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Benjamin Bergeron (Atos) : « Nous avons mis en place un prix interne du carbone »

Le Responsable du Programme Environnemental d’Atos revient sur les différentes composantes de la stratégie de réduction de l’empreinte carbone du spécialiste international de la transformation digitale.

Benjamin Bergeron, Responsable du Programme Environnemental du Groupe Atos

Benjamin Bergeron, Responsable du Programme Environnemental du Groupe Atos

Alliancy. Atos est neutre en carbone depuis 2018, en compensant l’intégralité de ses émissions opérationnelles. Quelles actions mettez-vous en place pour y parvenir ?

Atos est effectivement neutre en carbone depuis 2018 sur son périmètre opérationnel, c’est-à-dire sur les émissions de CO2 que l’entreprise a sous son « contrôle direct » ou son « influence directe ». Cela concerne le scope 1, à savoir les émissions liées aux énergies fossiles, les gaz frigorigènes utilisés dans les cooling systems et la flotte de véhicules qui est sous notre responsabilité.

Dans notre périmètre opérationnel, nous avons aussi le scope 2, qui comprend toutes les consommations d’électricité, les réseaux de chaleur et au sein du scope 3, les déplacements professionnels.

Par quels types de compensations cette neutralité carbone passe-t-elle ?

Les programmes de compensation que nous avons mis en œuvre sont des programmes dits d’évitement des émissions. Nous avons choisi deux axes. Le premier concerne des éoliennes permettant de produire de l’énergie zéro carbone dans des lieux où il y a peu de production d’énergie renouvelable. Le deuxième touche à la protection de puits de carbone existants, via des forêts primaires. Les projets se répartissent équitablement entre ces deux axes.

Nous réfléchissons aussi à des projets de séquestration dans lesquels le carbone est capturé, à travers par exemple la plantation d’une nouvelle forêt ou via des programmes plus technologiques de capture du CO2 dans l’atmosphère. Ces projets sont dans notre viseur mais à plus long terme, car nous suivons les recommandations de l’initiative Science-Based Target (SBTi) qui préconise de n’aborder cette partie « neutralisation » qu’après avoir travaillé sur la phase de « réduction » des émissions.

Suivre les recommandations de l’initiative Science-Based Target (SBTi), comment cela se concrétise-t-il pour vous ?

L’initiative Science-Based Target a fixé des cibles court terme (entre 5 et 10 ans) et long terme (jusqu’à 2050) liées à la réduction des émissions, mais aussi des cibles appelées « net zero » qui correspondent au moment où toutes les organisations pourront vraiment dire qu’elles sont totalement neutres en carbone.

La cible court terme de la partie « réduction » correspond à une diminution d’au moins 50 % des émissions scopes 1 et 2, tandis que la cible long terme vise, elle, à réduire de 90 % minimum ses émissions scopes 1, 2 et 3 d’ici à 2050. Le groupe Atos est fier d’annoncer qu’il y parviendra en 2039, ou plus tôt si cela nous est possible de le faire.

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C’est un enjeu très important car nous sommes sur de la décarbonation profonde (deep decarbonization). Au début, il est facile d’aller vite avec des quick wins, mais plus on avance dans les projets, en englobant toutes les émissions (scopes 1, 2 et 3), plus c’est compliqué. Car quand nous nous attaquons au scope 3, qui concerne toute la supply chain, nous sortons des émissions sous contrôle direct pour aller dans le domaine des émissions « sous influence », ce qui comporte davantage de difficultés. Le scope 3 passe aussi par la réduction massive des émissions de CO2 des produits que nous vendons, ce qui dépend de la qualité environnementale intrinsèque de nos produits mais aussi de l’endroit où ils sont installés chez nos clients.

Enfin, la phase « net zero » exige non seulement d’avoir atteint la cible de long terme (réduction d’au moins 90 % des émissions) mais aussi de compenser les 10 % restants à travers des programmes de capture de CO2 (notion de neutralisation). Ces programmes de neutralisation peuvent être démarrés après avoir atteint la cible de réduction à court terme, il ne sert à rien de planter des arbres partout sur la planète avant d’avoir commencé à réduire nos émissions, sinon nous n’y arriverons pas collectivement.

Quels plans d’actions mettez-vous en œuvre pour atteindre votre objectif court terme de réduction de 50 % de vos émissions ?

Comme je le précisais précédemment, les scopes 1 et 2 comprennent essentiellement la réduction de la consommation énergétique et des transports. La réduction de la consommation énergétique concerne tout d’abord les bureaux, dont nous rationalisons les surfaces, en tenant compte notamment de la montée en puissance du travail hybride. Nous communiquons aussi auprès des collaborateurs sur la maîtrise des températures dans ces lieux. Et nos choix d’implantation privilégient les bâtiments basse consommation.

La réduction de la consommation énergétique passe aussi par les datacenters dont nous rationalisons également les surfaces, les matériels ayant tendance à occuper de moins en moins d’espace. Le choix d’équipements moins énergivores rentre bien entendu dans nos plans d’action. Un certain nombre de technologies innovantes, notamment à base de circuits d’eau, permettent à nos supercalculateurs de s’afficher régulièrement dans le haut du classement Green 500.

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Par ailleurs, nous faisons monter en puissance la part des énergies renouvelables dans notre consommation énergétique totale. Nous étions pour l’ensemble de nos bureaux et datacenters à un taux de 32 % en 2019, de 46 % en 2020 et de 67 % en 2021.

Sur la partie « transport », nous avons un plan de marche qui nous dirige, pour 2024, vers une flotte 100 % électrique. Quant aux déplacements professionnels, ils sont souvent remplacés par les outils de communication à distance de type web conférence. Et quand il y a un vrai besoin de se déplacer, les collaborateurs réfléchissent aux meilleurs moyens de transport à utiliser.

Revenons au scope 3. Que représente ce que vous appelez la « supply chain » dans vos émissions ?

La supply chain correspond à tous les biens et services achetés à l’extérieur, que ce soit pour nos besoins propres ou ceux de nos clients. Il peut aussi s’agir de biens rentrant dans la « composition » d’une de nos offres. La supply chain représente 60 % de toutes les émissions de notre scope 3 en 2021.

Nous avons mis en œuvre un système de « ranking » de nos fournisseurs. Il est basé sur les grandes évaluations externes de type Ecovadis pour identifier les fournisseurs les mieux-disants sur le plan environnemental. Et pour nos grands fournisseurs, nous avons également déployé un scoring basé sur les émissions de CO2. Cela nous permet de déterminer l’intensité carbone, pour chaque fournisseur, de tout ce que nous achetons.

En parallèle de ce scoring fournisseurs, nous avons mis en place, en interne, un prix du carbone, sous forme de bonus / malus en fonction du volume d’achats vers les fournisseurs les mieux-disants sur le plan environnemental. Entre 2019 et 2021, ces dispositifs nous ont permis de réduire les émissions de CO2 liées à nos achats de 26 %, pour un volume d’achat qui a très légèrement augmenté dans l’intervalle.

Les engagements d’Atos

  • Afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et de s’aligner sur la nouvelle norme de l’initiative Science-Based Target (SBTi) publiée à la fin de l’année 2021, le nouvel engagement d’Atos est d’atteindre la neutralité carbone au plus tard en 2039, soit 11 ans plus tôt que les recommandations de l’accord de Paris (COP21), de la COP26 et du GIEC.
  • Dans le même temps, Atos s’est fixé comme objectif à court terme d’atteindre -50 % d’émissions d’ici à 2025, soit cinq ans avant les recommandations les plus exigeantes de la SBTi (émissions de gaz à effet de serre des Scopes 1, 2 et 3, base de référence : 2019).
  • Chaque année depuis 2018, Atos compense 100 % des émissions résiduelles de son périmètre carbone opérationnel (émissions sous influence ou contrôle direct).

 

Comprendre les trois grandes familles (scopes) d’émissions de gaz à effet de serre définies par le standard international du Greenhouse gaz protocol (GHG Protocol)

Le scope 1 concerne tous les gaz à effet de serre émis directement par l’entreprise, comme par exemple le système de chauffage de ses locaux, les émissions de CO2 de ses véhicules de service ou de son appareil de production, dans le cas d’une usine.

Le scope 2 englobe les émissions indirectes liées à la production des énergies consommées par l’entreprise, principalement l’électricité.

Le scope 3 regroupe toutes les autres émissions indirectes : achat et transport de marchandises, achat de services, utilisation et fin de vie des produits vendus…