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Vincent Bedouin (We Network/Lacroix) : « Seule la filière IoT peut amener les ETI vers l’industrie du futur »

Le président du cluster We Network et de l’ETI de l’électronique Lacroix, Vincent Bedouin, a remis mi-décembre à la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec) sa feuille de route « Vers l’industrie électronique du futur ». Son ambition : faire prendre conscience aux acteurs industriels de l’importance de l’IoT dans la production et les accompagner dans leur transformation. Rencontre.

| Cet article fait partie du dossier « Industrie : l’heure des alliances »

Alliancy. Pourquoi le besoin d’une telle feuille de route ?

Vincent Bedoin rendra en avril les conclusions de son prochain rapport sur les plateformes mutualisées. ©DR

Vincent Bedouin rendra en avril les conclusions de son prochain rapport sur les plateformes mutualisées. ©DR

Vincent  Bedouin. L’IoT est une vague fantastique qu’il ne faut pas rater ! Avec l’ensemble des acteurs de la filière, nous avons voulu réaliser un travail collectif. Ce qui a conduit à réunir trois syndicats et 50 sociétés du secteur dans le cadre de rencontres et d’une trentaine de workshops. Le projet a été accéléré par le World Electronics Forum, qui s’est tenu du 24 au 28 octobre dernier à Angers. Nous voulions aboutir à une vision exhaustive sur la manière de construire l’industrie électronique du futur. En conclusion, nous avons dégagé sept axes concrets avec les besoins de la filière, les tendances du marché, ce qui doit être amélioré et les problématiques pour répondre aux nouveaux enjeux.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux autres initiatives menées, notamment celle du Snese (syndicat français de la sous-traitance en électronique) ?

Vincent  Bedouin. Notre démarche est complémentaire, elle sert à donner du poids aux projets qui vont en ce sens. La filière électronique est stratégique pour le futur de l’industrie, mais elle n’a pas aujourd’hui la taille critique pour faire face aux enjeux. Il est nécessaire de la soutenir. Nous avons choisi d’orienter cette feuille de route vers l’assemblage, car la filière des composants est essentielle. C’est une question de souveraineté nationale, si l’on perd la R&D, on perd tout. Et s’il l’on veut décliner le « Smart World », il faut intégrer l’internet des objets (IoT) dans tous les secteurs industriels.

CARNET Iot En quoi l’IoT est-il si important dans le monde industriel ?

Vincent  Bedouin. L’IoT fait converger les technologies numériques et électroniques et nous sommes à un moment où le marché de l’IoT industriel (IoTT) va dépasser celui des objets destiné au grand public et il va révolutionner tout le secteur, notamment en ce qui concerne la supply chain où l’un des grands enjeux est d’interroger en temps réel le système d’information. Je n’arrive pas à trouver une seule branche industrielle où l’IoT n’est pas utile : dans l’agriculture, la sécurité, la santé… L’IoT permet aux entreprises de trouver de nouveaux business modèles. Chez Lacroix par exemple, nous sommes passés de la signalisation à la mobilité. Par ailleurs, nous avons fait un constat essentiel : les ETI ne suivent pas dans ce paysage de la transformation digitale… L’IoT est la seule filière qui peut contribuer à les transformer et à les amener dans une logique d’industrie du futur. C’est le chaînon manquant entre la French Tech et la French Fab. L’IoT industriel représente une occasion inespérée de lancer le « Mittelstand » à la française.

Que proposez-vous pour garantir une bonne intégration de l’IoT ?

Vincent  Bedouin. L’industrie 4.0 renvoie à l’interopérabilité entre les capteurs, les machines et le système d’information, mais il y a des manques dans les équipes au niveau de l’architecture. Notre proposition d’innovation est l’instauration de plates-formes mutualisées pilotes, c’est-à-dire des centres mutualisés de ressources et de compétences qui sélectionneraient, expérimenteraient et qualifieraient les briques technologiques, avant d’accompagner les entreprises dans leur choix d’architecture afin d’aboutir à la mise en œuvre d’un projet IoT.

La collaboration est donc un pilier essentiel de vos propositions ?

Vincent  Bedouin. La collaboration est effectivement un facteur clé de réussite. Une entreprise critique n’a pas forcément la taille critique pour innover de manière individuelle, il faut le faire avec l’ensemble de la filière. Nous discutons avec les régions – essentielles pour avancer – le centre de transfert technologique Catie pour le déploiement des objets connectés, l’IoT Valley et la filière des composants. Il faut créer un réseau. Nous avons expérimenté notre concept de plateforme pour Thales. Nous nous sommes regroupés en consortium avec certains concurrents afin d’identifier ses besoins concernant une roadmap technologique. Nous avons mutualisé nos ressources pour la qualifier et anticiper. Pour étayer ce modèle, nous allons travailler sur une nouvelle étude début janvier, en partenariat avec le cabinet Roland Berger, dont l’objectif sera de valider si ce concept créé de la valeur. Il faut faire les choses rapidement car la Chine investit énormément sur ces sujets. Il s’agit d’une course internationale.

Quelle position occupe la France dans cette course ?

Vincent  Bedouin. Notre filière électronique est la première en Europe, devant l’Allemagne. Elle devient compétitive et agile et a un rôle à jouer. Cette 22e édition du World Electronics Forum a réuni 120 délégués internationaux, ça a permis de mettre en avant notre filière. Mais il ne faut pas que l’engouement retombe.

Quelle est l’urgence selon vous ?

Vincent  Bedouin. La grande priorité est la formation. Aujourd’hui, la filière électrique est en déficit, selon un retour unanime des acteurs, qui sont obligé de recruter chez leurs concurrents au lieu de trouver des profils sur le marché. L’apprentissage est donc fondamental, il faut le faire en réseau avec les industriels et les bassins d’emplois. Il faut intéresser les jeunes aux nouveaux sujets de l’électronique et stimuler leur imaginaire. Par exemple, au lieu de leur demander de travailler sur un poste de travail en chaîne de production, je leur suggère d’être dresseur de cobots.

Retrouvez la feuille de route :

Feuille de route – Vers l industrie electronique du futur

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