[Tribune] Marché de l’intelligence artificielle : vers plus de maturité en 2024 ?

Les subtilités cruciales de l’intelligence artificielle sont souvent occultées par l’effervescence des annonces technologiques. En effet, l’engouement pour l’IA s’est intensifié, notamment depuis le dévoilement de la version publique de ChatGPT il y a exactement un an. Bien que la trajectoire exacte du marché demeure incertaine, quelques éclaircissements permettent d’anticiper les tendances qui façonneront les orientations des entreprises dans l’année à venir. Maxime Vermeir, Directeur Intelligence Artificielle chez ABBYY, nous livre son analyse.

Maxime Vermeir, Directeur Intelligence Artificielle, ABBYY

Maxime Vermeir, Directeur Intelligence Artificielle, ABBYY

L’intelligence artificielle recouvre des nuances essentielles souvent masquées par le tumulte des annonces technologiques. De fait, le plébiscite rencontré par l’IA est particulièrement marqué notamment depuis le lancement de la version publique de ChatGPT il y a exactement un an. Si personne ne connaît la direction exacte que prendra le marché, certains éclaircissements permettent de prendre la mesure des tendances qui s’inviteront au sein des directions d’entreprises l’année prochaine. Mettons en lumière les questionnements les plus importants soulevés par la diffusion de l’IA dans l’économie.

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Vers des modèles d’IA plus étroits et plus rentables

Pour répondre aux défis commerciaux des entreprises, la solution consistera bien souvent à se tourner vers des applications d’IA plus spécialisées que les modèles à usage général issus de l’IA générative.

Prenons un exemple concret, la fin d’un trimestre et d’une année civile est l’une des périodes les plus stressantes pour les professionnels de la finance et de la comptabilité. L’idée que l’IA générative puisse les aider n’est pas réaliste. En réalité, la capacité à lire et à résumer les factures est un cas d’usage peu convaincant. De surcroît, les coûts liés au développement et à la maintenance des modèles d’IA générative sont démesurés au regard de la plus-value apportée dans le cadre d’une telle application. Ce qui aidera les directeurs financiers à améliorer leurs flux de trésorerie et à accroître leur rentabilité, c’est de faire en sorte que le traitement des factures se fasse à plus de 90 % sans contact avec les équipes humaines. Or, il existe aujourd’hui des modèles d’IA étroits capables d’extraire, de classer et d’automatiser les informations génératrices de revenus dans les systèmes ERP, éliminant ainsi le besoin d’un modèle d’IA générative plus coûteuse, plus lourde et plus encline à prendre des risques.

Les modèles d’IA éco-responsables se généraliseront

Les entreprises tendent vers des approches plus écoénergétiques, soulignant la nécessité de solutions durables. Dans ce contexte, elles vont prendre conscience de l’impact écologique de l’IA générative. Le coût énergétique conséquent de la recherche et de la synthèse de données via l’IA générative pourrait devenir un point de crispation.

Des alternatives plus spécialisées, telles que celles déployées dans le secteur du transport et de la logistique, permettent l’extraction efficace de données complexes, et démontrent qu’une approche plus pragmatique est souvent plus judicieuse. Cela devrait également induire un retour aux fondamentaux, c’est-à-dire à des technologies comme le traitement intelligent de documents (TID) et la cartographie des processus.

Face à la préoccupation grandissante concernant l’empreinte carbone des modèles d’IA à usage général, une tendance émerge d’ores et déjà : le développement d’IA à faible impact carbone. Ainsi, les acteurs de l’IA devraient s’engager dans des pratiques de développement plus responsables, optimisant les algorithmes pour une consommation d’énergie plus efficiente. Cette transformation s’inscrit dans une volonté croissante de rendre l’IA durable, tout en répondant aux enjeux de décarbonisation des entreprises.

Le cadre réglementaire imposera une approche plus transparente et plus personnalisée

Avec son AI Act, l’UE fait figure de pionnière sur la scène internationale en étant la première à établir des règles claires et proportionnées pour encadrer l’IA afin de pallier les risques et de promouvoir l’innovation. L’ère de l’IA générative sera marquée par une sensibilisation accrue aux cadres et aux réglementations. Cette attention accrue ramènera les entreprises à certaines réalités opérationnelles.

Les éclaircissements réglementaires sont essentiels pour favoriser un écosystème où l’innovation est équilibrée avec des principes éthiques et des normes de sécurité élevées. Comme évoqué, l’observation du marché indique un déplacement des projecteurs de l’IA générative vers des solutions d’IA et de machine learning plus spécialisées, focalisées sur des problématiques spécifiques prenant en compte les niveaux de sécurité, de confidentialité et d’éthique adaptés à chaque secteur.

Par conséquent, l’intelligence artificielle explicative (XAI) pourrait devenir un élément clé pour dissiper le flou entourant les modèles d’IA complexes et offrir plus de transparence aux utilisateurs finaux quant à l’utilisation de leurs données et aux résultats qu’ils obtiennent. Cette tendance répond à une exigence croissante de transparence, renforçant la confiance des utilisateurs et des parties prenantes. La réglementation plus stricte, stimulée par la prolifération de l’IA, garantira une utilisation éthique, la protection des données et des déclarations vérifiables par les acteurs de l’IA.

Dans cette ère de changement, la clé réside dans le développement de solutions d’IA fiables, durables et spécialisées produisant des résultats dont la qualité est constante. L’innovation technologique n’est pas seulement une course à la nouveauté, elle doit in fine servir les objectifs des entreprises. Ainsi, le marché devrait entamer une phase de consolidation dans un futur proche. Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu’il faut cesser d’expérimenter et de garder un œil sur les nombreuses innovations que peut produire le marché de l’intelligence artificielle, mais les entreprises devraient s’appuyer sur une approche plus pragmatique et plus responsable. C’est ce modèle plus durable qui devraient inciter plus d’entreprises à sauter le pas et à automatiser davantage leurs processus.