Pôle EMC2 : « L’innovation collaborative est indispensable, plus personne ne peut s’en passer. »

François Paynot, directeur Airbus Nantes et président du Pôle EMC2 et Laurent Manach, directeur général du pôle, reviennent pour Alliancy sur l’importance de l’innovation collective en cette période de crise sanitaire, indispensable pour relever des défis clés pour la compétitivité industrielle française.

Alliancy. Qu’est-ce que la crise a changé pour un pôle comme EMC2 ?

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François Paynot, directeur Airbus Nantes et président du Pôle EMC2

François Paynot. Avec la crise que l’on traverse, le collaboratif est vraiment devenu essentiel. Comme une sorte de valeur refuge par rapport à ce que nous avons tous vécu, et ce dès mars 2020 et dans les mois qui ont suivi… Nos adhérents ont tous vu l’intérêt de se retrouver au sein du pôle, d’avoir des espaces d’échanges informels, d’être ensemble. Y compris au niveau du bureau exécutif du pôle, nous nous sommes réunis très fréquemment au début de la crise, chaque semaine.

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Pour les chefs d’entreprises, le pôle est un espace de ressourcement où l’on peut partager ses difficultés et interrogations, l’idée étant d’identifier ensemble des pistes de solutions ou, au moins, de constater que la situation est globale et non unique pour chaque entreprise.

Comment cela s’est-il traduit par exemple ?

François Paynot. Les webinaires que nous avons lancés dès le début de la crise ont vu leur nombre de participants augmenter. Il y avait un vrai besoin de partage d’informations. Mais, de manière plus générale, autour de la notion d’innovation ou de modernisation de l’outil de production, les entreprises, notamment de petite taille, ont besoin de le faire de manière collective. Pour des questions de coût et de temps gagnés.

Pour le pôle, qu’est-ce que cela a changé en termes de vision ?

François Paynot. Un pôle de compétitivité, comme le pôle EMC2, au-delà de faire réseau et de mieux collaborer ensemble, a aussi vocation à essayer de dresser un cap dans la crise et essayer d’attirer autour de ce cap, un certain nombre d’entreprises qui ont besoin de se retrouver du fait de cette crise. C’est pourquoi, très rapidement, nous avons décidé de lancer un manifeste autour de l’industrie écoresponsable. Un manifeste, dont les idées avaient germé auparavant autour de valeurs que nous souhaitions porter, mais qui trouvaient encore plus d’écho en 2020. Notre idée a donc été d’accélérer, de fédérer et d’attirer autour de ce manifeste.

Comment avez-vous procédé ?

François Paynot. Ce manifeste a été lancé avant l’été 2020, de manière très ouverte à l’ensemble de nos adhérents, mais aussi au-delà. Il tourne autour de cinq axes :

  1. Une industrie sobre et écologiquement respectueuse pour répondre aux enjeux environnementaux.
  2. Une industrie qui positionne l’humain au cœur de ses préoccupations pour répondre aux enjeux sanitaires et sociétaux.
  3. Une industrie efficiente, résiliente et innovante pour répondre aux enjeux de la compétitivité et de la concurrence.
  4. Une industrie résolument collaborative et solidaire pour accompagner les territoires et les filières.
  5. Une industrie stratégique pour répondre aux enjeux de souveraineté.
François Paynot (Airbus) : « De manière générale, les entreprises ont une envie ou un besoin de collaborer ! On le ressent fortement. » Cliquez pour tweeter

Ces cinq thèmes font partie du plan stratégique pluriannuel « Spirit 2025 » du pôle, dont l’objectif est de devenir d’ici à 2025 un super pôle industriel de recherche et d’innovation technologique. Pour autant, avec la crise, nous avons fait ce manifeste, ouvert à l’extérieur, pour drainer justement un public plus large que nos adhérents et aller chercher également, sur les thématiques que nous souhaitons formaliser, le soutien d’acteurs locaux comme la Métropole de Nantes, les Régions Bretagne et Pays de la Loire… ou des réseaux à l’échelle nationale comme France Industrie, La French Fab… Avec ce manifeste, nous voulons faire converger les idées de manière un peu systématique et vérifier que nous sommes bien dans l’axe environnemental, l’axe humain… Il faut redonner du sens à l’action collective, y compris sur des questions technologiques. Ensemble, nous abordons des sujets aussi divers que la 5G, la compétitivité industrielle ou la souveraineté européenne.

Quelle est votre méthodologie pour avancer désormais ?

François Paynot. Nous avons organisé le 7 octobre dernier, pour nos adhérents et la centaine de signataires de ce manifeste, une journée de lancement de nos actions, qui visait à dresser un certain nombre d’idées à tirer des différents axes du manifeste. Des idées que l’on développe aujourd’hui, sous forme de groupes de travail ou d’actions… Par exemple, nous souhaitons développer une filière de recyclage du thermoplastique dans l’aéronautique sur le territoire. Autour de l’humain également, nous lançons un certain nombre d’initiatives pour favoriser l’inclusion du handicap, ou se rapprocher d’institutions qui aident les demandeurs emploi et les reconversions. Nous nous rapprochons aussi de la Fondation Agissons pour l’emploi avec qui nous voulons développer un certain nombre d’initiatives dans ce domaine. On va organiser en 2021 de nouvelles journées de travail autour de ce manifeste pour creuser d’autres axes de ce manifeste.

Les relations interentreprises évoluent-elles ? En quel sens ?

François Paynot. Au départ, nous avons lancé ce manifeste. Sur le 2ème semestre, la mobilisation a été très forte autour des appels à projets pour la modernisation de l’outil industriel. Là, le pôle prend tout son sens, car nous sommes là pour accompagner les entreprises, les aider à monter des projets et les accompagner pour trouver les bons financements. Nous sommes la porte d’entrée à un certain nombre d’outils, comme l’est l’IRT Jules Verne (le futur de vos usines), pour sortir plus forts de la crise et plus compétitifs, en développant des technologies, des produits futurs… De manière générale, les entreprises ont une envie ou un besoin de collaborer ! On le ressent fortement.

Est-ce le cas d’Airbus ?

François Paynot. Bien entendu. Airbus réfléchit par exemple, dans ses perspectives, à décarboner l’aviation. Le groupe a donc lancé un certain nombre de démonstrateurs et étudie toutes les technologies qui permettront d’aboutir à l’avenir à un avion vert… Pour y parvenir, la notion d’écosystème autour de nos différentes usines de la région est essentielle. Elles ont besoin d’avoir des partenaires qui, soit proposent les technologies disruptives ou les produits de demain, soit font germer, à travers la collaboration, de nouveaux champions qui permettront à terme pour nous tous d’avoir une Supply Chain solide. C’est la raison pour laquelle des groupes comme Airbus ou les Chantiers de l’Atlantique participent activement au pôle EMC2 ou à l’IRT Jules Verne, pour développer cet écosystème collaboratif d’innovation et générer les technologies, les compétences ou les champions dont nous avons besoin et qui ne sont pas disponibles en interne.

Cette logique d’écosystème, inhérente à votre fonctionnement, a-t-elle évoluée depuis la création des pôles il y a 15 ans ?

Laurent Manach, directeur général du pôle EMC2

Laurent Manach, directeur général du pôle EMC2

Laurent Manach. Cette crise que nous traversons est la deuxième crise sérieuse après celle de 2008. Et mon sentiment aujourd’hui est que les entreprises les plus agiles et dynamiques ont déjà saisi tout l’intérêt de passer par des structures tierces pour les aider à gérer leurs compétences externes. Le pôle présente de bons résultats en 2020, car nous nous sommes très rapidement repositionnés pour faire face à la crise.

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Un indicateur : nous avons conservé le même nombre d’adhérents qu’en 2019, avec une cinquantaine de renouvellement. Toutefois, ce que l’on ressent davantage aujourd’hui, c’est l’opérationnalité ! Les entreprises attendent de notre part un service cadencé, du flux… Il faut que chaque dirigeant ait l’impression au quotidien d’obtenir des réponses. A nous ensuite de leur expliquer qu’ils doivent faire un travail sur leur feuille de route stratégique, sur leur capacité à monter des projets ou à comprendre des technologies, etc.

C’est du gagnant-gagnant, est-ce bien cela que vous voulez dire ?

Laurent Manach. Toute entreprise doit avoir dans sa stratégie une innovation collaborative… Qui n’a pas besoin de l’effet de levier financier, de technologies innovantes et de réseaux professionnels ? L’innovation collaborative est indispensable, plus personne ne peut s’en passer. Et c’est du gagnant-gagnant si les adhérents du pôle sont constitutifs de l’écosystème. Chacun apporte quelque chose qui sert à l’ensemble. C’est cela la richesse d’un pôle, qui fait office d’intermédiation. Nous sommes le liant, le tiers-lieu, l’espace de neutralité… Et il y en a besoin pour que ça marche. Tout le monde ici est en quelque sorte sur un pied d’égalité, de la PME au grand groupe tel Airbus, Daher ou Boeing, également adhérent de notre pôle. La stratégie de ces grands groupes également évolue. Au sein du pôle, ils cherchent à faciliter, fluidifier la relation avec les « petites » entreprises, avec lesquelles ce n’est pas toujours simple… Cela passe par des tests, la réalisation de POC, des Learning Expeditions, du partage d’informations, etc. L’intérêt de ces échanges étant qu’au final, tout le monde sait ce que chacun attend ou recherche. Et c’est particulièrement important en cette période de crise, pleine d’incertitudes.

Quels sont vos objectifs d’ici à l’été prochain ?

Laurent Manach. D’ici à l’été, nous souhaitons simplifier notre offre de services, de manière à embarquer un maximum d’entreprises. En termes d’actions, mais aussi de facturation et relations contractuelles. Une entreprise a besoin de méthodologies pour gagner du temps dans sa prise de décision… et c’est exactement ce que nous voulons et pouvons lui apporter. Au-delà de l’adhésion, les entreprises deviennent aussi des clients

Qu’est-ce que le Pôle EMC2 ?

EMC2 est le pôle de compétitivité européen des technologies de fabrication. À travers des projets d’innovation collaborative, il accompagne start-up, PME, ETI, grands groupes et académiques vers du « produire mieux, propre, demain et ensemble ».

– 396 adhérents

– 650 projets labellisés

– 349 projets financés

– 2,56 milliards d’euros de budget global de R&D

– 1,69 milliard d’euros de financement (dont 748 millions d’euros de financement public)