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Marine de Bouchony (CNP Assurances) : « Pour améliorer l’expérience client, il faut casser les murs de l’entreprise »

>> Cet article est issu du Guide guide pratique « Les organisations à l’épreuve des défis cachés de l’expérience client et usager » disponible sur notre page dédiée aux défis de la relation client et usager.

Marine de Bouchony est directrice de l’expérience client chez CNP Assurances. Après avoir participé au comité éditorial qui a permis d’orienter la création de ce guide Le Numérique en Pratique, elle revient pour nous sur les enjeux actuels de son entreprise.

Comment résumeriez-vous le contexte actuel pour CNP Assurances, en termes de transformation de l’expérience client ?

Marine de Bouchony (CNP Assurances)

Marine de Bouchony (CNP Assurances)

Réactivité, qualité de bout en bout malgré des canaux multiples, justesse des messages… Les grands enjeux de l’expérience client sont les mêmes pour tout le monde aujourd’hui. Toutefois, les réalités des entreprises leur donnent une teinte différente selon les activités. Notre spécificité chez CNP Assurances est notre modèle « BtoBtoC » avec une grande diversité de partenaires. Pour nous, la question est clairement : comment répond-on aux attentes des clients et à leurs nouveaux comportements quand on interagit avant tout avec les partenaires distributeurs ?

De plus en plus d’entreprises mènent des réflexions sur comment mieux inclure et animer leur écosystème dans le cadre de l’expérience client, alors qu’elles se transforment en « plateforme », mais pour nous, c’est une problématique cœur depuis le début. Le modèle d’hier où seul l’intermédiaire apportait des réponses et des solutions relationnelles évolue. Et donc, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce que cela implique dans la façon de concevoir nos offres et services. L’expérience client d’aujourd’hui se joue jusque dans les back-offices : c’est l’ensemble des contributeurs de la chaîne de valeur qui peut être sollicité, parfois directement par un client ou en proactivité pour débloquer une situation complexe : les contacts du « front » client ne peuvent délivrer à eux seuls toute l’essence de la promesse compte tenu des attentes client de plus en plus exigeantes en termes de réactivité, d’autonomie et de compréhension.

Avez-vous un exemple de ce que cela implique comme changement en interne dans votre organisation ?

Guide Numérique en pratique Relation client Cela implique des changements de fond et en même temps une grande agilité pour faire face au contexte. Par exemple, lors du premier confinement pour cause de crise sanitaire en 2020, nous avons mobilisé en quelques jours une équipe pluridisciplinaire de collaborateurs volontaires issus de différentes structures de l’entreprise, afin de réaliser des appels sortants et rassurer certains de nos clients en forte demande d’accompagnement. L’évolution du métier du back-office constitue également un bon exemple. Cela concerne notamment nos centres de gestion de la relation client, qui font beaucoup plus que du traitement de flux de « dossiers ».

Ces collaborateurs doivent dorénavant être en mesure de prendre en compte la situation particulière et émotionnelle du client qui se cache derrière la notion de « dossier » ; ils en viennent à échanger directement avec le client si nécessaire pour expliquer par exemple pourquoi telle ou telle pièce est attendue, pour faciliter l’adoption des outils en ligne, pour prendre le relais du chargé d’accueil téléphonique en cas de complexité avérée, alors que, par le passé, ils étaient dissimulés derrière le distributeur, qui était le relais pour toutes les demandes. Cette évolution permet de supprimer certaines frictions et notamment celles dues aux délais de résolution, qui ne satisfaisaient ni le client, ni le partenaire distributeur, ni nous-mêmes ! En parallèle, les équipes de la direction des ressources humaines appuient l’évolution des métiers, grâce à des dispositifs de formation aux postures de la relation client et à la gestion du contact, car interagir en direct avec un client dans un moment émotionnellement difficile peut être complexe à gérer.

« Beaucoup d’entreprises sont organisées verticalement dans un but d’excellence opérationnelle…. Or, le parcours du client est lui tout à fait horizontal… Nous devons faire émerger une vision matricielle qui intègre cette réalité. » Cliquez pour tweeter

A-t-il fallu repenser la façon globale dont votre entreprise est organisée pour accompagner cette montée en puissance de votre implication directe dans l’expérience client ?

Il y a un point précis sur lequel j’essaie de faire changer notre regard en termes d’organisation, c’est celui qui implique de « casser les murs » de l’entreprise. Beaucoup d’entreprises sont organisées verticalement selon leurs activités et leurs processus, dans un but d’excellence opérationnelle. Il y a donc des divisions naturelles qui sont autant de silos verticaux. Or, le parcours du client est lui tout à fait horizontal et traverse différents processus verticaux tout au long de la vie du client. Il passe d’un processus à un autre, comme la souscription, le traitement d’une opération administrative, l’assistance technique sur des outils de selfcare, la gestion d’une insatisfaction, etc. On ne peut pas le canaliser et le bloquer sur une seule activité ou un seul vertical ! Comment réconcilier ces deux états de fait ? Nous devons faire émerger une vision matricielle qui intègre cette réalité. Ce nouveau regard nourrit les nouveaux parcours que nous créons, complémentaires de ceux qui existent déjà.

Comment faites-vous ?

Nous définissons par exemple des parcours vécus du point de vue du client, en montrant toutes les activités qui sont touchées. Ainsi, organiser une réponse organisationnelle à l’attente client très globale, peu définie au départ, qui est « J’ai besoin d’aide », implique de coordonner différents processus. Et nous travaillons à valoriser cette transversalité en mettant côte à côte des indicateurs qui ne coexistent pas habituellement, comme le délai de traitement des demandes, le nombre de sollicitations qu’il y a sur le selfcare par ailleurs, la note de satisfaction (NPS, CES, SAT), le nombre de collaborateurs formés à la posture client… Cela permet de faire des liens entre des sujets qui n’étaient pas toujours rapprochés par le passé car observés souvent par chacun dans sa propre activité. Cela implique donc de communiquer et de faire travailler ensemble les différents acteurs concernés dans l’entreprise. Je pense que le rôle d’un responsable de l’expérience client est d’ailleurs largement de faciliter ces interactions.

Votre système d’information facilite-t-il une telle organisation matricielle ?

Comme beaucoup d’organisations, nous sommes face au défi que représente un système d’information construit avec le temps. Pour servir une vision client unique et transversale, il faut organiser une plateforme qui permette de réunir des données de natures différentes. Plus précisément, je vois deux types de données primordiales dans nos travaux actuels : les données de type « événement », au sens des contrats et opérations qui nous lient avec les clients et qui sont le reflet des étapes de nos processus de traitement ; et les données « interactions », qu’elles soient chaudes ou froides, c’est-à-dire tous les contacts qu’il peut y avoir en entrée comme en sortie avec le client.

La valeur que nous cherchons vient de leur rencontre. C’est à partir de là que l’on peut apporter de la fluidité et de la précision dans le parcours client. Nous devons notamment identifier les événements qui sont ressentis comme importants par le client. Avec une complexité supplémentaire dans notre modèle BtoBtoC : cette démarche doit évidemment inclure nos partenaires distributeurs. L’idée est donc de concevoir des partages des données via un catalogue d’API, pour ouvrir notre système d’information à toutes les parties prenantes de la relation client, en exposant des données fraîches et de qualité. Ainsi, le client d’une banque partenaire peut consulter en temps réel, sur le site de la banque, le résultat d’une opération sur son contrat d’assurance qui vient d’être traitée par l’un de nos collaborateurs quelques minutes auparavant… C’est tout le sens de l’expression « sans couture » dans un modèle BtoBtoC !

Émission « Alliancy Inspiration » : Comment relever les défis de la relation client en 2021 ?

Dans cette émission Alliancy inspiration, Marine de Bouchony, partage sa vision et ses retours d’expérience sur les défis de la relation client dans une organisation BtoBtoC, telle que CNP Assurances, au côté de Fabrice Dumans, directeur secteur public, de ServiceNow.