Les fraudes bancaires traquées par l’IA

L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans le secteur de la banque et des assurances, en particulier pour le trading et la détection de fraudes. Une opportunité pour des groupes comme la Danske Bank au Danemark ou Thélem assurances.

L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans le secteur de la banque et des assurances, en particulier pour le trading et la détection de fraudes. ©Teradata

L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans le secteur de la banque et des assurances, en particulier pour le trading et la détection de fraudes. ©Teradata

Détecter au mieux les fraudes et améliorer sa relation client. C’est pour répondre à ces objectifs que la banque danoise Danske Bank a choisi d’investir sur de l’intelligence artificielle (IA). « La banque s’attend à ce que la fraude s’aggrave, à court et à long terme, en raison de la digitalisation croissante des services bancaires et de la prédominance des applications bancaires mobiles. Nous sommes conscients de la nécessité d’utiliser des techniques de pointe pour confondre les fraudeurs, non pas là où ils en sont aujourd’hui, mais là où ils en seront demain », affirme Nadeem Gulzar, directeur de la division Advanced Analytics.

La Danske Bank a ainsi choisi de déployer une solution qui lui permet de réduire les fausses alertes, un élément stratégique dans sa relation client. « Les messages erronés indiquant une fraude lors d’un paiement par carte bancaire peuvent conduire à du churn, c’est-à-dire à une défection des clients », explique Stéphane Rion, directeur Data science à Teradata, en charge du projet.

La banque danoise s’est intéressée à la détection des fraudes il y a deux ans. Elle a mis en place une première plateforme basée sur de l’IA, avec un taux de fiabilité s’élevant à 30% seulement avec parfois 99% de faux positifs. Elle a ainsi décidé à l’automne 2016 de moderniser son modèle prédictif. « Cette solution de détection est construite en deux temps : un premier modèle à base d’arbre de décision se concentre sur la détection de fraude par le machine-learning en analysant de manière transparente les transactions entrantes en moins de 300 millisecondes, une seconde étape de deep-learning analyse des dizaines de milliers de caractéristiques afin de fournir des informations concernant aussi bien les vraies que les fausses activités frauduleuses. Danske Bank est la première banque à l’appliquer à cet usage », détaille Stéphane Rion, qui souligne que la réduction des coûts d’examen des faux positifs permet à Danske Bank d’atteindre 100% de retour sur investissement dès la première année de fonctionnement.

Stéphane Rion, directeur Data science à Teradata, va implémenter une solution d'IA pour le traitement automatique des documents dans une banque espagnole. ©Teradata

Stéphane Rion, directeur Data science à Teradata, va implémenter une solution d’IA pour le traitement automatique des documents dans une banque espagnole. ©Teradata

Les équipes ont travaillé pendant neuf mois à l’élaboration de ce projet sans interruption du système existant, dont six mois sur la mise en production. « Cet aspect est crucial. Or, la partie production est souvent négligée et l’on observe que seuls 15% des prototypes parviennent à être déployés à grande échelle », rappelle Stéphane Rion, pour qui il est essentiel de créer une stratégie IA dans l’entreprise.

 « L’objectif : diviser par deux le temps mis pour détecter et régler ces fraudes »

Une constatation confirmée par Thélem assurances, qui applique également l’IA à la lutte contre la fraude. « Dépasser l’expérimentation est le point d’attention le plus délicat, certifie Séverine Prin, directrice des Risques. Avec notre POC, nous avons appris énormément sur les écueils pour déployer un vrai programme d’IA. Il faut faire un vrai focus sur ce qui va permettre de faire vivre un tel programme dans le temps et éviter qu’un nouvel usage devienne un poids au quotidien. Enfin, et c’est souvent le plus complexe, il faut s’assurer que l’architecture technique va pouvoir supporter le programme, avant de se lancer dans l’industrialisation. Ce sera le cas chez Thélem, début 2019. » Le thème de la fraude est particulièrement porteur pour permettre de convaincre toutes les parties prenantes dans l’entreprise, car chaque détection amène un gain financier immédiatement mesurable.

Pour gagner en efficacité, la compagnie d’assurances a choisi d’opérer par branche d’activité : « Nous nous sommes concentrés sur les fraudes liées aux assurances automobiles dans un premier temps, avec l’objectif concret de diviser par deux le temps mis pour détecter et régler ces dossiers, précise Séverine Prin. Nous recherchons maintenant à enrichir notre approche et les critères discriminants pour affiner la détection. Demain, nous utiliserons l’IA pour l’assurance habitation. Et nous nous posons la question pour encore d’autres applications. Nous ne croyons pas en une seule approche multi modèle. »

Thélem assurances, qui a développé sa solution en partenariat avec Kernix, a tenu à impliquer les métiers dès la phase de conception pour en assurer l’adoption. « De l’origine d’un projet IA va notamment dépendre la facilité d’adoption de la solution créée. Dans l’idéal, l’organisation de l’entreprise implique que les projets soient portés par les métiers eux-mêmes. A minima, ceux-ci doivent être impliqués dès la phase de conception. Nos clients apprécient notre accompagnement dans la conduite du changement, la faculté à démystifier les notions autours de l’IA et la transmission des compétences. Nos prestations sont pluridisciplinaires pour fournir toutes les clés nécessaires au management qui va gérer entre autres les changements induits par l’innovation », ajoute Cyril Moser, business developper chez Kernix. L’attention portée à la façon dont le projet IA va être compris et activé par les acteurs métier au quotidien constitue en effet une grande part de sa réussite. « Il est essentiel que les spécialistes de la donnée, chez nous les actuaires, ne se contentent pas d’arriver avec une boite noire auprès des métiers », reconnait Séverine Prin.

Selon une enquête réalisée par Teradata, 80% des entreprises investissent dans l’IA mais 91% des sondés s’attendent à rencontrer des obstacles lors de son adoption. Les investissements restent ainsi limités en fonction des projets, les entreprises étant encore prudentes sur l’utilisation de l’IA. Pour Stéphane Rion, les projets menés ne marquent que les balbutiements de ce qui sera possible de réaliser en intelligence artificielle.

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