PSA met le turbo envers ses clients

Le groupe français, qui veut devenir « le constructeur le plus efficient au monde » d’ici à 2021, axe autant ses efforts sur la vente de véhicules que les services de mobilité. Un changement total de paradigme qui se traduit à tous les niveaux dans le nouveau plan « Push to Pass », présenté par Carlos Tavares hier matin.

Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën

Carlos Tavares, président du directoire de PSA groupe

Après de fortes turbulences ces dernières années et la santé retrouvée, PSA Groupe, doté d’un nouveau logo, affiche ses ambitions d’ici à 2021 (en deux phases de trois ans) dans un nouveau plan stratégique appelé « Push to Pass » et présenté ce 5 avril. Et ses ambitions sont « grandes » ! Le constructeur français vise une croissance de ses ventes de 10 % d’ici à 2018 et de 15 % de plus encore pour 2021.

Au total, 34 nouveaux véhicules seront commercialisés dans le monde par le groupe dans les cinq ans à venir (26 véhicules particuliers et huit utilitaires, dont 1 pick-up), soit « un nouveau véhicule, par région, par marque et par an ». Et ceci tout en réduisant de 700 euros le coût de production de chaque véhicule sur la durée de ce plan.

Plus significatif encore, dans la lignée de tous les constructeurs aujourd’hui, le mot « voiture » est banni. Carlos Tavares reconnaît désormais : « On va vers l’usage de l’objet de mobilité. Le centrage est de plus en plus sur les clients et moins sur les produits ». Et si le dirigeant choisit, lors de cette conférence de presse, de partager certains points de vue presque « philosophiques » avec l’assemblée, c’est pour déclarer notamment : « Chez PSA, les clients sont des êtres humains. Les appeler par leur numéro de châssis est révolu »…

Un contact quotidien avec ses 15 millions de clients

Dans la foulée, le patron des marques Peugeot, Citroën et DS précise ainsi qu’il souhaite remodeler le parcours des 15 millions de clients de l’entreprise pour les rendre « plus heureux », tout en cherchant à élargir cette base. « Désormais, c’est le client qui décide de quand et où il entre en contact avec nous. Nous devons réorganiser nos bases de données. Nous devons faire participer nos clients à la conception de nos produits et de nos services… Nous voulons nous rapprocher d’eux et être en permanence connecté avec eux », indique-t-il.

Le nouveau logo © PSA groupe

Le nouveau logo © PSA groupe

Le groupe compte tirer profit des changements du monde actuel : « La mobilité, ce n’est pas vendre des voitures, apporter de l’émotion, mais apporter un certain nombre de services… Et d’abord, c’est la mobilité sans tracas. » Une nouvelle notion de services (une business unit dédiée a été créée en 2015) au sein du groupe qui permet de s’inscrire dans la dynamique de changements attendus par les clients, au-delà de « développer le sens du business, l’esprit d’équipe, l’initiative et la création personnelle » en son sein.

Le constructeur compte tout d’abord générer 100 millions d’euros de produits supplémentaires (+ 10 % d’ici à 2018), en déployant les services de distribution de pièces de rechange de sa plateforme internet Mister-Auto, à travers toute l’Europe (de 6 pays, elle passera à 20 d’ici à 2021).

De même, un « nouveau » réseau de garagistes multimarques est en cours de structuration : si on trouve déjà 2 000 garages de la marque EuroRepar en Europe, PSA ambitionne d’en avoir 10 000 d’ici 2021…

Pour le marché de la voiture d’occasion, le groupe veut devenir pas moins qu’un opérateur BtoB, BtoC et CtoC… Dès 2017, un site dédié à la vente de véhicules d’occasion sera mis en place, pouvant accueillir les offres des professionnels et des particuliers. Et même des véhicules reconditionnés ou remis sous garantie. Objectif : 800 000 ventes en 2021 (dont 25 % hors Europe), et des bénéfices quadruplés dans le domaine.

Enfin, PSA s’engouffre sur le marché de l’auto-partage électrique pour les particuliers, qu’il renforce par des partenariats (avec le groupe Bolloré) ou des prises de participations (Koolicar*). Pour les professionnels, ses activités dans les flottes automobiles partagées devraient grimper de 10 000 à 100 000 véhicules en gestion d’ici à 2021…

 Un partenariat avec IBM et 300 millions de recettes attendues

Evidemment, tous ces changements de stratégie ne peuvent se passer de données comme de d’offensive marketing… « pour attirer les clients vers nos réseaux de réparation, vers nos sites internet, vers nos concessionnaires… », précise-t-il. En attendant d’autres nouveautés à venir, un partenariat a d’ores et déjà été signé avec IBM pour commercialiser les données « anonymisées » des clients dont le groupe dispose.

A lui-seul, ce partenariat pourrait lui rapporter 300 millions d’euros d’ici à 2021. Objectif ? Améliorer la vie des citoyens, améliorer le trafic… Par exemple, le groupe fournira au géant américain de l’informatique les données concernant le déclenchement de l’ABS dans ses véhicules, de façon à cartographier les carrefours « accidentogènes » en vue de revoir leur configuration par exemple. Des expérimentations seraient en cours à Nice et en Wallonie…

Enfin, pour aller encore plus vite sur tous ces sujets, numériques je veux dire, le groupe vient de créer un fonds d’investissement de 100 millions d’euros dédié à la mobilité, pour prendre position et venir en soutien des start-up (exemple : participation minoritaire dans Koolicar*).

Le constructeur annonce également son grand retour aux Etats-Unis pour mieux s’armer sur ces sujets. Carlos Tavares ne cache pas être en discussion avec des acteurs de l’auto-partage outre-Atlantique, sans citer de nom. « Nous allons y aller progressivement, de manière raisonnée, avec un plan à 10 ans et une nouvelle équipe. Nous allons commencer par être « opérateur de mobilité » (auto-partage) pour comprendre leurs habitudes, leur raisonnement… Ensuite, on vendra nos propres marques avec éventuellement un sourcing régional, si le succès est là en tant qu’opérateur. » Cette percée aux Etats-Unis pourrait se faire avec le groupe Bolloré, qui a d’ailleurs mis en service à Indianapolis à l’automne dernier les premières Bluecar électriques en libre-service (500 véhicules prévus à terme), première ville du continent américain à bénéficier du concept Autolib’ né à Paris…

Une nouvelle CDO, directement rattachée à Carlos Tavares

En conclusion, Carlos Tavares a basculé dans une toute autre dimension… « PSA, c’est tout simplement la liberté de mouvement, a-t-il lancé. Et nous sommes concentrés sur la capacité à offrir cette liberté ». Seul au centre de l’estrade devant un immense écran, sans cravate, micro à l’oreille, le PDG de PSA a surtout voulu montrer qu’il changeait d’ère dans un monde devenu très complexe… « Quelle sera la place de l’automobile dans la société européenne/occidentale dans dix ou vingt ans, c’est cela la vraie question, a-t-il reconnu. Et là, je n’ai pas la réponse… C’est aussi la raison pour laquelle nous retournons aux Etats-Unis pour voir ce qui s’y passe ».

PSA, qui vient d’ailleurs de faire appel à Brigitte Cantaloube de Yahoo pour tenir le poste de Chief Digital Officer (elle est directement rattachée à Carlos Tavares), vient définitivement de basculer dans le numérique. Car c’est en s’appuyant sur l’exploitation des données à grande échelle que le groupe pourra développer ses ventes en ligne, revoir son ingénierie et la production de ses véhicules comme introduire l’impression 3D dans ses usines…

* Créée en 2011 par Stéphane Savouré, Koolicar se différencie des autres acteurs de l’auto-partage grâce à un mini-boîtier située à l’avant du véhicule permettant à un utilisateur d’en prendre possession sans échange de clés avec son propriétaire.

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