En formant à la Data & IA, La Poste décuple sa capacité de transformation

Avec comme ambition de devenir Data Driven, La Poste accélère sur la formation et l’acculturation de ses collaborateurs à la data et à l’intelligence artificielle. Vision et stratégie présentées par son CDO, Pierre-Etienne Bardin.

Pierre-Etienne Bardin, CDO de La Poste

Pierre-Etienne Bardin, CDO de La Poste

La Data et l’intelligence artificielle constituent des piliers du plan stratégique 2030 du groupe La Poste. Pour son chief data officer, Pierre-Etienne Bardin, transformer La Poste en entreprise Data Driven ne relève pas du buzzword. Il s’agit d’une ambition claire et destinée “à rattraper les organisations les plus performantes dans leur capacité à mobiliser les données et des technologies comme l’IA pour les aider dans la prise de décision. »

La trajectoire stratégique est fixée. Mais le groupe français entend en outre poursuivre cet objectif à un rythme soutenu, “le plus vite possible”, comme le souligne le CDO. Le groupe s’est donc engagé dans un programme d’accélération sur la Data & l’IA. Pour y parvenir, des conditions doivent être réunies cependant.

Le capital humain central dans les transformations

Et Pierre-Etienne Bardin a une conviction en ce qui concerne la réussite de cette initiative. Elle passera nécessairement par la formation et l’acculturation. Ces sujets sont fondamentaux pour “décupler la capacité à transformer” de La Poste, insiste-t-il. “La partie capital humain est devenue centrale dans les chantiers de transformation (…) et elle se traduit par différents niveaux d’exposition à la data et l’IA.”

Le premier de ces niveaux, la base de la pyramide, est axé sur l’acculturation de tous. Il concerne les 250.000 collaborateurs de l’entreprise. C’est Objectif IA, une formation co-élaborée par l’Institut Montaigne et OpenClassrooms. Déployé sur le LMS de La Poste, le cours n’a pas pour finalité de former des data scientists.

Objectif IA constitue une initiation à l’intelligence artificielle. A ce jour, ce sont 43.000 salariés de l’organisation qui ont été certifiés. Un bilan à mi-parcours satisfaisant pour le CDO. “Cela donne un niveau de compréhension de l’IA et de son impact dans notre quotidien”, déclare-t-il pour en traduire la valeur pour l’entreprise. Beaucoup reste à faire néanmoins, sur la Data comme sur la formation au numérique plus globalement. D’ici 2025, tout le personnel aura en principe finalisé cette première étape.

Afin d’accélérer sur la Data & l’IA, La Poste doit en outre développer d’autres dispositifs. L’entreprise a ainsi conçu elle-même des “couches supplémentaires”, ou des “modules avancés”. Data Science, gestion de base de données, datavisualisation, data management… constituent des modules d’approfondissement accessibles aux collaborateurs.

La Poste a voulu des cursus spécialisés “ludiques et interactifs” et où la gamification tient une place importante. Toujours en matière d’acculturation et de sensibilisation, elle a également mis en place un programme intitulé “Data Académie”, en partenariat avec Capgemini. Ce programme se destine, en priorité, mais pas exclusivement, aux 5000 top managers du groupe hexagonal.

La Data Académie pour embarquer et sensibiliser les managers

La finalité est d’impliquer les managers dans le développement d’un écosystème interne favorable à l’adoption de l’intelligence artificielle. La formation contribue à créer les conditions du succès, mais nourrit aussi l’idéation en termes d’implémentation de l’IA sur le périmètre des décideurs. Pour cela, le cursus s’échelonne entre une demi-journée (plutôt pour le Top 500 des managers) et 12 heures.          

Le programme aborde les sujets essentiels aux projets Data, comme la qualité des données, la gouvernance, la réglementation, l’IA éthique et responsable, etc. Et afin de favoriser la compréhension, La Poste inscrit les contenus de la Data Académie dans son propre contexte opérationnel.   

“Les usages décrits sont ceux de l’entreprise. Les politiques Data sont celles du groupe. Les paramètres éthiques sont issus de notre charte IA éthique (…)”, détaille Pierre-Etienne Bardin pour l’illustrer. D’autres dispositifs encore sont disponibles pour les collaborateurs pour leur permettre “de renforcer leur fonction”.

Le rôle du salarié demeure inchangé. Néanmoins, les formations leur ouvrent l’accès à des compétences nouvelles sur la data et qui leur seront utiles au quotidien. Un responsable marketing pourra, par exemple, être formé à la data quality, à la data science ou à Python.

“Les parcours ne permettent pas d’évoluer vers un métier, mais renforcent sa fonction actuelle et donnent la capacité de mieux traiter la donnée dans son quotidien”, clarifie le CDO. Des modules multiples ont ainsi été développés pour répondre aux besoins en matière de compétences Data et IA de différentes populations, opérationnels métiers comme IT.

Une école formant à des métiers indispensables

Depuis cette année, La Poste dispose d’un nouveau dispositif, bâti en partie sur un existant auparavant internalisé (Hello Data) : L’École de la Data et de l’IA. Son objectif est lui de faire évoluer les collaborateurs, mais aussi des candidats externes, vers des métiers. Les formations certifiantes concernent quatre métiers pour le moment : data ingénieur, data scientist, data analyst, product owner data.

Avec l’École, associant des partenaires, dont Simplon, La Poste se fixe comme but de former, à terme, jusqu’à 250 personnes par an. La création de cette école interne était justifiée par la volonté “d’influencer le cursus pour y intégrer des dimensions très fortes liées aux valeurs du groupe, comme l’IA de confiance”, nous explique le chief data officer.

En 2023, cette école devrait s’étoffer avec de nouveaux partenaires et de nouveaux métiers, à commencer par celui de “data manager” (aussi appelé data steward). D’autres pistes sont à l’étude. Les parcours supplémentaires devront impérativement répondre à des besoins internes.

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Sont ainsi examinés des métiers autour de la datavisualisation, de l’architecture data et du MLOps. Pour évaluer ces besoins, la direction Data s’est associée dès le début avec le département ressources humaines. Les RH accèdent notamment au data lake pour prévoir les emplois et compétences Data. Ce travail est cependant transverse et nécessite l’implication de tous les métiers du groupe.

Outre ces dispositifs structurés, la direction Data organise diverses interventions afin d’acculturer. En novembre, elle pilotait par exemple un séminaire interne, ouvert cette année à d’autres entités proches, comme CNP Assurances. Ses membres, “acteurs du changement”, s’invitent aussi à des réunions métiers.

La finalité : transférer un savoir-faire et diffuser la culture data dans toute l’organisation. Cela inclut notamment les équipes IT, pour lesquelles ont été développés des programmes de formation dédiés. Ces cursus permettent par exemple de renforcer les effectifs de data ingénieurs, des profils en forte tension.

Rendre les BU Data Driven et SAFe, en formant métiers et DSI

La conception des formations n’était, en effet, pas la seule priorité. Il était aussi capital de cibler leur déploiement. Les DSI du groupe et leurs collaborateurs étaient ainsi prioritaires. La mise en production et l’industrialisation des projets Data & IA nécessitent en effet une montée en compétences parmi l’IT.

Grâce à la formation, La Poste s’efforce aussi de transformer ses équipes analytics en data analystes. Pour les opérationnels, l’enjeu est d’introduire le data management. La Direction Data développe ainsi une approche par BU avec pour objectif de “la rendre data driven” en acculturant et en formant ses équipes (DSI, analytics, etc.).

“Toutes les ressources éducatives mises en place, nous les déployons auprès de chacune des business units. Et mon équipe est organisée à cette fin. C’est la démarche que nous avons orchestrée depuis un an maintenant pour accélérer”, confie le CDO à Alliancy.fr.

Cette stratégie répond à la problématique du passage à l’échelle et de la décentralisation. Une direction data centrale ne peut tout opérer. Pour parvenir à une organisation Data Driven, il est indispensable de s’appuyer sur des BU ou métiers plus autonomes. La Poste privilégie donc depuis 2021 un modèle de transfert de compétences auprès des équipes métiers et IT.

En parallèle, afin de favoriser l’accélération de cette transformation, l’entreprise déploie une méthodologie SAFe, c’est-à-dire d’agilité à l’échelle. “Nous le faisons là aussi de façon opportuniste, métier par métier. Cela instaure une nouvelle manière de travailler bien adaptée à la Data et aux projets de cette nature. Toute mon équipe est formée à SAFe. A présent, nous formons les DSI et les métiers”, déclare Pierre-Etienne Bardin.