[Tribune] Une bonne stratégie de gestion de données n’incombe pas à l’IT mais à la direction générale

Lorsque l’efficacité et la productivité d’une entreprise est réduite à cause de ses silos de données, il est temps d’adopter une stratégie globale de gestion des données beaucoup plus audacieuse, explique Hannes Weissensteiner, Managing Partner Dach chez Artefact.

Hannes Weissensteiner, Managing Partner DACH chez Artefact

Hannes Weissensteiner, Managing Partner DACH chez Artefact

Malheureusement, la gestion de données en silos est encore trop généralisée dans les entreprises. Ce mode de fonctionnement accapare les ressources, épuise les collaborateurs et constitue l’obstacle le plus important à leur transformation digitale. Près de la moitié (47 %) des spécialistes du marketing estiment que leurs données sont cloisonnées et difficiles d’accès. C’est un constat connu de tous les dirigeants, mais alors pourquoi les entreprises persistent à compartimenter les données ?

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Il est facile d’analyser les conséquences du cloisonnement des données, mais identifier les véritables causes est beaucoup plus complexe. La présence de silos de données dans les entreprises est d’ordre purement technique, par conséquent ce problème peut être résolu tout simplement par la technologie.  Cependant, la source du problème est plus insidieuse et se révèle être de nature politique. Les silos apparaissent généralement au sein des différents départements de l’entreprise, et les managers de ces mêmes départements finissent par en devenir, sans le vouloir, les premiers défenseurs. Nous le savons tous, les données sont devenues de l’or pour les entreprises, elles sont une source de pouvoir et donnent du sens à chacun. De fait, si ces données peuvent être partagées librement et facilement dans toute l’entreprise, la crainte qu’un département perde sa « raison d’être » se manifeste.

C’est pour cela qu’une entreprise peut en venir à aimer et à dépendre de ses silos de datas, peu importe à quel point cela peut nuire à ses résultats. C’est évidemment une attitude qu’il faut abandonner rapidement ! Ces problèmes ne sont pas le résultat de quelques « mauvais » acteurs, ils sont avant tout structurels et inhérents à l’organisation même de l’entreprise. Pour les résoudre, un véritable changement culturel à tous les niveaux de l’entreprise s’impose.

Le pouvoir d’insuffler ce changement ne peut venir que de la direction générale et, plus que quiconque, du PDG lui-même. Ensemble, ils doivent activement briser les cloisonnements et instaurer une culture d’intégration et de prise de décision basée sur les données au sein de l’entreprise. La clé de tout cela est d’avoir une stratégie, globale et complète, en matière de gestion de données. Il faut mettre en place une vision unifiée et novatrice sur la manière dont les données doivent être gérées et à quoi elles serviront – car suivre l’approche déjà existante ne fera que conduire aux mêmes problèmes, malgré les efforts fournis.

Gestion et exploitation des données

La stratégie parfaite en matière de données n’existe pas. Chaque situation est unique et il n’existe pas d’approche standard qui profiterait à toutes les organisations. Toutefois, quelle que soit la voie choisie, il faut s’assurer que cette dernière soit fiable sur le long terme. En règle générale, un Directeur Exécutif reste à son poste un peu plus de cinq ans en moyenne. Cela lui donne un délai très court pour avoir un réel impact, il faut donc mettre en place une stratégie de données pensée et conçue pour durer.

Bien que les méthodes diffèrent, il existe plusieurs approches  que les entreprises doivent envisager. Tout d’abord, il est pertinent d’entreprendre une évaluation approfondie des données et de la technologie présente dans l’entreprise. Cet audit permettra d’identifier où se situent les zones problématiques et les leviers potentiels d’efficacité. L’enrichissement des données, et l’accent mis sur la qualité, ainsi que sur les First-party data, peuvent améliorer à la fois la précision et l’efficience des décisions business.

Mais il faut garder en tête que l’amélioration de la gestion des données ne fait pas tout. Une fois que l’entreprise a démantelé ses silos et qu’elle peut accéder à des tonnes de données de haute qualité, elle décide de ce qu’elle va faire de tout cela. L’utilisation des données doit faire partie de cette stratégie de gouvernance.

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Les acteurs ont tendance à collecter des données de tous types, souvent sans finalité précise. Au fur et à mesure que la technologie se développe, de nouveaux cas d’utilisation apparaissent, ce qui signifie que certaines données collectées par le passé, sans but précis, pourraient se révéler utiles et rentables à l’avenir. Mais cette stratégie peut être risquée. La collecte de données en masse peut en effet s’avérer payante un jour, mais il est presque certain que l’entreprise sera confrontée à d’importants silos à terme et à un vaste réservoir de données de faible valeur avant cela. De manière générale, il est préférable de se concentrer sur la qualité des données plutôt que sur leur quantité.

Dans l’environnement économique actuel, les stratégies de données se doivent d’être audacieuses. Il faut viser haut et prévoir l’utilisation des derniers outils d’Intelligence Artificielle et d’analyses afin de permettre d’identifier les tendances et opportunités. Pourtant, trop de directions s’enlisent dans des problématiques de règles et de normes. Il est évident qu’une entreprise ne doit jamais enfreindre les réglementations en place concernant les données, mais elle ne peut pas non plus se laisser paralyser par la peur. Elle doit, au contraire, avoir confiance en ses décisions et exploiter les données au maximum de leur potentiel.

Le changement vient de l’intérieur

Faire appel à un consultant, ou un partenaire technologique, extérieur peut offrir une expérience précieuse et un regard neuf. Ils peuvent apporter une grande valeur ajoutée à un projet d’intégration ou de transformation digitale et data, mais, in fine, le changement doit venir de l’intérieur d’une entreprise, et non d’acteurs externes. La volonté de changement et l’audace, doit être présente dès les balbutiements du projet.

Les silos de datas dans une organisation traduisent le manque de leadership, la difficulté à se lancer dans une stratégie cohérente en matière de données, et à engager les changements culturels nécessaires. Les responsables actuels ne peuvent pas être tenus responsables des errements de leurs prédécesseurs, mais ils doivent cependant relever les défis qui se présentent à eux.

Aujourd’hui plus que jamais, l’heure est au leadership audacieux en matière de stratégie et de gouvernance des données !