Des coûts jusqu’à dix fois inférieurs aux formations classiques ; une efficacité accrue car les salariés suivent les cours, au moment opportun, au bureau ou à leur domicile ; une image innovante pour l’entreprise… Voilà les grandes promesses des Mooc (Massive open online course ou cours en ligne ouverts et massifs). Ce sigle est déjà sur toutes les lèvres des directeurs des ressources humaines et autres responsables formation des grands groupes français. Orange, BNP Paribas, Atos, ou encore Infosys, y ont déjà recours. Mais les angles d’approche, très variés, démontrent surtout un tâtonnement général des professionnels vis-à-vis de ce nouveau mode de formation. Car le Mooc est d’abord une idée d’universitaires.
Stanford et Harvard ont ouvert la voie
C’est l’université canadienne d’Athabasca qui utilise pour la première fois le sigle Mooc en 2008. De prestigieuses universités américaines popularisent ensuite le concept, dont Harvard et Stanford. En 2013, l’université française suit le mouvement. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche met en place France Université Numérique (FUN), une plate-forme spécifiquement dédiée aux Mooc, qui compte aujourd’hui 300 000 inscrits. Le principe est simple : un cours 100 % en ligne avec, pour colonne vertébrale, des vidéos de professeurs dispensant leurs enseignements. Ces vidéos ne sont pas filmées en direct, mais proposée de manière asynchrone. L’étudiant peut donc les visionner à son rythme, faire une pause, se les repasser… Des quiz et autres QCM viennent valider l’apprentissage, et permettent de passer à l’étape suivante du cours. D’autres outils pédagogiques complètent le dispositif, dont des forums où les étudiants peuvent communiquer entre eux ou poser des questions aux professeurs. Ces cours durent de six à dix semaines, à raison de deux à quatre heures de travail hebdomadaire. S’il passe toutes les étapes, les apprenants peuvent obtenir un certificat. L’accès aux cours est gratuit, seule la certification est payante, de l’ordre de quelques dizaines d’euros. Les Mooc ont aussi ajouté une dimension communautaire à l’enseignement en ligne classique. « L’ajout de principes communautaires inspirés des réseaux sociaux, dont la création d’une communauté d’apprenants qui s’entraide, est l’une des principales avancées des Mooc », explique Clément Lhommeau, vice-président Marketing de la société 360learning, plateforme de formation en ligne spécialisée dans les Mooc d’entreprise. Il est également auteur du livre « Mooc, l’apprentissage à l’épreuve du numérique », (éditions Fyp, 222 p., juillet 2014). La temporalité est également un atout, le contenu des cours est délivré de manière séquentielle et suit une scénarisation de la formation. Entre la dimension communautaire et cette temporalité, les Mooc ont réussi à recréer sur le Web l’expérience de la
Dans la même idée, la SSII Infosys propose depuis deux ans des Mooc universitaires d’Harvard à ses collaborateurs, complétés par des exercices réalisés par ses propres équipes. « Nous avons tourné des vidéos de quelques minutes dans nos studios, complétées par des forums, des quiz et des présentations Powerpoint », explique Laetitia Pfeiffer, digital innovation manager chez Infosys France. Ces formations permettent, à raison d’une à trois heures hebdomadaires, d’acquérir une certification sous forme de points valorisée au niveau RH pour peu que le salarié ait visionné 70 % des cours et obtenu a minima 70 % à l’examen final », poursuit la responsable. Les Mooc sont également des outils de communication externe. Exemple emblématique, celui de BNP Paribas. De mars à juin 2014, le groupe bancaire français a proposé un Mooc ouvert à tout public sur la norme Sepa (Single Euro Payments Area), cette initiative qui vise à uniformiser les moyens de paiement en euros entre pays européens. Ce cours s’adressait aux professionnels de la finance, de la comptabilité ou à un simple internaute curieux. « Nous souhaitions rendre plus attractive la problématique Sepa, qui demeure assez complexe », explique Cindy Abeillon, chef produit Sepa et principale intervenante sur ce Mooc. Un peu plus de 1 600 participants ont suivi ses cours. « Nous souhaitions aussi démontrer que nous sommes une entreprise innovante », poursuit-elle. BNP Paribas a réalisé les vidéos dans ses locaux, avec une simple caméra. Pour le reste, et notamment l’hébergement des contenus, elle a fait appel à Neodemia, plateforme de cours en ligne, spécialisée dans les Mooc d’entreprise. « Ce fut un galop d’essai concluant. Nous allons sans doute renouveler l’expérience, et probablement proposer les Mooc pour notre formation interne. D’ailleurs, environ 20 % des participants à notre Mooc Sepa étaient des employés de BNP Paribas », conclut-elle. Le budget pour un tel Mooc s’est chiffré en quelques dizaines de milliers d’euros.

Orange propose gratuitement à tous un Mooc pour apprendre le code. De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui gérait depuis un an France Université Numérique (FUN), s’apprête à déléguer la gestion de la plate-forme à un groupement d’établissements de l’enseignement supérieur.
La tendance aux Mooc hybrides
Internes ou externes, la dernière tendance serait les Mooc hybrides. C’est le cas d’Orange et son Mooc « Devenir Web Conseiller », pour apprendre, en quatre semaines, les bases de ce métier. « Nos Mooc s’adressent à nos salariés et aux internautes qui peuvent ainsi s’entraider. Nos formations s’enrichissent grâce à ces échanges, explique Ludovic Guilcher, directeur adjoint RH chez Orange. Tous les sujets ne se prêtent pas forcément au Mooc et je n’imagine pas de passer 100 % de nos formations sur ce modèle. Mais, pour tout ce qui touche au digital, c’est un outil innovant et ludique, donc attractif », précise-t-il. S’il en coûte entre 60 000 et 100 000 euros pour monter ce type de Mooc sur quatre semaines ; en format classique, ce budget permettrait de réaliser une seule journée de formation pour 300 personnes.
Actuellement, et de l’avis de tous, les Mooc d’entreprise sont encore à l’état embryonnaire et de nombreuses adaptations restent encore nécessaires. Pour aider les entreprises à se lancer, des sociétés de formation se spécialisent (360learning, The Mooc Agency, Neodemia, Coorpacademy…). « Sur l’ensemble des demandes, un tiers concerne des projets Mooc que nous réalisons sur mesure pour le compte d’entreprises, qu’il s’agisse de Mooc internes ou externes », conclut Clément Lhommeau.