[Tribune] Réduire l’empreinte carbone du numérique : par où commencer ?

Les derniers rapports du GIEC sont sans appel : nous sommes dans un état d’urgence climatique sans précédent, les émissions carbones dans le monde ne baissent pas. Et le numérique représente à lui seul 3 à 4% des GES avec une croissance attendue de 6% par an. Si de plus en plus d’organisations souhaitent contribuer à l’effort collectif de réduction, beaucoup cherchent encore la bonne approche pour y parvenir. Jean-Baptiste Piccirillo, Manager Numérique Responsable & Durable chez Rhapsodies Conseil, met en lumière 7 conseils éprouvés.

Jean-Baptiste Piccirillo Manager Numérique Responsable Durable chez Rhapsodies Conseil

Jean-Baptiste Piccirillo Manager Numérique Responsable Durable chez Rhapsodies Conseil

Sobriété et optimisation vont de paire

Investir et être proactifs pour se débarrasser des systèmes IT et des usages numériques superflus, ce sont les premières actions de sobriété à mener. Pour les entreprises où le numérique est le cœur de métier, cela peut signifier de revoir en profondeur leur business model, et faire en sorte que leur chiffre d’affaires ne soit plus proportionnel à l’intensité de la consommation d’infrastructures numériques. Pour les cloud providers par exemple, cela signifie aussi de fournir à leur client des services qui permettent de faciliter leurs actions de sobriété.

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A la sobriété, s’ajoute les actes d’optimisation. Ils visent à faire la même chose avec moins. On agit alors sur choix et le design de systèmes réduisant l’impact environnemental de l’architecture utilisée pour répondre à l’usage. Cela inclue aussi les efforts liés à l’utilisation d’énergies renouvelables par les infrastructures numériques.

Le grand nettoyage

Rien ne sert d’optimiser ce qui ne devrait pas être là : des serveurs qui tournent pour pas grand-chose, des fichiers peu ou pas utilisés bien que répliqués, archivés depuis des années… Se débarrasser des déchets digitaux en adoptant une démarche proactive et financée est une étape clé avec des gains considérables, carbones comme financiers. Quand on cherche la petite bête on la trouve, l’idée étant de cumuler les petites victoires. Attention néanmoins, grand nettoyage veut aussi dire grande attention dans le traitement durable de la fin de vie des équipements (recyclage, réutilisation, économies circulaires).

Adapter le système aux usages et pratiques réels de ses utilisateurs 

Une fois qu’on a traité le superflu (qui peut déjà peser lourd), l’heure est aux arbitrages. Prenons un exemple concret. Dans l’entreprise X, les postes de travail sont équipés de deux écrans. Pourtant, 50% des collaborateurs estiment qu’un écran supplémentaire suffirait, 20% que leur laptop leur suffit, et 30% confirment le besoin de ces deux écrans. A l’ère du télétravail, s’ajoute à cela des taux d’occupation journaliers des locaux de l’ordre de 60%. On pourrait donc lourdement réduire le nombre d’écrans à disposition et répondre pour autant aux besoins exprimés par les collaborateurs. C’est ici un cas typique. Quand on revient aux véritables pratiques / usages, on se rend compte souvent qu’il y a un décalage (surtoutillage, fonctionnalités non utilisée, …). Ces écarts sont une opportunité de réduction à ne pas manquer.

Appliquer et rendre certaines contraintes justes et désirables

Face aux enjeux climatiques auxquels nous devons collectivement faire face, des méthodes plus engageantes, visent à imposer des contraintes aux systèmes et aux architectures. S’il y a des limites planétaires, il doit y en avoir aussi pour nos systèmes d’informations. Volume de données, consommations des DC… doivent être monitorés et contraints, tout dépassement doit donner lieu à une remédiation pour revenir à un état jugé normal. Une contrainte demande aussi une préparation en amont des collaborateurs, avant application effective, pour assurer l’acceptabilité et la motivation des collaborateurs pour sa mise en place.

De l’efficacité énergétique à l’optimisation systémique

L’optimisation se traduit beaucoup aujourd’hui par des actions d’efficacité énergétiques. Mais les enjeux actuels nécessitent une pratique d’optimisation qui devrait chercher un optimum plus global et systémique :  minimiser à la fois l’empreinte carbone liée à la consommation d’électricité, à la fabrication du matériel, les consommations d’eau associées, jusqu’à l’impact sur la biodiversité, les humains, le travail des enfants… Un acte d’optimisation ne pourra néanmoins jamais avoir un impact positif sur tous ces enjeux à la fois. Seul un acte de sobriété a réellement ce pouvoir : l’usage qui a le moins d’externalités négatives est celui qui n’est pas mis en place.

La sensibilisation et formation des collaborateurs n’est pas en option

Si l’on veut engager les collaborateurs dans tous ces changements, il faut les impliquer au plus tôt : formés et sensibilisés, ils sont un levier important de sobriété. La formation doit faire comprendre aux collaborateurs pourquoi il est important d’agir et quelles sont les mesures à prendre à leur niveau. Sans des collaborateurs engagés, un programme numérique durable et responsable perdra une grande partie de son impact potentiel.

Convaincre, insister et viser l’impact le plus large

Vous ou vos dirigeants pensez que le Numérique, ou votre SI n’a que peu d’impact environnemental par rapport à d’autres postes importants comme le transport, les investissements, … ? L’urgence climatique est aujourd’hui à un tel niveau qu’il n’y a pas de petits combats. C’est un combat systémique qui doit être porté partout en même temps si on veut être efficace globalement et impacter la dynamique du système dans son ensemble. Une initiative qui arrive par la sphère professionnelle peut bien changer la vision du monde et l’engagement personnel et professionnel de nombre de vos collaborateurs sensibilisés.