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Fabrice Dumans (ServiceNow) : « Il est vital de réfléchir aux alignements des processus et des données des différentes briques du système d’information »

>> Cet article est issu du Guide guide pratique « Les organisations à l’épreuve des défis cachés de l’expérience client et usager » disponible sur notre page dédiée aux défis de la relation client et usager.

Fabrice Dumans est directeur secteur public chez ServiceNow. Au nom de notre partenaire sur le programme Numérique en pratique dédié à la relation client et usager, il revient sur les signes qui ne trompent pas pour indiquer la maturité des organisations françaises en la matière, ainsi que sur les difficultés rencontrées face aux KPI et le défi des évolutions technologiques.

ServiceNow est connu pour ses outils permettant d’optimiser les opérations, et notamment la gestion des services IT pour les collaborateurs. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler également sur l’expérience client ?

Fabrice Dumans, Directeur secteur public, ServiceNow

Fabrice Dumans, Directeur secteur public, ServiceNow

Le positionnement de ServiceNow sur le sujet de l’expérience client est venu naturellement, poussé par nos propres clients. Notre spécialité, c’est de permettre à une organisation de résorber les silos qui nuisent à la fluidité de ses opérations. C’est une problématique de premier plan en matière d’expérience client et usager. En effet, le grand enjeu historique de la relation client a toujours été cette césure entre ceux qui sont en contact direct avec le client et ceux qui produisent le service rendu. Dans les années 2000, la question a souvent été adressée à travers l’angle de la gestion de la demande multicanale du client. Des efforts très importants ont été consentis en la matière.

Mais aujourd’hui, avoir relevé ce challenge ne suffit plus. Il faut aller plus loin pour répondre du premier coup et de manière complète à un client ou un usager. Beaucoup d’organisations se sont donc demandé comment outiller leur « front » client, notamment leurs call centers, pour que ce type de réponses cohérentes puisse être vraiment apporté, au-delà du contact initial. Elles cherchent des solutions pour rassembler l’information et en fluidifier le partage. Nos clients qui connaissaient ServiceNow pour son expertise sur la partie back-office IT ont clairement vu le parallèle en termes de problématiques, et nous avons pu partager notre savoir-faire au-delà de notre spécialité initiale.

Guide Numérique en pratique Relation client Il en va de même pour l’expérience usager, par exemple auprès des services publics ?

Les clients et les usagers, ce sont les mêmes personnes ! On est à la fois l’un et l’autre. Et notre niveau d’exigence en tant qu’usager vient beaucoup de notre expérience de consommateur. Les organisations publiques ont pris conscience de cet enjeu et portent maintenant une attention particulière à l’expérience du citoyen. Elles l’ont démontré durant la crise sanitaire, et ce, malgré un cadre administratif et réglementaire souvent beaucoup plus contraignant.

Vous estimez que les organisations françaises sont plus matures aujourd’hui dans leur façon d’aborder les défis de l’expérience client ?

Oui, c’est indéniable. Mais attention toutefois au libellé du poste et de son périmètre de responsabilité. On croise encore des « directeurs de l’expérience client » qui ont les mêmes prérogatives et champs d’action que des « directeurs de la relation client ». Ce n’est pas qu’une question de sémantique : définir un nouveau périmètre de responsabilité centrale autour de l’expérience client elle-même, c’est intégrer l’enjeu d’une vision de bout en bout. Il faut réellement leur donner la possibilité d’intervenir sur l’ensemble des interactions et de pouvoir objectiver les données recueillies sur l’ensemble des dimensions.

Les projets des entreprises semblent à ce titre osciller systématiquement entre des enjeux de culture interne et des enjeux technologiques. Par quel bout vos clients prennent-ils le sujet ?

Pour tous les projets réussis sur ce thème de l’expérience client, on voit à chaque fois qu’il y a au départ la vision d’un transformateur, d’une personne en interne qui fait bouger les lignes. Je crois donc qu’il faut être très humble sur l’apport de la technologique, car elle vient seulement accompagner la vision d’un dirigeant ou d’un groupe d’acteurs clés qui ont décidé de transformer une organisation. Ceux qui y arrivent vraiment, ce sont ceux qui parviennent à faire comprendre au plus haut niveau l’importance du sujet et qui peuvent agir directement sur la gouvernance.

Le levier majeur pour nos clients, c’est bien d’attaquer les silos. En installant une plateforme technique, l’idée est quelque part de créer les conditions d’une maison commune, de partager cette ambition et de faciliter le partage des données. Mais c’est bien la mise en place d’une gouvernance adaptée avec un mandat de transformation claire qui permet de casser les murs. Ce que l’on constate, c’est que, le plus souvent, cela ne peut se faire qu’en parallèle d’un projet technologique : on ne « change » pas ex nihilo une culture d’entreprise de manière descendante pour ensuite réfléchir à l’outillage. « L’opérationnalisation » de cette transformation dans un usage au quotidien contribue à l’émergence de pratiques et de réflexes, et donc d’une nouvelle culture.

Quand vous observez une organisation, quels sont les signes qui ne trompent pas sur son engagement en matière d’expérience client ?

Le fait qu’il y ait un leadership très visible qui traduise la volonté de changement. Mais concrètement, cela se traduit par une volonté de réellement régler les problèmes des clients et pas seulement de répondre à leurs sollicitations. Régler les problèmes et pas les incidents, c’est une différence d’approche majeure ! Nous qui venons du monde de l’IT, on voit bien que la différence est fondamentale. Cela implique d’avoir la visibilité de bout en bout et de permettre aux collaborateurs de remonter facilement des dysfonctionnements et d’en suivre leur résolution. Cette culture de l’amélioration permanente, c’est le plus grand gage de « customer centricity » pour une organisation. Ce n’est pas seulement demander à un collaborateur d’agir à un instant T pour résoudre un incident, mais de créer une itération au sein de l’entreprise pour identifier la source du problème.

L’autre signe qui ne trompe pas, ce sont les moyens que se donnent les organisations pour y parvenir. Faire émerger un changement culturel est une chose, s’en donner les moyens en est une autre. Il faut se doter des capacités de mesurer les améliorations apportées. Il est souvent difficile d’objectiver la qualité de ce qui est offert en termes de parcours client. Là aussi, la technologie peut aider à apporter de la lisibilité.

Les organisations n’ont pas les bons indicateurs en place pour mesurer l’amélioration de l’expérience client ?

Les KPI ne sont souvent pas assez étayés et objectivés pour faire le lien entre, d’une part, l’amélioration de l’expérience client et, d’autre part, des éléments bien valorisés en interne comme le panier moyen, le chiffre d’affaires ou la rentabilité… Les KPI vivent chacun de leur côté. Or, mesurer l’expérience client avec un maximum de données, sur un maximum d’étapes, devrait être un objectif initial, avant même de chercher à agir pour l’améliorer. Être en mesure de faire le lien entre expérience client et des métriques concrètes, comme le coût ou le revenu généré sur toute la chaîne, est vraiment essentiel aujourd’hui. 

À quel point est-il facile d’améliorer l’expérience client quand on est dépendant de son « legacy », notamment des outils historiques de son système d’information ? Cela n’a rien à voir avec le fait de partir d’une feuille blanche, techniquement parlant.

Penser que les organisations vont proposer une expérience nettement meilleure en faisant table rase de ce qu’elles ont déjà dans leur SI, c’est utopique et non souhaitable. Chaque solution existante a une bonne raison d’être là… Par exemple, l’avènement des réseaux sociaux a vu l’émergence d’outils spécialisés pour suivre ces nouveaux modes d’échanges que les CRM existants. On ne peut donc pas se passer de cette richesse fonctionnelle qui engendre du legacy. De facto, la juxtaposition est donc inévitable et continuera toujours d’exister dans une certaine mesure.

« On croise encore des “directeurs de l’expérience client“ qui ont les mêmes prérogatives et champs d’action que des “directeurs de la relation client”. Ce n’est pas qu’une question de sémantique ! » Cliquez pour tweeter

En revanche, il est vraiment vital de réfléchir aux alignements des processus et des données des différentes briques du système d’information, pour fournir une expérience globale. Quelle est l’expérience visée ? Quelles sont les briques concernées ? Et comment les lier ? Un SI regorge d’informations très utiles, il faut juste les diriger vers les bonnes personnes et les enrichir avec les bons éléments. C’est une des principales attentes des clients d’ailleurs : que l’entreprise puisse capitaliser sur les données dont elle dispose déjà à leur sujet et sur sa réelle capacité à produire le service. Le client exige davantage de la lisibilité que de la réactivité.

En la matière, on voit encore beaucoup d’entreprises confondre vitesse et précipitation. Face à la tyrannie du temps, elles préfèrent par exemple répondre rapidement à un e-mail par un accusé de réception, pour faire preuve de réactivité, plutôt que de vraiment apporter une réponse définitive deux jours plus tard. « Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit », avec tout ce que cela implique, c’est là qu’est l’attente principale des clients. Et pour y parvenir, il faut se donner les moyens de faciliter ce partage de la donnée en interne, de bout en bout.

Des échanges de fond avec les directeurs expérience client

Andrea Ciavarella, Southern Europe Sales Director for Customer Workflows Solutions chez ServiceNow

Andrea Ciavarella, Southern Europe Sales Director for Customer Workflows Solutions

Après avoir participé aux comités éditoriaux Alliancy réunissant des directeurs expérience client, Andrea Ciavarella, Southern Europe Sales Director for Customer Workflows Solutions chez ServiceNow, partage son regard sur ces rencontres :

« Durant les comités organisés par Alliancy, différentes pistes de réflexion ont émergé de points de vue variés, à la fois parce que chacun a compris l’importance de la relation et de l’expérience client comme élément concurrentiel incontournable, mais aussi parce que chaque entreprise voit la CX sous un prisme qui lui est propre.

Cela explique que les débats aient été tantôt technologiques, sur le rôle de la robotisation, de l’automatisation du case management, par exemple, tantôt organisationnels, avec les défis du sponsorship du Comex, ou de briser les silos entre les équipes ; mais aussi qu’aient été abordés des angles sur les enjeux humains : culture orientée client, courtoisie du personnel…

Quoi qu’il en soit, nous sommes tous arrivés à la conclusion que l’expérience client n’est pas une destination mais plutôt un chemin d’amélioration continue visant à optimiser divers domaines d’activité, dans lequel la technologie joue un rôle fondamental. Celle-ci doit être un facilitateur de business agility. C’est d’ailleurs ce que révèle une récente étude IDC qui indique que 7        2 % des entreprises européennes estiment que l’agilité revêt une importance stratégique dans leur réussite. La technologie doit aussi permettre d’accompagner facilement les organisations pour faire face aux défis toujours plus changeants en matière de vente de services ou de produits. Si l’on s’accorde sur ces principes, il est également vrai que, selon l’étude