Data Mesh : SG déploie une stratégie de selfcarisation de la donnée

Du data mesh chez SG ? Dans l’inspiration, mais adapté à l’entreprise, répond Karim Perdreau, son directeur data, dans un entretien accordé en mai dernier. La stratégie data de la banque de détail France s’appuie ainsi sur trois piliers : data fair, data as a product et data culture

>> Cet article est extrait du carnet d’expériences à télécharger : Modernisation des plateformes de données : les meilleurs accélérateurs des grandes entreprises.

Karim Perdreau, directeur Data & IA de SG

Karim Perdreau, directeur Data & IA de SG
(Photo : LinkedIn)

Autonomisation des métiers et direction data centrale sont-elles compatibles ? Et une telle organisation ne présente-t-elle pas des limites ? 

Pour nous, l’autonomie de chacun des acteurs de la banque sur la donnée nécessite des transformations profondes de nos SI, de notre organisation et de notre gouvernance. Nous sommes dans un moment clé. Il est donc nécessaire d’accélérer ces transformations. Pour nous, elles se feront à travers une direction data centrale. 

Nous avons choisi la stratégie de la centralisation plutôt comme un vecteur d’accélération. Dès le début, nous avons bien identifié la problématique du goulot d’étranglement potentiel propre à ce type d’organisation. L’ensemble des sujets de transformation ont pour cœur la donnée. Et si l’équipe data doit être sollicitée systématiquement, c’est tout le mouvement qui risque de se gripper. C’est en ce sens que nous avons défini une stratégie portée sur l’autonomisation de l’ensemble des métiers de la banque au départ de la donnée. 

Comment s’affranchir des risques inhérents à un modèle centralisé ? 

Nous avons défini une stratégie de selfcarisation de la donnée, basée sur trois piliers majeurs. Le premier, c’est ce que nous appelons la data fair, c’est-à-dire une donnée facile à découvrir, accessible, interopérable, exposable, réutilisable, documentée… 

Dans la banque, et souvent ailleurs, les systèmes de données ont été principalement décisionnels. Avec ces exigences, nous approchons le terrain du transactionnel, les produits de données répondant à ces mêmes caractéristiques. 

C’est une transformation. Et pour la rendre possible, la gouvernance doit également évoluer. Elle ne peut pas juste être un processus papier. Le data lineage ne peut se résumer à un simple document Word. En outre, la croissance exponentielle des collectes de données et des traitements associés nécessite un recours accru à l’automatisation by design

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Quelle forme prendra à terme cette gouvernance ? 

La cible est une gouvernance by design. Pour chaque développement, exposition, consultation… un traitement minimal doit être opéré, notamment afin de documenter. Cela suppose un élargissement du périmètre actuel de la gouvernance. 

Dans les banques, et ce n’est pas propre à SG, les données contrôlées par les systèmes de qualité sont généralement des données liées à la régulation. Une part non négligeable des données ne subit donc pas le même niveau de contrôle métier. Il faut y remédier. 

La gouvernance est également une réponse à la problématique des référentiels, les golden sources, ou ce que nous appelons désormais les core data. Leur identification passe par une analyse des processus majeurs de la banque. Les données nécessaires au processus maître sont les plus importantes de la banque, ce sont les core data

BANNIERE CARRE KYNDRYLLe premier pilier est la data fair. Quel est le second ? 

Les exigences sur les données cœur sont incontournables, avant même d’envisager un découpage en domaines. Elles sont nécessaires à tous. Inutile de les loger dans des domaines, c’est-à-dire de les placer sous la responsabilité d’un seul métier. En outre, et à titre personnel, je ne crois pas à la surinteropérabilité des domaines. 

Une fois la core data documentée, exposée et servicisée, alors il est possible d’aborder le deuxième pilier, celui des data as a product, les plus autonomes possible. Ils sont rattachés à des domaines, qui peuvent être plus ou moins complexes. Je pense notamment au domaine omnicanal. Lorsque la complexité est forte, l’orchestration est opérée par la direction data. 

Ce découpage autorise-t-il néanmoins la création de domaines indépendants ? 

L’objectif est que les acteurs du siège et des régions disposent d’une autonomie plus forte sur leur pilotage d’activité. Cette autonomie, nous la traduisons sous forme de domaines de confiance. Nous amenons des données héritées de la core data dans ces domaines pour leur permettre d’être autonomes, selon l’acteur, à la fois sur le traitement avec de l’outillage low code no code, et sur la visualisation avec du self-service BI ou bien le storytelling. 

Ces domaines pourront venir enrichir les données. Néanmoins, ils devront agir dans le cadre des processus dits de la data fair et donc d’une gouvernance by design. Chaque traitement créé devra par exemple être décrit, documenté, et embarquer des microservices data visant à garantir le suivi. 

D’autres domaines sont à créer. Nous ne les avons pas encore finalisés. Il s’agit notamment de la finance et des risques. C’est un travail collectif sur lequel l’entreprise, dans sa globalité, réfléchit. 

Qu’en est-il du troisième pilier de la stratégie data de SG ? 

C’est celui de la data culture, c’est-à-dire de l’acculturation. Cela ne s’arrête pas cependant à la culture et à un partage sur des grands concepts. Ce pilier comporte une dimension importante en matière d’upskilling car la transformation data est avant tout une transformation culturelle majeure. C’est pourquoi tout le monde doit se sentir concerné et acteur du changement. Des actions sont menées au niveau du groupe Société Générale depuis plusieurs années pour faciliter l’appropriation par les managers des enjeux, l’émergence de rôles clés nécessaires pour concevoir, développer et lancer des produits, et la montée en compétences des collaborateurs. 

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Sans que vous citiez le data mesh, plusieurs pans de la stratégie et termes s’y apparentent. En quoi cette approche est-elle inspirante pour SG ? 

Nous évoluons dans un environnement contraint et marqué par des crises. Nous devons pouvoir nous réinventer, multiplier les cycles d’idéation, réduire le time-to-market et les coûts projet. L’accélération amène ainsi rapidement à la question de l’autonomie, y compris sur la donnée. C’est un des fondamentaux du data mesh

Mais est-ce que pour autant nous appliquerons le data mesh ? Non. Ce que nous mettrons en œuvre en sera une version qui nous est propre, et qui tiendra aussi compte des spécificités du groupe Société Générale. 

Comment prévoyez-vous d’agir pour redonner ownership et autonomie aux métiers ? 

C’est la partie la plus complexe – le volet technique l’étant également. Néanmoins, le changement ici embarque l’organisation et la gouvernance. Il convient de tenir compte de besoins de pilotage d’activité de certaines entités et d’autonomie sur les territoires, par exemple en matière de prospection commerciale. 

Ces besoins sont des opportunités de lancer des phases pilote, mais dans un cadre fédéré. La direction des relations clientèle à distance, qui héberge notamment le digital et les centres de relation client (CRC), disposera ainsi de son domaine autonome. Le cadrage est en cours. 

L’autonomie se fera aussi au niveau des régions, qui doivent pouvoir accéder et manipuler la donnée. Avec le patron des marchés, nous avons validé une approche des petits pas et la mise en place de référents métier ou correspondants data en région. Chacune aura son correspondant, fonctionnellement rattaché à la direction data. 

Cela nous permettra de lui faire vivre l’écosystème data. Il participera à tous les rendez-vous forts de la direction et sera dans le même temps l’interlocuteur en local. Dans une transformation data, 70 % c’est du change. Le correspondant est un rouage essentiel de cette conduite du changement. Enfin, l’implication du business s’opère par le biais des core data sous l’angle des processus. 

Le pilier de la self-service data infrastructure as a platform est-il une perspective pour SG ? 

Redonner de l’autonomie passe nécessairement par le fait d’entrer dans une logique le plus as a service du terme. La direction data chez SG n’est pas une direction IT. Pour autant, elle opère du build. Et demain, notre ambition est d’être le plus possible dans un build métier fortement appuyé par la DSI, nous permettant de relever ce challenge ambitieux. 

Cela sous-entend des infrastructures as a service. Et aussi une plateforme qui expose elle-même des services. Le low code no code est une plateforme de ce type. Si on veut réduire le time-to-market et le coût, toute action automatisable doit être automatisée. De la même manière, la standardisation, par exemple sur les produits, nécessite de l’automatisation. 

La plateforme as a service est clé. Mais sa principale problématique est l’organisation. De telles plateformes conçues pour donner de l’autonomie métier supposent une organisation métier fit for purpose. C’est-à-dire que l’organisation répond à des initiatives stratégiques. Elle peut être matricielle et pas nécessairement hiérarchique. 

Le self-service rime-t-il aussi avec cloud ? 

Le cloud est une stratégie groupe. C’est tout autant le cloud privé que public. Néanmoins, les environnements cibles dépendront de la nature des données. Nous appliquons une politique stricte de localisation de données sur le cloud public. Le cloud souverain pourrait apporter à terme plus de flexibilité. Nous étudions le sujet.