre nos différentes équipes. Par exemple, nous avons déployé au printemps dernier un réseau social interne dans une logique expérimentale. Il a rencontré un véritable succès et a été récemment généralisé aux 7000 collaborateurs de l’entreprise. Cela permet à la fois de fluidifier les échanges mais également de mettre à disposition des salariés des nouveaux outils comme le stockage documentaire dans le cloud. Nous sommes également en train de déployer Office 365, ce qui a fait naître de nouveaux usages. Ainsi, nous allons progressivement nous doter de différentes briques de la suite Office pour équiper les salariés. Enfin, nous testons Slack avec des équipes qui travaillent sur des projets avec des cycles de développement courts.

Qui pousse ces nouveaux outils dans l’entreprise ?

Nous pensons la transformation comme un collectif. En tant que CDO, je suis là pour l’accélérer mais je ne suis pas le seul. Le digital est une petite équipe de quatre personnes rattachée à la direction générale. De plus, dans chaque direction métier il y a un relai qui assure le lien avec la stratégie digitale globale mais porte également des projets spécifiques. Tout le déploiement du réseau social d’entreprise et des outils collaboratifs ne peut pas se faire sans une bonne collaboration et un travail en amont avec les équipes de la DSI.

Vous êtes chief digital officer de la MAIF depuis 18 mois. Quel premier bilan tirez-vous ?  

Quand je suis arrivé en janvier 2015, nous avons formalisé rapidement la stratégie du groupe. Les premiers chantiers lancés au printemps dernier tournaient autour de la transformation culturelle car pour nous le digital ne se résume pas à de la technologie. Nous avons donc mené deux grands projets. Tout d’abord, la mise en place d’une académie digitale dans l’entreprise, pilotée par la direction des ressources humaines. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les équipes déjà en charge de la formation à la MAIF et avons déployé une plateforme d’apprentissage avec la start-up 360learnig. Nous avons pu rapidement mettre à disposition de nos équipes une plateforme pour monter en compétences sur le digital. Pour le contenu, nous avons choisi un COOC sur la culture digitale qui formera à terme 7000 personnes. Le deuxième grand projet était le réseau social d’entreprise. Ces chantiers étaient les plus simples à activer car ils ne sont pas en prise immédiate avec le système d’information.

Quels sont les autres leviers pour diffuser cette culture de l’innovation et du collaboratif ?

Les start-up. Nous avons créé en juin 2015 un fonds d’investissement, MAIF Avenir, qui nous permet de structurer un écosystème et d’accélérer l’acculturation de nos équipes. Les start-up de l’économie collaborative interrogent forcément le modèle économique de l’assurance et ses produits. Aujourd’hui, on est sur de l’usage, moins sur de la propriété. Ça nous amène donc à faire évoluer nos propres solutions pour bâtir des alliances stratégiques et industrielles de long terme. La plateforme de location de voitures entre particuliers Koolicar est un bon exemple. Nous avons investi dans cette start-up une première fois seul (2,6 millions d’euros en septembre 2014, ndlr) et une deuxième fois en avril dernier aux côtés de Peugeot. C’est très intéressant de voir comment l’écosystème français et plus largement européen évolue, avec d’un côté des grands groupes qui investissent dans des start-up mais ne restent pas seuls dans leur « vertical » métier. On voit se dessiner de nouvelles propositions de valeur où demain je pourrai avoir une voiture qui embarquera nativement une fonctionnalité de car sharing avec un produit d’assurance automobile qui viendra couvrir l’usage à la demande. Ça illustre bien toute la logique d’écosystème que nous cherchons à mettre en place, pas seulement avec les start-up mais aussi avec les grands groupes industriels.

Quels sont vos objectifs pour l’année 2016 ?

C’est l’an 2 de la transformation. Nous allons nous attaquer à l’expérience utilisateur et aux interfaces. En back office, nous avons pas mal de projets pour le système d’information dans lequel nous installons progressivement de nouvelles briques technologiques pour être en capacité d’exploiter le potentiel des données, qui avec des technologies open source, nous permettront d’aller chercher davantage de connaissance pour personnaliser l’expérience utilisateur.

Dans un portrait réalisé par l’Argus de l’assurance, vous aviez déclaré que votre poste était à « durée déterminée ». Pourquoi ?

Je n’ai pas changé de position sur ce point car je pense que le digital ne doit plus être un sujet capté par une direction spécifique ou logé à un endroit bien particulier dans l’entreprise. L’enjeu est d’installer le digital partout dans l’organisation et donc qu’il ne soit plus un département à part entière. Je pense que dans le prochain plan stratégique de la MAIF le digital sera nativement intégré et on ne parlera plus de cette fonction, qui évoluera à différents endroits. Si je fais bien mon travail, cette fonction d’impulsion et d’accélération devrait se diffuser entièrement dans l’organisation.