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L’avenir du recrutement des jeunes en Europe d’ici à 2030

JobTeaser a présenté, il y a quelques semaines, un rapport de prospective 2020-2030, réalisé sur un an, sur le recrutement européen des jeunes diplômés, en partenariat avec Le Lab RH et PageGroup.

L’avenir du recrutement des jeunes en Europe d’ici à 2030 Le monde du travail évolue… Il vit même une « révolution » avec la crise sanitaire de la Covid-19 que nous traversons. A chacun de s’adapter à un nouvel environnement, à de nouvelles organisations, à un monde plein d’incertitudes… Aussi, face à des emplois qui se transforment, un diplôme ne suffit plus. L’entreprise recherche des profils capables de s’adapter en permanence. Mais comment convaincre ces « potentiels » de vous rejoindre…

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C’est ce qui ressort de ce rapport de plus de 200 pages, qui cumule plus de 50 interviews d’experts RH et une enquête auprès de 11 000 étudiants et jeunes diplômés européens. « Depuis plusieurs années, nous observons une ouverture des mentalités en matière de pratiques et critères de recrutement, avec la valorisation croissante de profils atypiques et de parcours alternatifs, résume Jérémy Lamri, directeur de la Recherche et de l’Innovation chez JobTeaser et fondateur du Lab RH. Observer cette réalité au travers des jeunes est particulièrement intéressant dans le contexte actuel de crises et mutations. Les entreprises doivent avant tout trouver des potentiels, et bon nombre d’entre elles commencent à le comprendre. L’enjeu clé est d’identifier ces potentiels et de leur donner envie de rejoindre une aventure. »

L’objectif de ce travail d’expertise réalisé par JobTeaser et ses deux partenaires a ainsi été, au-delà de dresser un panorama de l’histoire et des tendances actuelles du recrutement, de mettre en évidence cinq grandes tendances de l’évolution du recrutement des jeunes.

1 – L’érosion du diplôme dans le recrutement : vers des pratiques alternatives de recrutement

Si le diplôme reste un marqueur social fort et un indispensable du recrutement, des modes complémentaires inspirantes se développent face à la tendance de fond de pénurie des talents, note Jérémy Lamri : « L’émergence toujours plus rapide de nouveaux métiers limite l’adéquationnisme du diplôme, faute de formations adaptées ou de talents formés en nombre suffisant. Cela favorise l’émergence de systèmes alternatifs de reconnaissances de compétences (open badges), lesquels prennent peu à peu leur place dans le processus de recrutement. » Ces évolutions permettent d’ouvrir le recrutement. Les recruteurs sont plus à même de prendre en compte des éléments plus complexes sur les candidats et collaborateurs (soft skills, valeurs, intérêts), notamment avec une plus grande capacité des ATS et SIRH à gérer des données plus complexes sur les candidats et collaborateurs.

« L’entreprise doit être un mentor, doit les faire grandir, sans les retenir. »

2 – La fin de l’illusion du « candidat idéal » et réservé à une seule entreprise : recruter un potentiel avant tout

Si les jeunes talents s’attachent de plus en plus à trouver une entreprise qui leur permettra de s’épanouir, les recruteurs prennent conscience de l’évolution rapide des postes, et de la nécessité de recruter des talents aujourd’hui ayant le potentiel de briller également demain. Pour sortir de l’adéquationnisme impossible, on note notamment une augmentation de la pratique de job crafting (c’est-à-dire d’adapter le périmètre et les tâches de son poste à ses compétences et motivations) et du nombre de recrutements opportunistes. Dans ce contexte, les candidats adoptent de plus en plus la pratique de storytelling pour donner un cadre et un sens à leur prochain poste. Cette recherche de sens prime même sur le salaire, qui était une attente plus forte en 2019 pour la première fois (étude “attentes de jeunes” JobTeaser, octobre 2020).

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Emploi-des-jeunes-europe Isabelle Bastide, présidente de PageGroup France, commente : « Le recrutement des jeunes est affecté par de formidables transformations : apparition rapide de nouveaux métiers, formes de travail flexibles, quête de sens accrue. Ces tendances de fond ont été accélérées par la crise sanitaire et il est aujourd’hui crucial de repenser la formation et l’orientation professionnelle pour y répondre. Améliorer l’immersion en entreprise, revaloriser les métiers techniques, mettre l’accent sur les personnalités plus que sur les profils : autant d’actions nécessaires pour faciliter leur recrutement. En parallèle, les attentes des candidats en matière de RSE n’ont jamais été aussi fortes et les engagements des entreprises, en ce sens, renforceront leur capacité à attirer les jeunes talents du futur. »

3 – Un besoin d’engagement sociétal de la part des entreprises

Les candidats prennent de plus en plus conscience de l’importance des notions de transparence et d’éthique sur les solutions digitales et l’IA pour la sélection et l’évaluation lors du processus de recrutement. Et ce d’autant plus que la génération qui arrive sur le marché du travail évolue dans un contexte de crise sanitaire, mais aussi de bouleversements écologiques, et de sensibilité aux enjeux sociétaux. « Ces facteurs influencent leur conception de l’entreprise et du travail, avec l’importance du collectif pour résoudre les défis d’aujourd’hui », note Isabelle Bastide.

De ce fait, les entreprises sont très attendues sur leurs prises de positions et sur leur capacité à répondre à ces enjeux. « Les jeunes sont trop souvent vus comme une variable d’ajustement des entreprises, ce que la crise actuelle semble malheureusement confirmer. Cependant, ils sont également une cible volatile, difficile à attirer et à comprendre. Dans l’intérêt de tous, gardons à l’esprit que les jeunes d’aujourd’hui sont les recruteurs, managers et dirigeants de 2030», commente Yves Grandmontagne, président du Lab RH.

4 – Le recruteur est aujourd’hui avant tout un “pisteur” pour trouver un candidat d’avance et la méthode qui fera mouche

Face à la déstabilisation économique du marché en 2020, de nouvelles tendances ont émergé ou se sont amplifiées, notamment la création de viviers de candidats entre entreprises et un partage de fichiers de candidats potentiels en réponse aux suppressions de postes et refus de candidats à haut potentiels. À ces démarches s’ajoutent le perfectionnement et l’augmentation des recrutements par approche directe, en couplant réseaux sociaux, moteurs de recherche, et outils prédictifs. L’importance du personal branding (via la présence en ligne, le networking) change la donne, transformant le recruteur en un “pisteur” ou “chasseur” qui passe désormais une grande partie de son temps à chercher le candidat d’après. Pour compléter cette démarche, la marque employeur voit son importance s’accroître fortement, notamment pour augmenter le taux de succès en chasse (via la présence en ligne, le networking, les engagements RSE, la publicité).

Pour Adrien Ledoux, CEO de JobTeaser : « la culture des entreprises est au cœur de leurs enjeux de recrutement. Une culture d’entreprise forte est un compas, une boussole pour les candidats. Lorsque la compatibilité est recherchée, cela permet à la fois moins d’erreurs de recrutement, mais également l’épanouissement des collaborateurs. C’est aujourd’hui indispensable pour la performance de l’entreprise, et cela implique notamment que les entreprises identifient et promeuvent clairement leur culture, et que les jeunes apprennent à mieux se connaître. »

5- Une conception plurielle de l’emploi

Emploi-des-jeunes Au-delà de cette tendance, l’emploi unique au sein d’une même structure s’érode. Les jeunes talents se tournent de plus en plus vers d’autres formes d’emploi (freelancing par exemple), et considèrent leur carrière comme faite de multiples projets. On note ainsi une augmentation du slashing (le fait de cumuler plusieurs emplois et de missions freelances), notamment pour poursuivre leur quête de sens, assurer des revenus alternatifs et complémentaires, et augmenter la résilience face aux crises. Certains signaux faibles montrent d’ailleurs des cumuls de CDI à temps plein sur certaines fonctions comme le marketing, preuve que le format même de l’emploi à temps plein est en pleine mutation.

Ces cinq tendances ont permis de proposer trois scénarii probables concernant l’évolution du recrutement des jeunes diplômés à horizon 2030. « L’un des exercices les plus importants du rapport de prospective sur le recrutement des jeunes diplômés est d’imaginer à quoi ressembleront les processus de recrutement dans 10 ans, explique Jérémy Lamri. Pour aboutir à ces 3 scénarii possibles d’évolution du recrutement des jeunes diplômés, JobTeaser a réalisé un état de l’art de la littérature scientifique, pour le comparer avec les pratiques RH, les politiques privées/publiques, et ce que vivent et veulent les jeunes. Ceci nous a permis de dégager 3 grands futurs possibles. »

Scénario 1 : un repli vers le diplôme et le recrutement adéquationniste

Il arrive que les contextes de crise conduisent à des phénomènes de crispation et de retour aux « basiques » dans les pratiques de recrutement, dont l’importance du diplôme. L’adéquationnisme dont les recruteurs avaient commencé à sortir, ferait donc un retour en force pour les années à venir, au détriment des profils atypiques et des parcours non linéaires.

Scénario 2 : une utilisation généralisée de l’intelligence artificielle dans le recrutement

L’intelligence artificielle va prendre une ampleur démesurée. Elle devra être à même de générer des données d’évaluation à la fois plus fines, sans biais, non discriminantes et en toute transparence vis-à-vis des candidats. On envisage donc ici des sous scénarios extrêmes avec de l’analyse des fréquences vocales, de la reconnaissance faciale pour évaluer la performance à un entretien, par exemple.

Scénario 3 : la reconnaissance du potentiel, avec une IA en appui au recruteur au centre des décisions

Dans ce scénario, nous envisageons un équilibre entre l’IA et des structures collaboratives pour recruter. Ce sera donc une entrée en matière progressive de l’IA dans les processus de recrutement. On y parle aussi de recruter autrement (de façon plus élargie, avec outils d’analyse des marchés, du recrutement à distance, aux graduate programs, talent boards et autres) d’aider les candidats à se révéler (notamment en termes de soft skills), à se projeter, de leur proposer de s’inscrire dans des démarches de job-crafting (plus collaborative) afin de favoriser leur fidélisation et leur engagement sur du plus long terme. C’est ce scénario que JobTeaser privilégie.

Les trois partenaires de l’étude

  1. Leader sur le recrutement des jeunes talents en Europe, JobTeaser est implanté dans 25 pays et compte plus de 250 salariés en Europe. JobTeaser a été créé en 2008 à partir du constat que la transition entre le monde étudiant et le monde professionnel s’opère souvent difficilement. Aujourd’hui, la solution « Career Center» de JobTeaser équipe gratuitement plus de 700 établissements d’enseignement supérieur en Europe, accompagnant ainsi 4 millions de jeunes talents (orientation et recrutement). Plus de 80 000 entreprises ont recours à ces services et la plateforme génère une candidature toutes les 6 secondes. Depuis sa création, JobTeaser a levé 68 millions d’euros, avec notamment une dernière levée de fonds de 50 millions d’euros en octobre 2019. L’entreprise a, par ailleurs, fait son entrée en septembre 2019 au Next40, regroupant les 40 entreprises les plus prometteuses de la FrenchTech.
  2. Le Lab RH est une association Loi 1901 née en 2015 du regroupement des acteurs innovants dans le domaine des ressources humaines, dans le but de fédérer, dynamiser et promouvoir l’innovation RH en France. Avec plus de 270 startups RH, et 80 entreprises et institutions membres pérennes de l’association, Le Lab RH est un écosystème fondé sur la collaboration et l’innovation ouverte, afin de changer les pratiques des ressources humaines et du management.
  3. A travers ses différentes marques (Michael Page, Page Personnel, Page Executive et Page Outsourcing) et solutions, PageGroup accompagne les entreprises de toutes tailles sur l’ensemble de leurs problématiques de recrutement (CDI, CDD, intérim, management de transition, freelancing…) et accompagnons les professionnels en recherche d’emploi, du technicien au cadre dirigeant.