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Olivier Vallet (Docaposte) : « Les stratégies d’écosystèmes renforcent la confiance dans le numérique »

Olivier Vallet, président-directeur général de Docaposte, était l’invité du dernier Cercle des Partenaires du Numérique Alliancy. En complément de son intervention lors de la soirée, il détaille l’influence qu’ont les écosystèmes dans la stratégie de son entreprise et leurs impacts à la fois économique et social.

Olivier Vallet, PDG de Docaposte

Olivier Vallet, président-directeur général de Docaposte

Alliancy. Quelle place tiennent les écosystèmes dans la stratégie d’une entreprise comme Docaposte aujourd’hui ?

Olivier Vallet. Nous associons naturellement la prise en compte et le développement des écosystèmes à notre stratégie d’entreprise. Le métier de Docaposte, Tiers de confiance et filiale à 100% de La Poste, est d’accompagner les entreprises grandes et petites dans leur transformation, notamment sur quatre marchés très régulés et aux data souvent sensibles que sont la banque/finance-assurance, la e-santé, le secteur public et les ETI / PME. La Poste est un acteur de confiance dans le monde physique et nous entendons prolonger cette position de tiers de confiance dans le numérique. Notre conviction est que nous ne pouvons pas mener cette mission seul. Nous devons forcément la conduire avec d’autres acteurs, pour être plus performants et plus forts ensemble. L’écosystème est clé dans l’équation du tiers de confiance. Pour parvenir à créer cette chaîne de confiance , nous devons nous assurer que nous partageons tous le même ADN : ce ne sont pas de simples rapprochements opportunistes. L’année 2020 et la crise sanitaire ont d’ailleurs montré à quel point cela était important.

Avez-vous des exemples de réalisations qui permettent d’illustrer cet état de fait ?

Olivier Vallet. Lors du premier confinement, le développement de l’application MaladieCoronavirus.fr a contribué à désengorger le 15, en divisant par huit le nombre de sollicitations pour se concentrer sur celles qui étaient véritablement critiques. L’application a permis d’orienter rapidement les citoyens sur les actions à suivre, s’il fallait appeler les urgences ou non, etc. Nous avons pu proposer ce service en une semaine parce que nous avons su nous associer à deux autres organisations, des start-ups en l’occurrence et que chacun a apporté son savoir-faire. Nous avons été les garants de la partie confiance, notamment sur les infrastructures, et elles ont apporté l’expertise médicale. C’était une démarche bénévole que nous avons souhaité ensuite poursuivre en créant un groupement d’entreprises, avec de nombreux autres acteurs qui sont venus apporter du temps, des compétences, et de la valeur au fur et à mesure pour accompagner dans le temps les besoins dans ce contexte de crise qui s’est inscrit dans la durée. D’autres exemples existent également, qui ne sont pas liés spécifiquement à la crise : quand on travaille sur le projet européen Gaia-X*, on se rend compte que l’effort de convergence et de standardisation est vraiment représentatif du potentiel des écosystèmes pour les entreprises.

Identifiez-vous des points qui sont particulièrement importants à avoir en tête pour un dirigeant qui veut bien animer une stratégie d’écosystèmes ?

Assistez à notre prochaine Alliancy Talk sur la transformation applicative Olivier Vallet. L’un des plus grands risques est de galvauder la notion de partenariat dans les discours. Aujourd’hui, tout devient un « partenariat » et tout le monde pourrait dire avoir une stratégie d’écosystèmes. La différence se verra si cette dernière est vraiment structurante pour l’entreprise, dans les valeurs qu’elles revendiquent mais aussi dans son positionnement sur le marché. Cela doit donc aller plus loin que le discours, être dans le concret.

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Dans notre cas, nous poussons par exemple pour que les collaborateurs de Docaposte s’investissent auprès des acteurs tiers, pour multiplier nos liens avec nos écosystèmes. Syndicat professionnels, think tanks, associations… permettent de nous enrichir, de partager nos idées, de faire avancer des sujets de fond et de faire émerger des opportunités communes qui ne seraient pas apparues sinon. Nous sommes très actifs sur les enjeux liés à la souveraineté et à la confiance au niveau européen. Il y a énormément à faire en la matière avec des secteurs comme l’éducation, la santé… et beaucoup de nouvelles recettes à inventer ensemble. La période complexe que nous vivons a accéléré cette réflexion et la digitalisation des organisations de manière générale. Beaucoup de verrous ont sauté, notamment au sein des institutions. Il reste donc à espérer que ce décloisonnement qui sert le travail en écosystème perdure. En effet, les écosystèmes permettent clairement de rassurer et de diffuser la confiance dans le numérique. Nous avons participé au baromètre sur la confiance des Français organisé par Bercy pour mieux comprendre les attentes aujourd’hui. Cela nous a renforcé dans l’idée que le fait de travailler à plusieurs, d’associer des acteurs différents, de mondes différents, permet de cautionner des expertises, techniques ou métiers. L’intérêt se voit autant sur des sujets très technologiques que purement « usages » et l’écosystème est un facteur de labellisation puissant pour une entreprise.

Ces nouvelles façons de faire ont donc à la fois un impact économique et « RSE » pour l’entreprise ?

Olivier Vallet. Tout d’abord, les écosystèmes ont effectivement une influence sur des questions qui ne sont pas seulement économiques. Nous avons par exemple mis en place une charte éthique publique sur nos usages data et l’éthique des affaires, que tous nos partenaires doivent signer. Cela va dans le sens du « partage du même ADN » dont je parlais précédemment. Cet alignement est important car il est un facteur de pérennité, lui-même facteur de la confiance. On ne s’appuie pas sur des alliances qui se font et se défont sans logique en quelques mois, mais bien sur un écosystème d’acteurs qui partage des convictions et des valeurs permettant à tous d’agir de concert. Les écosystèmes sont également un moyen intéressant pour aborder le sujet de l’inclusion car le numérique ne doit pas être un sujet élitiste. Nous devons lui faire irriguer au maximum le territoire et il faut donc réunir des acteurs très différents pour s’en assurer.

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Bien sûr, de telles stratégies ont également un impact sur les business models. Les entreprises ne sont pas des organisations philanthropiques. Mais quand on est dans des mondes ouverts, on se rend vite compte que l’on est amené à créer beaucoup plus de valeur avec de nouveaux acteurs… C’est la fameuse idée du « 1+1 = 3 » qui doit se traduire au niveau économique. Cela implique d’être clair sur ce que l’on vise et d’être transparent sur comment on y arrive. Par exemple, pour nos clients du secteur bancaire, très réglementés, le défi du KYC (know your customer, la connaissance client, ndlr) ne peut vraiment être relevé par une entreprise seule, car le défi est autant technique que métier. Pendant longtemps, les éditeurs de logiciels ont tué dans l’œuf cette possibilité de réponse à plusieurs à des défis complexes parce qu’ils ont privilégié des développements spécifiques qui ont nui à l’interopérabilité. Aujourd’hui, cette interopérabilité est la clé de voute de toutes les réponses d’ampleur que nous pouvons apporter. Heureusement, on ressent enfin une maturité bien plus grande de tous nos interlocuteurs sur ce modèle d’ouverture. Reste à être prêt à partager la valeur qui sera obtenue plutôt que de chercher absolument à ne défendre que son intérêt dans son coin. Dans ce cadre, nous sommes clairement engagés dans une logique de course de fond, pas un sprint de 100m, pour engranger progressivement de plus en plus de valeur au service de la confiance et de l’éthique.

*le projet d’écosystème cloud européen lancé en 2019

La prochaine rencontre du Cercle des Partenaires du Numérique d’Alliancy se tiendra le mercredi 14 avril sur le thème  « Travail hybride : quels usages et technologies proposer pour se différencier sur le marché ? ». Inscrivez-vous et rejoignez-nous !