Portrait – Philippe Courtot de Qualys – L’homme clé du cloud

Il sait tout de la Silicon Valley, en Californie, où il a passé plus de trente ans. Philippe Courtot sait surtout repérer les technologies et entreprises prometteuses avant de les transformer en leaders sur leur marché. Il sait tout de la Silicon Valley, en Californie, où il a passé plus de trente ans. Philippe Courtot sait surtout repérer les technologies et entreprises prometteuses avant de les transformer en leaders sur leur marché. Aujourd’hui, il défend la sécurité informatique… grâce au cloud.

Il est loin d’avoir la tête dans les nuages. Pourtant, si quelqu’un croit aux vertus du cloud, c’est bien Philippe Courtot. Pas seulement pour la fascination de ses capacités géantes, dans un monde où le volume exponentiel des données devient un enjeu considérable. Non, pour le spécialiste mondialement reconnu de la sécurité sur Internet qu’est le patron de Qualys, le cloud est « le modèle le plus sûr », s’il est assuré par des professionnels de confiance. « Avant, on protégeait ses données comme les paysans mettaient leurs économies sous leur matelas. On est ensuite passé au coffre-fort. Mais, en réalité, ce coffre-fort était accessible à l’aigrefin le plus banal. Grâce au cloud, les données sont maintenant dans des chambres fortes gérées par des professionnels. »

Philippe Courtot fait partie de ces Français qui ont réussi en Amérique. De ses yeux d’un bleu intense, le basque revendiqué porte un regard attristé sur la France. « Aux États-Unis, c’est moins bureaucratique. La préoccupation, c’est que les choses marchent. » Il vit depuis août 1987 dans la Silicon Valley. Après une maîtrise de physique, il démarre en 1973 en montant une boîte de vente d’ordinateurs. À l’époque, ce n’était pas encore l’objet indispensable à tous les aspects de la vie professionnelle et personnelle.

Avec quelques hackers…
En 1981, Philippe Courtot accepte la proposition outre- Atlantique d’une entreprise informatique. Son épouse, vietnamienne, s’intégrera là mieux qu’en France. Et il se retrouve patron de Thomson-CGR, filiale médicale du groupe alors tout-puissant Thomson. Il se bat contre les injonctions parisiennes si éloignées d’une observation pragmatique du terrain : certaines décisions étaient prises, non en fonction du marché, mais pour obtenir les subventions du ministère de l’Industrie.

Après la revente, il « émigre » vers la côte Ouest. Ce sont les débuts d’un serial entrepreneur. Le voilà en contact avec les pionniers de l’Internet, comme Bill Gates. CEO de Verity, il rend cette société incontournable sur le marché de la recherche d’information. Et orchestre son introduction en bourse en novembre 1995. Puis il fait de Signio un acteur significatif du paiement électronique avant de la vendre à VeriSign pour plus d’un milliard de dollars. A Palo Alto, cc : Mail est devenu un acteur de poids avec 40 % du marché des plates-formes e-mail, revendue à Lotus en 1991, « une erreur de jeunesse », dit-il.

Six aventures entrecoupées de périodes sabbatiques. « A chaque fois que j’ai vendu une boîte, je suis parti me balader pendant un an pour comprendre ce qui était en train de changer dans le monde. Il y a eu le mainframe, puis le client server. Aujourd’hui c’est le cloud. »

Le parcours de Philippe CourtotQualys, spécialisé dans la surveillance et la sécurité des réseaux informatiques, démarre en France en 1999 avec quelques hackers. Courtot y met 500 000 dollars. Puis repart aux Etats-Unis. « A l’époque, c’était indispensable, les choses se passaient ici. Aujourd’hui, vous n’êtes plus dépendant d’un marché ou d’un écosystème local. Vous pouvez vite devenir global. » En 2001, il remet 25 millions de dollars au pot et devient CEO. Qualys est désormais reconnue pour ses diagnostics permettant d’éviter des intrusions et de lutter contre la cybercriminalité. Crucial pour se protéger de concurrents malveillants. La guerre économique utilise les cyberarmes. « Auparavant, l’informatique, fermée et codée, était protégée. Aujourd’hui, tout est ouvert. » Philippe Courtot utilise l’expérience acquise chez Verysign, un service de distribution des certificats SSS en mode cloud.

 

Gardien du cloud
Son business model repose sur l’abonnement et la vente de services additionnels aux clients. Pourtant, au départ, Qualys avait contre elle les DSI, attachés à leurs logiciels d’entreprise et à leur pouvoir qu’ils croyaient menacés par le cloud. Il a eu le soutien des commerciaux qui, eux, ont vite cru au cloud. « Ce n’est pas une menace. Au contraire, c’est une solution pour la sécurité. Ce débat est derrière nous. Surtout que le cloud n’est plus seulement un espace de stockage, mais aussi de traitement et de calcul. » Cela permet de nouvelles architectures avec des terminaux plus légers et plus divers, comme les smartphones ou les tablettes qui n’ont plus besoin de calculs.

Le métier de Qualys devient vital au moment où l’Amérique découvre avec stupeur l’ampleur du scandale de l’espionnage public de millions de citoyens. Avec 365 personnes et 20 filiales opérant dans 106 pays, l’entreprise travaille pour les deux tiers du Fortune 500 et dans la même proportion pour le CAC 40. Cotée au Nasdaq, elle est « sous-évaluée » à 450 millions de dollars.

Après plus de quarante ans passés comme acteur des changements de l’informatique, Philippe Courtot reste prêt à bondir, tel un gros matou, sur la prochaine révolution. « Nous devons avoir la flexibilité maximale pour suivre l’évolution technologique et nous remettre en cause en permanence. Le client lui-même bouge très vite. Nos ingénieurs se remettent en cause constamment. Nous devons aller chercher le talent où il est, en Inde, en Chine, au Brésil et même, figurez-vous, en France. »

 

Cet article est extrait du n°4 d’Alliancy le mag – Découvrir l’intégralité du magazine