« Nous sommes en capacité d’animer l’écosystème du numérique en France »

Véronique Torner, la nouvelle présidente de l’association professionnelle Numeum, élue le 15 juin dernier pour un mandat de trois ans, expose ses priorités et revient sur sa 1ère journée officielle, passée sur le salon VivaTech la semaine dernière. Entretien.

Alliancy. Votre première sortie officielle s’est faite sur le salon VivaTech la semaine dernière. Quelles ont été vos impressions ?

Torner-Véronique

Véronique Torner, entrepreneure et membre du comex du groupe Smile, a été élue à la présidence de Numeum le 15 juin, pour un mandat de trois ans.

Véronique Torner. Cette première sortie a été très dynamisante et enthousiasmante ! VivaTech, en tant que grand RDV de l’innovation, permet des rencontres sympathiques dans l’univers des start-up et des grands groupes. Ce fut aussi l’occasion de croiser un grand nombre de nos adhérents, délégués régionaux et partenaires comme Business France sur l’export ; ou l’Inria, l’IMT et de nombreuses start-up sur Planet Tech’Care… Beaucoup étaient des acteurs académiques, comme les pôles de compétitivité, avec lesquels nous devons continuer à collaborer activement.

De plus, ce 16 juin au matin, il y avait le lancement de « Je choisis la French Tech », une très belle initiative dont Numeum est partie prenante parmi d’autres. Cela a été l’occasion de revoir tout un écosystème d’acteurs avec qui j’ai déjà travaillé sur d’autres thématiques (Impact PME)…

Cette visite fut donc un bon résumé de tout ce que peut faire Numeum… Ce partenariat très concret avec la French Tech est dans la continuité des actions que nous portons pour les start-up, avec toujours ce prisme de l’accès aux marchés, telle notre websérie  BizKitchen by Numeum, lancée il y a deux ans et animée par Catherine Barba, qui donne les meilleures recettes business entre les startups et les grandes entreprises… C’est aussi pour cette raison qu’à l’automne prochain, nous nous sommes engagés à organiser l’évènement « Numeum Camp » qui réunira une centaine de start-ups et grandes entreprises.

A noter aussi que cette journée s’est clôturée par l’allocution de la Première ministre Elisabeth Borne, qui a lancé le programme « Tech pour toutes » pour promouvoir l’égalité femmes-hommes dans les métiers de la Tech. Un programme, dont l’animation est confiée à la Fondation Inria, mais qui nous concerne car il vise à accompagner 10 000 jeunes femmes d’ici à 2026 souhaitant commencer ou poursuivre des études supérieures dans le numérique.

Numeum porte la voix de 2 500 entreprises réalisant 85 % du chiffre d’affaires du marché du numérique en France, estimé à 60,9 milliards d’euros en 2022 pour un total de 600 000 emplois directs. Cliquez pour tweeter

Alliancy. Nous venons de parler féminisation, numérique responsable… Aujourd’hui, pour Numeum, quelles sont vos priorités ?

Véronique Torner. Le numérique responsable, que ce soit en matière d’inclusion, de confiance et d’environnement, est l’un des piliers stratégiques de notre engagement. C’est un virage que nous avons pris depuis plusieurs années et, pour ma mandature, cela restera prioritaire.

Ce que je retiens de ces dernières années, c’est la très belle croissance de notre organisation en nombre d’adhérents. Ces efforts importants font qu’aujourd’hui Numeum est un acteur de premier plan dans le secteur du numérique en France, à la fois en terme de représentativité et des métiers que ce soit les éditeurs, les entreprises de services et de conseil, les grandes plateformes… Nous comptons dans nos rangs des acteurs régionaux, nationaux et internationaux, avec des communautés très actives sur des thématiques spécifiques comme la santé, l’open source ou la sécurité.

Aussi, en tant qu’acteur de premier plan et incontournable, notre enjeu prioritaire pour les trois prochaines années est de porter un projet d’impact. Nous devons avoir ce rôle fédérateur et embarquer tout un écosystème d’entreprises. Nous devons aussi être un acteur attractif en termes de métiers, pour attirer les jeunes et donner envie à tous ceux qui sont en activité ou qui ont décroché de se reconvertir vers le numérique…

On veut aussi être influent ! Nous avons un travail concret à mener sur tous les chantiers de régulation sur notre secteur qui se passe au niveau européen, mais français également. Il faut que ces lois aillent dans le bon sens… et promeuvent une innovation responsable. Il y a un curseur à poser entre innovation et régulation.

Alliancy. Vous partagez donc les propos du Président Emmanuel Macron revenant sur l’importance de ne pas freiner l’innovation par la régulation ?

Véronique Torner. Absolument. Il y a un équilibre à trouver entre soutenir l’innovation et lui donner un cadre responsable, qui doit nous permettre de respecter nos règles et nos valeurs. L’Europe doit avoir un cadre pour agir.

Alliancy. A ce sujet, avez-vous une réaction sur la présence d’Elon Musk à VivaTech, dont l’entreprise Twitter est volontairement sortie du cadre réglementaire européen

Véronique Torner. Chez Numeum, nous nous inscrivons clairement dans une démarche de respect des règles et de nos valeurs. Après, sur la venue de tels entrepreneurs internationaux, c’est bien d’engager des échanges et de leur partager notre point de vue. Elon Musk est le bienvenu en France, mais nous avons une vision de l’innovation et du numérique qui s’inscrit dans une trajectoire de responsabilités. Après, nous savons tous qu’Elon Musk est un personnage clivant, d’où l’importance d’affirmer nos convictions.

Alliancy. La place des femmes dans la Tech est un sujet majeur aujourd’hui. Vous prenez la tête de Numeum, au même moment qu’Elisabeth Moreno prend celle de Femmes@Numérique… Pensez-vous que les actions menées jusqu’ici étaient les bonnes ou faut-il revoir toute la stratégie à ce sujet ?

Véronique Torner. C’est vrai que les actions pour attirer les femmes vers nos métiers ne sont pas concluantes. Il y a eu beaucoup de progrès réalisés, mais les résultats ne sont pas significatifs, voire parfois ils baissent… Début juillet, nous organiserons d’ailleurs un grand séminaire de travail avec nos délégations régionales à ce sujet. Sur les trois prochaines années, je pense que nous allons concentrer nos actions sur le thème de la reconversion et chaque association prendra un axe pour le travailler à fond et faire émerger des rôles modèles. Ce peut être la formation initiale, l’information des jeunes en collèges-lycées, etc.

Alliancy. D’autres thèmes pourraient-ils bénéficier d’une telle approche « répartie » ?

Véronique Torner. Ce que l’on a fait sur Planet Tech’Care va dans ce sens et était assez innovant à l’époque. Trois ans après, ce sont 60 associations qui sont rassemblées autour d’une plateforme d’actions  collectives et chacune choisit ses actions en fonction de ses centres d’intérêt… Numeum peut être ce « hub » qui réunit tout le monde en gardant l’ADN des uns et des autres, avec toujours mon obsession du passage à l’échelle. Nous avons la légitimité pour être chef de file pour l’écosystème et porter cette responsabilité.

Alliancy. C’est ainsi que vous êtes vus également par les acteurs publics ?

Véronique Torner. Oui, nous sommes vus comme un acteur incontournable. Mais, pour autant, nous devons mieux travailler notre positionnement dans les régions, où nous comptons 50 % de nos adhérents. Il y a un maillage qui est encore à faire pour avoir plus de proximité avec tous les acteurs, que ce soit à l’échelle locale, nationale ou européenne.

Alliancy. Comment vous situez-vous à l’échelle européenne ?

Véronique Torner. Nous devons amplifier notre action à l’échelle européenne. Certes, nous disposons d’un bureau à Bruxelles depuis juin 2020 avec une équipe en place et nous sommes en contacts réguliers avec nos homologues allemands et belges… Michel Combot, notre nouveau délégué général, vient aussi d’intégrer le board de DigitalEurope. Mais tout cela est à renforcer…

Notre volonté aujourd’hui est d’agrandir nos différentes communautés. Il faut poursuivre notre développement dans un objectif de passage à l’échelle. Et, pour y parvenir, il faut qu’on se rassemble. Avoir un écosystème bouillonnant, mais trop atomisé, c’est handicapant sur des sujets aussi majeurs que le numérique aujourd’hui.