[Tribune] Transformation Digitale : la fin des programmes digitaux, le début du “Dynamic Transformation Management”

Les dirigeants et directeurs de programmes digitaux sont pris dans un tourbillon permanent de contraintes et d’opportunités : les technologies évoluent constamment, la concurrence est de plus en plus agile et digitalisée, la crise sanitaire conduit à de nouvelles priorités et surtout à de l’incertitude, etc. Toutes ces raisons annoncent la mort des grands programmes de transformation digitale à moyen ou long terme. Yann Desjardins, Principal chez Devoteam Management Consulting estime qu’il convient de mettre en œuvre un pilotage dynamique de cette transformation.

La fin des programmes de transformation digitale

Yann-Desjardins,-Principal-chez-Devoteam-Management-Consulting

Yann Desjardins, Principal chez Devoteam Management Consulting

Naturellement, les entreprises visent à se projeter dans le futur et à définir leur positionnement à 3 ou 5 ans via des plans stratégiques qui misent énormément sur le digital. Il en découle l’identification de programmes digitaux qui projettent sur plusieurs années l’implémentation de solutions permettant de transformer la manière d’interagir avec les clients, de définir des produits et des services toujours plus pertinents, ou encore d’améliorer la performance économique et l’efficacité des processus backoffice.

A lire aussi : 87 % des entreprises françaises accélèrent leur transformation numérique pour contrer la pandémie

Le constat est clair : un an après leur lancement, les programmes digitaux voient leur périmètre devenir en grande partie obsolète pour des raisons très diverses : Un concurrent a lancé une nouvelle initiative digitale qui va révolutionner le marché, ou bien, les projets en cours sont en train de glisser au niveau du délai et du budget, car les technologies identifiées ne sont pas maîtrisées par les équipes, ou par manque de coordination ; ou encore, la maturité des équipes n’est pas alignée avec la temporalité des projets prévus, les projets ont été lancés trop tôt, et demandent à être ralentis, voire stoppés. Beaucoup d’organisations ont conscience de ces facteurs, mais très peu prennent les décisions adéquates.

 Une analyse exhaustive de la data de transformation pour pivoter dans le bon sens

 La transformation digitale génère énormément de données qu’il est capital d’analyser pour gérer les priorités : le reporting projets, le suivi des déploiements, les Value Case, les questionnaires, les ateliers ou les interviews des utilisateurs, etc.

Ces catégories d’information sont généralement étudiées de manière individuelle par les entreprises, mais elles ne sont pas analysées de manière croisée. Pour donner du sens aux décisions, il convient pour chaque initiative de croiser les catégories d’indicateurs suivantes :

  • Performance : l’initiative est-elle conforme aux prévisions en termes de délai, de budget et de périmètre livré ?
  • Valeur : quelle est la valeur attendue de l’initiative ? Cette valeur est-elle toujours alignée avec les priorités de l’entreprise ?
  • Désirabilité : quel est le niveau d’adhésion des collaborateurs vis-à-vis des changements apportés ou à venir ? Quels sont les points de satisfaction et d’insatisfaction des collaborateurs tout au long de leur parcours ?

L’objectif de cette démarche est d’identifier les décalages entre ces trois dimensions. Chaque type d’écart pourra déclencher des actions spécifiques, catégorisées dans la matrice PVD “Performance, Valeur, Désirabilité”.

L’analyse factuelle de l’ensemble de ces données nécessite une combinaison de compétences variées et rares. Ces expertises sont trop souvent réparties à différents endroits de l’organisation. ll est clé de les réunir au sein d’une même équipe de pilotage des transformations :

  • La connaissance des enjeux business, pour analyser la valeur de chaque initiative;
  • Le pilotage des portefeuilles de projets, pour évaluer la performance des projets;
  • La conduite du changement, pour analyser l’impact et l’adhésion des collaborateurs aux changements qui leur sont impulsés;
  • L’UX Research, pour modéliser l’expérience des utilisateurs et identifier les points de satisfaction et d’insatisfaction.

Cette démarche doit, d’une part,  permettre aux directions de programmes de justifier les évolutions des roadmaps auprès du top management; d’autre part, de garantir aux équipes opérationnelles de bénéficier d’éléments factuels et transparents sur les raisons qui justifient les changements.

Une planification par Cycle, pour focaliser l’effort sur une valeur atteignable à court terme

Il est tout à fait possible de bénéficier des avantages de l’agilité à l’échelle sans pour autant transformer toute son organisation ! Le release management, sur les initiatives digitales, va permettre à l’entreprise de focaliser l’énergie des équipes, et ce, grâce à plusieurs principes :

  • Des cycles courts dans la planification, de 3 à 6 mois maximum;
  • Chaque release doit porter un ensemble d’initiatives qui peuvent être exécutées en autonomie;
  • Un focus valeur, avec pour chaque release la définition de bénéfices mesurables facilement, et factuellement.

Le déclenchement et le maintien de l’énergie “transformante” au sein des équipes

Peu d’entreprises osent encore mettre dans une même pièce, les exécutifs qui définissent la stratégie, les experts, les chefs de projets qui vont mettre en œuvre les initiatives, et les clients. Et par conséquent, inspiration et engagement font défaut.

Au-delà d’une gouvernance classique pour aligner les acteurs, la bonne pratique est de rythmer les cycles de transformation par l’organisation d’événements qui engagent les acteurs de la transformation. Ces rendez-vous sont l’opportunité de :

  • Faire le bilan de la release passée, avec l’appui du modèle “PVD”;
  • Présenter les actualités technologiques, les évolutions de la stratégie de l’organisation et de la concurrence;
  • Prioriser les nouvelles initiatives sur une roadmap en pensant Valeur versus Accessibilité;
  • Se projeter dans l’exécution en définissant l’organisation, et en identifiant les dépendances et les modalités d’alignement;
  • Se taper dans la main (virtuellement !), chercher le consensus collectif et traiter les points de difficultés.

La transformation digitale est avant tout une histoire humaine ! La cellule de pilotage des transformations joue un rôle capital pour réconcilier les visions stratégiques et opérationnelles, à tous les niveaux de l’organisation.