Chez Île-de-France Mobilités, une direction du numérique  pour décoder l’accélération du monde 

Avec l’ouverture à la concurrence et l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Île-de-France Mobilités fait face à des enjeux stratégiques de taille. Hélène Brisset, directrice du Numérique, détaille son rôle d’accompagnatrice auprès des métiers afin de les aider à décrypter les transformations à l’œuvre. Un focus qui justifie pour elle de ne pas être une “DSI”.  

Cet entretien est issu de notre série d’interviews « What’s next, CIO ? » qui revient tout au long de l’année sur les priorités et visions d’avenir des CIO stratèges

En 2024, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) sont un événement clé pour Île-de-France Mobilités. Quels sont vos enjeux autour de cet événement unique ? 

Les Jeux vont avoir un fort impact sur l’utilisation des transports franciliens, sur la visibilité de nos services et le niveau de trafic, ainsi que sur la menace en termes de cybersécurité. Durant les JOP, tout va aller plus vite, plus haut et plus fort. Pour faire face à cette intensité particulière, nous avons renforcé le fonctionnement de l’ensemble de nos systèmes, ce qui constituera aussi un héritage des Jeux. Nous allons également entrer dès le printemps dans un gel applicatif en limitant tous les passages en production jusqu’aux JO. Cette suspension de la production permettra de tester tout particulièrement les performances et la résilience de l’ensemble des systèmes, avec un maximum d’anticipation. 

Quelles solutions mettez-vous en place pour les utilisateurs durant les JOP de Paris 2024 ? 

D’abord, nous développons une application de mobilité spécifique à l’événement, Transport Public Paris 2024. Son calculateur d’itinéraire propose l’itinéraire le plus adapté pour accéder à l’ensemble des sites pendant la compétition, en tenant compte des plans de transport et de l’affluence, mais également à d’autres lieux culturels en Île-de-France. Grâce à l’intelligence artificielle, on intègre également de la traduction multilingue, pour offrir à tous les spectateurs des JOP venus du monde entier, la possibilité d’accéder aux transports de la meilleure des façons. Les JOP constituent ainsi une vitrine pour la performance et l’innovation. 

L’ouverture à la concurrence est également un sujet qui touche les acteurs du domaine des transports. Comment votre direction se prépare-t-elle à ce changement majeur à horizon 2025 ? 

Le numérique doit être garant de la continuité de fonctionnement, quels que soient les opérateurs de transport. Nous devons construire de l’interopérabilité et mettre en place des paliers de stabilité. Pour cela, nous travaillons avec les opérateurs actuellement en charge sur les différents modes de transport, pour garantir le bon fonctionnement dans la durée tout en proposant un maximum de souplesse. Comme c’est déjà le cas pour notre plateforme de relais de l’information voyageur dans toute la région, Île-de-France Mobilités développe également des services communs numériques. Ma direction a notamment travaillé avec la RATP sur la transformation des SI des bus, notamment pour faciliter la diffusion de l’information voyageur dans les arrêts de bus, où la communication se fait aujourd’hui parfois par voie hertzienne. Le numérique sert à absorber toutes ces complexités pour apporter de la simplification. 

Quelle approche avez-vous face à l’innovation ? 

En tant que directrice du numérique, j’ai bien sûr une appétence assez forte pour l’innovation. Notre métier se transforme très rapidement, et c’est cela qui est passionnant. Il faut réfléchir à avancer le plus intelligemment et le plus rapidement possible sur ces sujets en très forte évolution. Cependant, on ne fait pas de l’innovation juste par principe, on se doit de chercher des usages, pour que l’innovation soit utile. Ainsi, notre solution d’IA pour offrir de la traduction multilingue aux usagers par exemple est facile à mettre en place, avec un fort impact. Au quotidien, on teste, on essaie. Il faut ensuite accepter d’arrêter les projets qui ne fonctionnent pas. 

Vous avez évoqué l’intelligence artificielle. Quelles peuvent en être les débouchés chez Île-de- France Mobilités en vue de ses progrès croissants ? 

Outre la traduction multilingue, nous sommes en train de déployer un numéro unifié, qui comprend la demande de l’usager et l’oriente vers le centre de service client en mesure de traiter sa demande, en fonction notamment du mode de transport qu’il utilise. En complément, dans le cadre de la loi JOP, nous réfléchissons à la manière dont l’IA peut intervenir en appui de la sûreté dans les transports, notamment dans la détection des mouvements de foule ou le franchissement de zones interdites. Le ministère de l’Intérieur mène une expérimentation très réglementée à laquelle nous participons, sur certaines stations proches des sites des Jeux olympiques. Il y a une sensibilité particulière liée à l’usage de l’IA dans la sûreté des transports et pourtant un bénéfice qui peut être très fort. Par ailleurs, Transilien a déployé un autre service, qui s’appuie sur l’IA, et qui est très apprécié par les usagers : ce service détecte l’affluence dans les trains, et permet aux voyageurs de se positionner dans les rames en fonction de l’affluence des autres voyageurs. 

Vous appréciez peu le terme de DSI. Pourquoi lui préférez-vous le terme de directeur du numérique ? 

Je ne parle plus de DSI parce que cela renvoie uniquement à la partie SI et souvent à des postures anciennes sur le numérique, de simple prestataire. Or, aujourd’hui, nous faisons face à une transformation généralisée au sein des entreprises. Parler de directeur ou directrice du numérique positionne directement l’enjeu de transformation globale par le numérique. En effet, au-delà des sujets SI, s’ajoutent les sujets liés à la data et à la cyber, à l’innovation. C’est un ensemble de métiers concernés par le numérique. Au sein d’Île-de- France Mobilités, ma direction est une des plus récentes, créée en 2022. Elle est désormais l’un des piliers du Comex, au côté des directions métier. Elle n’est plus cachée au fond de l’organigramme avec comme seule mission la gestion des infrastructures et des applications. C’est désormais un partenaire important des métiers et reconnu comme tel. 

Comment positionnez-vous la direction du numérique par rapport aux métiers ? 

Nous sommes des partenaires de la transformation et travaillons en coordination étroite avec l’ensemble des métiers. Nous jouons aussi un rôle d’ambassadeurs et de décrypteurs. Par exemple, concernant la cybersécurité, nous devons aider les collaborateurs à se poser les bonnes questions afin de bien comprendre quels sont les risques. Nous avons également notre rôle à jouer auprès d’eux concernant les opportunités liées aux innovations, aux vrais accélérateurs comme, par exemple l’intelligence artificielle générative peut l’être. A la fois pour les opportunités et pour les risques, nous avons un rôle de décodeur à jouer auprès des métiers.  

Et si l’on vous pose la question éponyme de notre programme : « What’s next for CIO ? » 

J’imagine que le rôle de décrypteur va continuer à se développer et à s’imposer, dans un contexte de plus en plus complexe. Notre rôle sera de décoder l’accélération du monde dans le champ numérique. Le poste de directeur du numérique va devenir de plus en plus important, avec de nouveaux sujets qui vont venir percuter les entreprises tels que demain le quantique. Le conseil et l’accompagnement vont ainsi monter crescendo. Ce décryptage est une vraie transformation du rôle du DNUM qui s’est accélérée durant les dernières années et qui va se poursuivre sur cette lancée.