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Services de secours : les usages numériques à la rescousse !

Dans deux ans, les services de secours français auront leurs systèmes d’information interopérables. NexSIS, le nouveau logiciel de gestion des alertes sera déployé et devra inclure de nouveaux usages numériques liés aux objets connectés, smartphones, réseaux sociaux… Les acteurs du secours et de la sécurité explorent donc toutes les pistes possibles pour sauver des vies, ouvrant même leur écosystème à des géants, des plateformes comme Waze. 

Les services de secours se préparent pour NexSIS, un logiciel national pour les centres d’appels d’urgence déployé à l'horizon 2021

Les services de secours se préparent pour NexSIS, un logiciel national pour les centres d’appels d’urgence déployé à l’horizon 2021

Dans une semaine se tiendra à Vannes le congrès national des sapeurs-pompiers de France. C’est l’occasion pour les services de secours de passer en revue les chantiers d’innovation en matière d’urgence. Mais c’est aussi le moment opportun pour donner des précisions concernant NexSIS.

Ce projet porté par le préfet Guillaume Lambert, directeur de la mission de préfiguration de ce programme, vise à déployer un logiciel national pour les centres d’appels d’urgence dès 2021. Sont donc concernés le Samu, la police et gendarmerie nationale, les polices municipales, les associations agréées de sécurité civile et les opérateurs d’importance vitale (OIV).  

Ce travail d’envergure vise l’interopérabilité des systèmes d’information tout en prenant en compte les usages numériques du XXIème siècle tels que les applications smartphone, réseaux sociaux et objets connectés. Tout simplement, parce que les données des plateformes bénéficient d’une instantanéité inégalable. 

L’idée serait donc que les centres de traitement des alertes (CTA) puissent avoir accès aux données de Facebook et Twitter pour alimenter la prise d’appel d’urgence. Par exemple, en cas d’incendie, le système d’alerte safety check de Facebook ou bien la présence de photos sur Twitter permettrait de vérifier un signalement reçu et faciliter l’envoi des secours. De la même manière, l’application de trafic en temps réel Waze est aussi sollicitée étant donné le nombre toujours plus grandissant de “wazer” en France.

Waze largement mise à contribution

Rachetée en 2013 par Google, Waze compte aujourd’hui plus de 110 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 13 millions en France. Il est donc apparu nécessaire de faire collaborer des services d’urgence avec Waze pour améliorer l’intervention des secours. 

En 2013, la ville de Rio de Janeiro a contacté Waze au moment de la venue du Pape au Brésil afin de prévoir son itinéraire et éviter de créer des embouteillages. C’est ainsi que le programme “Connected Citizen” est né et ce type de partenariat a été décliné avec plusieurs villes. Aux Etats-Unis par exemple, où environ 30 000 accidents sont déclarés par jour grâce à l’application, Waze s’est aperçu d’une part, que le temps gagné par les secours utilisant l’application était de 4 minutes et d’autre part, que 70% des accidents sont déclarés sur Waze avant même l’appel au secours.

Plus récemment, en 2017, l’association européenne du numéro d’urgence (Eena) a lancé plusieurs projets pilote en France (SDIS des Bouches-du-Rhône et de la Vienne), en Autriche (NNÖ) et en Italie (AREU) pour tester ce type de partenariat en situation réelle. Concrètement, les CTA ont accès à une carte de leur département qui affiche les alertes des “wazer” en temps réel telles que des accidents, embouteillages, dangers sur la voie, incendie… Puis, lorsque l’envoi d’une unité d’intervention est nécessaire, les CTA peuvent le notifier directement aux utilisateurs sur l’application.

“L’expérience a montré que la plupart du temps nous n’étions pas les premiers à notifier un événement, précise Eric Rodriguez, commandant du SDIS des Bouches-du-Rhône. Si nous recevons un appel c’est qu’il y a déjà au moins un témoin.” Selon lui, l’intérêt de ce type de collaboration est d’améliorer considérablement la qualité des données visibles par les utilisateurs, étant donné qu’elles sont qualifiées par des services de pompier et non plus seulement des usagers.

Toutefois, le commandant regrette le manque de données pour évaluer la performance de son action ou l’effet produit par cette solution. “Il n’y a aucun indicateur de changement de comportement ou d’évitement du risque de suraccident ou d’embouteillage, ajoute-t-il. Cela reste un acte de prévention pour l’instant, une bouteille à la mer… “. La prochaine étape, très attendue, est de trouver une solution d’interopérabilité plus adéquate entre Waze et les systèmes de gestion opérationnel (SGO) des services de secours, qui comprend des outils de cartographie et de gestion d’engins et de personnel.

“A terme, si notre solution est véritablement intégrée dans les outils qu’utilisent les services de secours en interne, elle pourrait bénéficier au plus grand nombre, constate Jérôme Marty, Directeur Général de Waze France. Notre objectif est de rendre accessible nos données à tous. Elles doivent être prises en compte par les services publics pour améliorer la sécurité routière.”

Trouver des moyens d’améliorer la géolocalisation

Une des problématiques qui pousse les services de secours à chercher des partenariats vient simplement du fait de leur manque de précision en matière de géolocalisation. C’est ce qui a d’ailleurs été soulevé lorsque le corps du promeneur français Simon Gautier a été retrouvé en Italie le 18 août dernier. L’étudiant de 27 ans avait envoyé un message de détresse aux sauveteurs italiens le 9 août mais les services de secours ne pouvaient pas géolocaliser un appel avec autant de précision. 

Renforcer la précision de géolocalisation, c’est un des plus grands combats menés par l’association EENA notamment en défendant l’adoption de la technologie AML : fonctionnalité qui permet de géolocaliser un appel dans un rayon à moins de 100 mètres, contre 2 kilomètres en temps normal. Une pratique qui amène à être généralisée étant donné que le 25 février dernier, la Commission Européenne a publié un nouveau règlement délégué qui oblige tous les vendeurs de smartphones sur le territoire européen à munir leurs appareils d’AML d’ici le 17 mars 2022. 

Eric Rodriguez a fait partie du groupe de travail aux côtés de l’EENA pour défendre l’AML auprès des institutions françaises et européennes et pour lui, la grande difficulté est que les états membres n’adoptent pas encore une posture de “forcing” vis à vis des opérateurs téléphoniques. La donnée existe bel et bien grâce à AML mais tant que les opérateurs ne la partage pas, les services de secours ne peuvent pas y accéder. 

Il y a trois ans, les SDIS du Morbihan et du Var ont mis au point une technologie pour contourner les freins liés à la géolocalisation. Geoloc 18 112 donne la possibilité aux services de traitement des appels d’urgence d’envoyer un sms à une personne dans le besoin. En cliquant sur le lien, la personne peut être repérée à quelques mètres près et dans un temps record. C’est un moyen rapide d’obtenir des données de positionnement avec l’accord tacite d’un usager de smartphone. Les services de secours se battent sur tous les fronts pour améliorer leur efficacité opérationnelle et ne se résignent pas à attendre que l’harmonisation européenne et française sur ce sujet avance.