Cybersécurité, talents et Data : 3 horizons stratégiques pour le Cigref

Nouvelle présidence pour le Cigref, et des préoccupations dans l’air du temps. L’organisation de DSI définit pour 2030 ses priorités stratégiques : la cybersécurité, les talents, la Data, mais aussi l’Europe.

A l’occasion de son Assemblée générale 2021, le Cigref a officialisé le nom de son nouveau président. Jean-Claude Laroche, DSI d’Enedis, succède donc à Bernard Duverneuil, le DSI d’Elior. Mais le rendez-vous annuel du club des DSI des grandes entreprises était aussi l’occasion pour celui-ci de lister ses grands horizons stratégiques.

Comme l’ancien premier ministre Edouard Philippe avec son nouveau parti Horizons, le Cigref se tourne donc vers l’avenir du numérique et l’échéance de 2030. Dans le cadre d’un travail prospectif, l’organisation explore quatre scénarios ou chemins de transformation. Et tous ne se révèlent pas idylliques.

Des horizons 2030 pour mobiliser et agir

« Far West, colonies digitales et cartels numériques » envisage ainsi un futur dominé par les géants du numérique – plus encore qu’aujourd’hui donc. Cette perspective n’a rien de forcément réjouissante pour des DSI pour qui le rapport de force avec ces multinationales tourne déjà à leur désavantage.

C’est d’ailleurs cette perspective sur laquelle choisit de revenir Jean-Michel André, le DSI du Groupe SEB. Les fournisseurs deviendraient ainsi d’ici à 2030 « les pourvoyeurs quasi exclusifs de solutions globales ». La conséquence de cette domination des « giga plateformes » : une remise en cause des entreprises traditionnelles et de leurs modèles économiques.

Mais leur impact s’étendrait au-delà, jusqu’à affecter le régalien. Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique, présent lors de l’Assemblée Générale du Cigref, est prévenu. Le membre du gouvernement opterait sans doute plus volontiers pour un second scénario dans lequel l’Europe s’affirme comme une puissance internationale.

Plus certainement qu’une année 2030 caractérisée par une Chine conquérante dans un monde bipolaire. Car entre ces deux camps subsiste l’Europe, mais une Europe « divisée, qui n’affirme pas sa troisième voie ». A ces dystopies, Cédric O répond par la nécessité pour les entreprises françaises de saisir les opportunités engendrées par la crise.

L’avènement de solutions digitales de confiance

Le ministre met en garde contre les erreurs du passé, à savoir l’après-crise de 2008. La pandémie est presque derrière nous, mais il exhorte à l’action. « Nous aurions tort de considérer que tout va bien. C’est maintenant que les choses se jouent. » Selon lui, 2008 nous renseigne sur la nécessité d’un redémarrage rapide et « la capacité à tirer profit des nouvelles technologies pour se projeter dans l’avenir. »

Les membres du Cigref ne l’ignorent pas. Ses entreprises définissent ainsi des priorités stratégiques, dont celle de la cybersécurité. Dans ce domaine, beaucoup reste encore à faire, reconnaît le DSI des Mousquetaires, Christophe Leray, qui se projette cependant dans un horizon cyber « apaisé ». Une perspective « illusoire » ?

« Au cigref, nous pensons qu’il est tout à fait atteignable », répond-il. « Il reste encore beaucoup à faire dans nos entreprises », mais c’est dans la lutte contre la cybercriminalité et « l’avènement de solutions numériques de confiance » que doivent s’accentuer les efforts. Un travail collectif serait pour cela nécessaire, souligne Christophe Leray.

La France et ses entreprises auront certainement aussi besoin de talents de la cybersécurité. Or, la pénurie persiste. Les talents constituent donc un second horizon stratégique pour le Cigref. Et la pénurie est couteuse, rappelle Corinne Dajon, DSI d’AG2R La Mondiale. L’impact de la crise des talents dans l’IT est évalué à 8,4 milliards d’euros en France.

Le numérique a besoin des femmes, plus que jamais

La concurrence est en effet « impitoyable » sur des profils comme la Data, le Cloud et la cybersécurité. Le Cigref appelle à agir le plus en amont possible dans la formation académique et tout au long de la chaine. Cela signifie « du primaire jusqu’à l’enseignement supérieur », sans oublier la formation professionnelle.

Un grand progrès cependant puisque écoles et universités s’efforcent aujourd’hui d’intégrer le numérique dans l’ensemble des cursus. Autre point positif, une meilleure prise en compte de « l’indispensable rééquilibrage entre hard et soft skills. » Pour autant, des failles persistent, au premier rang desquelles la féminisation.

« Nous ne pouvons pas nous passer de 50% de nos talents », déplore Corinne Dajon. « La mixité dans les métiers du numérique est un enjeu majeur pour la société de demain. Tout l’écosystème est concerné et nous devons travailler ensemble sur ce sujet », poursuit-elle. Cette coopération vaut également pour le domaine de la Data.

Data/IA : un chantier politique, économique et environnemental

Le Cigref s’associe ainsi, sur ce chantier stratégique, avec Numeum (ex-Syntec Numérique). Les deux partenaires s’allient pour peser sur les contours des futures réglementations européennes autour des données et de l’intelligence artificielle. Le témoignage de la DSI et CDO de Saur, Alice Guehennec, illustre en tout cas la nature stratégique des développements en IA, sur un plan économique notamment.

Pour l’entreprise spécialisée dans la production et la distribution d’eau potable, l’enjeu est aussi environnemental. Saur fait appel à des modèles prédictifs pour préserver cette ressource rare et réduire aussi la consommation énergétique de ses activités. « Nous avons construit une plateforme digitale d’entreprise qui met la donnée au cœur du système d’information », détaille Alice Guehennec.

« Par l’utilisation de la donnée, nous parvenons à prédire la consommation probable et donc à réguler la production. Cela permet d’optimiser le pompage fait de la ressource naturelle. C’est grâce à la Data et à l’intelligence artificielle que nous le faisons », illustre la DSI. Et bien d’autres cas d’usage sont déployés ou en préparation. Un signe supplémentaire de l’importance des enjeux autour de la Data et de l’IA pour les entreprises, y compris (ou surtout ?) traditionnelles.